Plutarque Vies des hommes illustres
On peut, à leurs plaisanteries même, juger de leur habitude de ne rien dire d’inutile, et de ne laisser échapper aucune parole qui ne renfermât une pensée de quelque valeur. On proposait à un Spartiate d’aller entendre un homme qui imitait le rossignol. « J’ai entendu. dit-il, le rossignol lui-même. » Un autre, après avoir lu cette épitaphe :
Tandis qu’ils éteignaient la tyrannie, l’impitoyable Mars
Fit d’eux sa proie ; et ils périrent aux portes de Sélinonte.
Ils s’adonnaient à l’étude du chant et à la poésie lyrique avec la même ardeur qu’ils mettaient à chercher l’élégance et la pureté du langage. Il y avait, dans leurs chants, un aiguillon qui excitait le courage, et qui inspirait l’enthousiasme et les belles actions. Le style en était simple et mâle, les sujets graves et propres à former les mœurs. C’était, le plus souvent, l’éloge et l’apothéose de ceux qui étaient morts pour Sparte ; c’était la censure de ceux qui avaient montré de la peur, et dont on dépeignait la vie triste et malheureuse ; c’était, selon la convenance des âges, ou la promesse d’être un jour vertueux, ou le fier témoignage de l’être maintenant. Il ne sera pas hors de propos d’expliquer ma pensée par un exemple. Dans les fêtes publiques, il y avait trois chœurs, suivant les trois différents âges. Le chœur des vieillards entonnait ainsi le chant :
Nous avons été jadis jeunes et braves.
Le chœur des jeunes gens répondait :
Nous le sommes maintenant. Approche, tu verras bien !
Le troisième chœur, celui des enfants, disait, à son tour :
Et nous un jour le serons, et bien plus vaillants encore.
En général, si l’on examine les poésies des Lacédémoniens, dont quelques-unes se sont conservées jusqu’à nous, et les airs militaires qu’ils chantaient sur la flûte quand ils marchaient à l’ennemi, on reconnaîtra que Terpandre[45] et Pindare n’ont pas eu tort de faire du courage le compagnon de la musique. Le premier dit, en parlant de Lacédémone :
Là fleurissent et le courage des guerriers, et la muse harmonieuse,
Et la justice protectrice des cités.
Et Pindare : « C’est là qu’on voit des conseils de vieillards, et des guerriers vaillants la pique à la main, et des chœurs, et des chants, et des fêtes. » Tous deux ils nous représentent les Spartiates aussi passionnés pour la musique que pour la guerre. C’est qu’en effet,
Il y a deux choses qui se valent : tenir le fer, et bien manier la lyre,
comme dit le poëte laconien[46].
Ça rappelle les contes de provence.
Données du topic
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- Loose-Sutures
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- 7 septembre 2024 à 04:18:44
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