Plutarque Vies des hommes illustres
Nous avons déjà parlé de la fête des Palilies. Celle des Lupercales, à en juger par le temps où elle se célèbre, est une fête d’expiation : c’est un des jours néfastes du mois de février ; et le nom même de ce mois signifie expiatif. Ce jour s’appelait anciennement Februata. Le nom de Lupercales veut dire fête des loups : cela prouve, pense-t-on, qu’elle est très-ancienne, et qu’elle date des Arcadiens, compagnons d’Évandre. Ce n’est pas là une raison. Ce nom peut venir de la louve qui allaita Romulus ; et, en effet, nous voyons que les Luperques commencent leurs courses à l’endroit même où Romulus, dit-on, fut exposé. Au reste, il y a des pratiques qui sont loin d’éclaircir la question d’origine : on égorge des chèvres ; on fait approcher deux jeunes gens de noble maison ; des sacrificateurs leur touchent le front avec un couteau ensanglanté, et d’autres, à l’instant même, le leur essuient avec de la laine imbibée de lait. Une fois essuyés, les jeunes garçons sont obligés de rire. Puis les Luperques taillent en lanières les peaux des chèvres ; et, courant tout nus, avec une simple ceinture de cuir, ils frappent de leurs courroies tous ceux qu’ils rencontrent. Les jeunes épouses ne fuient pas ces coups, persuadées de leur bienfaisante influence sur la fécondité des femmes et sur les accouchements. Enfin, une autre particularité de cette fête, c’est que les Luperques sacrifient un chien. Un certain Butas[56] a fait des vers élégiaques sur les coutumes des Romains ; mais ses origines ne sont que fables. Il dit que Romulus, après avoir vaincu Amulius, courut, transporté de joie, jusqu’au lieu où, petits enfants, la louve leur avait donné la mamelle ; que cette fête est une imitation de sa course, et que les jeunes gens de noble maison courent,
Frappant devant eux, comme, l’épée à la main,
S’élançaient d’Albe Romulus et Rémus[57].
Il ajoute que la cérémonie de toucher le front avec un couteau ensanglanté est une allusion au carnage et aux périls de cette journée. Pour l’ablution de lait, elle rappellerait la première nourriture des deux frères.
Cette histoire ressemble fort à ce que content les Grecs d’Aristéas le Proconésien, et de Cléomède d’Astypalée. Aristéas étant mort dans la boutique d’un foulon, ses amis s’y transportèrent, pour enlever le corps ; mais le corps avait disparu. Des gens qui arrivaient de voyage dirent qu’ils avaient rencontré Aristéas, faisant route vers Crotone. Pour Cléomède, c’était un homme d’une taille et d’une force extraordinaires, mais sujet à des accès de démence et de fureur, pendant lesquels il s’était souvent porté à des actes de violence. Un jour, il entra dans une école d’enfants, et il rompit par le milieu, d’un coup de poing, la colonne qui soutenait le comble : le toit s’écroula, et tous les enfants furent écrasés. Cléomède, voyant qu’on courait après lui, se jeta dans un grand coffre, qu’il ferma, et dont il tint le couvercle si fortement, que plusieurs personnes, en réunissant leurs efforts, ne purent venir à bout de l’arracher. Il fallut briser le coffre ; mais on n’y trouva point l’homme, ni vif ni mort. L’étonnement fut extrême, et l’on envoya consulter l’oracle de Delphes. Voici ce que leur dit la Pythie :
Cléomède d’Astypalée est le dernier des héros.
On débite aussi que le corps d’Alcmène disparut, comme on le portait au bûcher, et qu’il ne se trouva sur le lit qu’une pierre.
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- Loose-Sutures
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- 7 septembre 2024 à 04:18:44
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