Plutarque Vies des hommes illustres
COMPARAISON DE THÉSÉE ET DE ROMULUS.
Voilà ce que j’ai pu recueillir, qui soit digne de mémoire, au sujet de Thésée et de Romulus. Et d’abord, on y voit Thésée, librement, sans contrainte aucune, et alors qu’il pouvait succéder à son aïeul dans une souveraineté qui n’était pas sans éclat, et vivre tranquillement à Trézène, se porter, de son propre mouvement, à entreprendre de grandes choses. Au contraire, ce fut pour fuir l’esclavage où il vivait, et le châtiment dont il était menacé, que Romulus devint, pour parler comme Platon, hardi par peur[1] : la crainte du dernier supplice le poussa, malgré qu’il en eût, aux grandes entreprises. Aussi bien, son plus grand exploit fut la mort d’un seul tyran, celui d’Albe, tandis que les victoires de Thésée sur Sciron, Sinnis, Procruste et Corynète, ne furent pour lui qu’un passe-temps et un prélude : quand il les faisait périr et qu’il punissait leurs brigandages, et quand il délivrait la Grèce de ces tyrans cruels, ceux qu’il sauvait ignoraient jusqu’à son nom même. Ajoutez qu’il pouvait, en prenant le chemin de mer, voyager en sûreté, sans avoir rien à craindre des brigands, tandis que Romulus n’aurait jamais joui du repos, Amulius vivant. Une grande preuve de la supériorité de Thésée, c’est que, sans avoir reçu aucune insulte personnelle, il courut sus aux méchants, pour l’intérêt des autres. Romulus et son frère, tant qu’ils n’eurent pas été eux-mêmes offensés par le tyran, demeurèrent insensibles aux outrages dont tous avaient à souffrir. Si Romulus donna des preuves d’un grand courage, lorsqu’il fut blessé en combattant contre les Sabins, lorsqu’il tua Acron de sa main et vainquit tant de fois l’ennemi en bataille, on peut opposer à ses hauts faits le combat contre les Centaures et la guerre des Amazones.
LYCURGUE. (Florissait au commencement du neuvième siècle ayant notre ère.)
On ne peut rien dire absolument, de Lycurgue le législateur, qui ne soit sujet à controverse. Son origine, ses voyages, sa mort, enfin les lois mêmes et le gouvernement qu’il a institués, ont donné lieu à des récits fort divers ; mais le point sur lequel y a le plus complet désaccord, c’est le temps où il a vécu. Les uns le font contemporain d’Iphitus, et prétendent qu’il régla avec lui l’armistice qui s’observe pendant les jeux Olympiques. De ce nombre est Aristote le philosophe, lequel allègue, pour preuve de son sentiment, le disque dont on se sert à Olympie, qui porte encore gravé le nom de Lycurgue. Mais ceux qui comptent les temps par la succession des hommes qui ont régné à Sparte, ainsi Ératosthène[1], Apollodore[2], le font antérieur d’un grand nombre d’années à la première olympiade. Timée[3] conjecture qu’il y a eu deux Lycurgue à Sparte, à deux époques différentes, et que ce sont les actions de l’un et de l’autre qu’on attribue à celui des deux qui a eu le plus de réputation : le plus ancien aurait été, peu s’en faut, le contemporain d’Homère. Il y en a même qui veulent qu’Homère et lui se soient rencontrés. Xénophon autorise la croyance à la haute antiquité de Lycurgue, quand il le fait vivre du temps des Héraclides. À la vérité, les derniers rois de Sparte eux-mêmes étaient des Héraclides ; mais Xénophon a voulu sans nul doute parler des plus immédiats descendants d’Hercule. Cependant, malgré ces incertitudes où flotte l’histoire, nous tâcherons de ne nous attacher, dans notre récit, qu’aux faits les moins contestés de la vie de Lycurgue, et qui se recommandent par les plus graves autorités.
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- Loose-Sutures
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- 7 septembre 2024 à 04:18:44
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