[RISITAS] Le bièrevirus, une histoire de dépression et de mariage (saupoudrée de pistaches)

Bonjour à tous, très chers membres du 18-25.

Je vous écris en cette froide nuit, et du fin fond de ma campagne germanique, pour vous conter mes trois dernières années. Le récit, bien que se déroulant principalement sur les années allant de 2020 et jusqu'à présent, prendra cependant source en 2019, afin de vous planter le décor et vous permettre de vous glisser (en toute humilité) dans l'état d'esprit qui me caractérisait à l'époque. J'espère que vous vous sentez prêts, car nous partons.

Partie 1 - Prologue

L'histoire commence en automne 2019, dans une grande ville du Nord de la France.

Je rentrais de plusieurs mois de travail dans le Sud du pays, où ma mère m'avait embauché pour l'aider à faire tourner son bureau de tabac pendant la période estivale (ayant des difficultés à trouver quelqu'un de fiable en urgence après que son employée l'ait laissée tomber à la dernière minute, juste avant le début de la saison touristique ).

J'avais démissionné deux ans plus tôt de mon emploi dans l'éducation nationale, et autant vous dire que quand on rêve toute sa jeunesse de devenir professeur des écoles, la décision avait été aussi libératrice que destructrice. Les deux dernières années s'étaient écoulées entre dépression, jeux-vidéo, rupture d'une relation de trois ans avec ma dulcinée de l'époque et alternance de petits boulots et de période de désœuvrement.

Cependant, ce retour dans le Nord et cette nouvelle rentrée scolaire signaient une reprise en main de mon destin : il était temps d'arrêter de lambiner et de subir la vie pour enfin aller me reconvertir professionnellement !

En effet, après de longs mois de tergiversation, quelques passages chez Pôle Emploi et les conseils d'un bon ami, j'allais me lancer dans l'informatique et tenter de trouver ma place dans ce fameux projet de start-up nation qu'on nous avait si bien vendu deux ans plus tôt.

• P'tit quota féminin
• P'tit quota de minorités
• P'tites méthodes d'enseignement novatrices de l'Empire

Nous avions 6 mois pour apprendre les bases du développement web, et la plupart de mes 20 comparses et moi-même allions en chier 35 heures par semaine puisque nous étions en grande majorité d'adultes en reconversion...

Parmi tous ces champions que nous étions, je fis rapidement la connaissance de ma bromance pour cette période de ma vie : Antonin.

Fier représentant de l'immigration polonaise arrivée aux alentours des années 40 en France, bourru, nationaliste, ancien déménageur accro à la musculation, écoutant du métal et avec un sens de l'humour à la croisée du chouffin et de notre bon sociologue aux effluves cacaotées.

Le premier mois se passa assez simplement, entre prise de connaissance du développement web et découverte de mes camarades, jusqu'à l'arrivée d'une annonce de la direction du campus (dialogues certifiés réinterprétés).

La directrice du campus, mielleuse - Bon, les échecs professionnels, s'agirait pas de se laisser aller. Il y a un startup-weekend qui s'organise à la fin du mois d'Octobre et on aimerait voir notre nom représenté, des volontaires ?
Une lèche-botte - Ça a l'air super, mais est-ce que vous pourriez nous expliquer en quoi ça consiste ?
- Fin du mois, de vendredi soir à dimanche soir, vous faites équipes avec d'autres personnes pour créer un projet fictif avec un produit, un design approximatif, un plan marketing, une budgétisation et vous présentez tout ça devant un jury qui va juger lequel est le meilleur de vos projets. Et ça serait quand-même pas mal que vous arriviez à bien vous classer, histoire qu'on puisse afficher votre réussite sur nos réseaux sociaux derrières, alors on compte sur vous.

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(moi)
(Antonin)

Nous parvenons à motiver quelques compères et organisons les inscriptions et le covoiturage.
Objectif de notre excursion ? Découvrir avec quelles carabistouilles la startup nation comptait essayer de nous la mettre dans le futur et se boire quelques mousses avec les collègues entre deux sessions de travail.

Comme disait une ancienne professeure : "On n'est jamais plus sérieux que quand on joue.", et croyez-moi, cette excursion allait s'avérer plus sérieuse que prévue.

Partie 2 - C'est notre projet (1/2)

Le jour du départ pour le startup week-end, je donne rendez-vous à Antonin et quelques camarades de formation devant chez moi. Étant l'un des seuls avec une voiture en état de marche, j'avais proposé de se partager les frais d'essence (environ 4€ par personne pour l'aller-retour, ça faisait presque concurrence aux services de bus régionaux) et de profiter d'un choix de playlist impeccable pour le trajet ( https://www.youtube.com/watch?v=8B4guKLlbVU - en boucle).

Nous étions partis en milieu d'après-midi et arriverions en début de soirée. Il faisait froid, mais le trajet et la rigolade nous avaient cependant suffisamment réchauffés pour endurer le climat pré-hivernal quelques minutes, le temps de décharger la voiture et de pénétrer dans le bâtiment qui allait accueillir l'événement.

Les frais d'inscription pour le week-end couvraient principalement la nourriture, et nous étions logés sur place, dans un "dortoir". Côté nourriture, aucun soucis, nous avions tout un tas de sucreries de plus ou moins bonne qualité disposées sur les grandes tables, et l'organisation avait commandé suffisamment de pizzas pour que ce premier soir ne soit pas placé sous le signe de la famine.

L'organisation nous fait patienter jusqu'à ce que tous les participants soient arrivés (une autre voiture en provenance de notre école avait d'ailleurs fait le trajet en parallèle, ce qui allait nous permettre d'approfondir nos liens durant le séjour), puis nous explique le déroulé du week-end. Il va falloir que nous préparions tous (ou en tous cas, les volontaires) rapidement un discours pour un produit issu de notre imagination et allions le présenter sur une scène afin de se soumettre aux votes des participants qui allaient élire leurs projets favoris et qui permettront de fédérer des équipes autour des plus populaires.

Dubitatif, je décide de tenter un truc absolument foireux, qui, avec le recul, était tellement explosé que suis bien content qu'il n'ait pas été sélectionné. Une heure se passe et les différentes présentations s'égrainent jusqu'au temps du vote. Chaque participant possédait 3 points à attribuer comme il le voulait à ses projets favoris, et les 10 projets (si je me souviens bien) qui allaient récolter le plus de points seraient ceux autour desquels il faudra réunir les équipes.

Une fois les projets élus, certains de mes collègues se regroupent par affinité tandis que Antonin, mes camarades et moi-même décidons de partir à l'aventure chacun de notre côté afin de trouver des projets qui correspondent à nos affinités plutôt que d'adopter une stratégie sectaire.

Je me retrouve pris dans un projet d'application sociale et musicale avec des inconnus et Le Capitaine, un camarade de classe timide, au visage poupon et à la peau d'ébène, avec qui je m'entends bien et que j'essaie régulièrement de décoincer depuis ces dernières semaines, tant la moindre goutte de stress finit par le faire bafouiller.

Malheureusement, l'heure tourne et la nuit est bien avancée, nous décidons de nous réunir, Antonin et quelques camarades, pour partager une bière et partager nos premières impressions avant de partir nous coucher.

Antonin, un peu fatigué de ces dernières heures - Ah elle est belle la startup nation ! Ça parle beaucoup pour pas grand chose et tout le monde est bien souriant pour te la glisser le plus profond possible sans que tu t'en inquiètes.
Moi - T'inquiètes pas, ça va sûrement devenir un peu plus intéressant rapidement. Ils sont comment vos coéquipiers ? Perso j'ai Le Capitaine, une ancienne crack-head, un marketeux et une nana qui fait du design dans le même école que nous.
Le Capitaine - Elle est sympa notre équipe, je trouve.
- Ouais, j'avoue, on a vu pire, j'espère juste qu'on arrivera à tenir les délais. Moins de 48 heures, sommeil inclus, pour préparer tout ce qu'on nous a demandé, ça va passer vite.
Francisco (le cinquantenaire de notre groupe) - Je confirme, les jeunes, va pas falloir tarder à se mettre au lit. D'ailleurs, vous voulez tirer un peu sur le pilon pour vous aider à vous endormir plus vite ?

Bordel, ces vieux, ils cachent bien leur jeu !

Je tire quelques fois sur le pilon de Fransisco, finis ma bière et file me coucher avec Antonin, qui était dans le même "dortoir" que moi.

La sweet ce soir en rentrant du boulot 😉

Partie 3 - C'est notre projet (2/2)

Le lendemain, après un rapide petit déjeuner et quelques cafés, nous charbonnons tous comme jamais, sous l'oeil des superviseurs et du jury de l'événement (d'ailleurs, un designer de chez Ankama était présent parmi ses membres), le tout entrecoupé de petites activités de type "team-building"...

Je vous jure, Antonin et moi nous lancions des regards qui en disaient long sur notre souffrance mentale devant tant de bienveillance forcée et d'inepties débitées (sans compter les règles de certains jeux qui étaient inutilement compliquées).

Bref, après cette journée axée "yes-life", il était temps de se reposer un peu. D'ailleurs, j'ai oublié de vous parler des fameux dortoirs... Imaginez un peu : une salle en L d'une quarantaine de mètres carrés, des fenêtres gigantesques, pas de rideaux, chauffage inexistant ou presque... Heureusement qu'on avait prévu du matériel de camping "au cas où".

Antonin et moi avions décidé d'aller tester les douches (séparément ).

Nous attrapons nos serviettes et sortons du dortoir.

- T'as une idée d'où elles se trouvent ?
- Aucune, mais on croisera bien quelqu'un pour nous renseigner.

Nous passons de l'étage du dortoir au rez-de-chaussée et finissons par croiser un habitué des lieux.

- Excusez-moi, mais pour les douches, ça se passe vers où ?
- Ah ben vous êtes plus très loin, les gars. Vous voyez le petit couloir plus loin sur la gauche ? Vous rentrez dedans et ça sera directement sur votre droite quelques mètres plus loin.

Nous avançons dans la direction désignée et rentrons dans un petit vestiaire. Le sol était trempé, et il n'y avait qu'une seule douche.

- Bon, tu sais bien que venir te frotter le dos en toute homosexualité fait partie de mes objectifs pour le week-end, mais je te laisse prendre le premier tour.
- Merci mec, je fais vite et je te préviens dès que j'ai fini.

Je remonte à l'étage des dortoirs et attends qu'Antonin me laisse savoir que la douche est libre. En arrivant, ayant oublié que le sol faisait également office de pédiluve, je trempe mes chaussettes... Et ben c'est parti pour marcher dans le froid avec des chaussettes humides pour le retour (et oui, ça me vaudra une bonne crève derrière).

En rentrant au dortoir, j'aperçois Antonin qui se change avant d'aller se pieuter.

- Hé, Capitaine, ça te fait pas douter de ton hétérosexualité, un tcheum pareil ?
- Ah non, hein ! Tu vas pas commencer ! Tu sais que c'est un péché !
(Ah oui, j'ai oublié de préciser, mais ce bon Capitaine est très pieux)
- Dans ce cas, c'est quoi ton style de meuf ?
- J'avoue, on t'a jamais vu avec une nana et t'es pas du genre à t'exprimer sur le sujet. Alors, envie de nous dévoiler un indice ?
- Non, mais vous voyez, c'est compliqué, j'aime les femmes...
En cœur - Les femmes..? Mais comment ?
Sachez que nous attendons toujours une réponse concrète à ce jour.

D'ailleurs, ce bon tcheum qu'est Antonin avait quelque peu le regard attiré par une jeune participante à l'événement.

- Et toi, comment ça avance avec la petite brune ?
- J'ai récupéré son téléphone, mais on n'a pas vraiment le temps de discuter... Et honnêtement, je sais même pas si je l'intéresse.
- Te bile pas, tu sais très bien que j'ai un lit deux places chez moi et t'y es toujours le bienvenue.
- Tu sais que je commence à considérer la possibilité de porter plainte pour harcèlement sexuel ? Mais t'es pas avec une Marocaine, en ce moment ?
- Ouais, mais ça sent bon la fin, donc autant essayer de t'attirer dans mes filets. (et effectivement, quelques jours plus tard, je me ferai ghoster sans raison apparente)
- En même-temps, ça doit pas super bien passer auprès de sa famille de sortir avec un Français et d'avoir des relations sexuelles hors mariage.
- Je peux te garantir qu'elle s'en est jamais plainte.

Le lendemain, nous nous hâtons de boucler nos projets respectifs, préparer les présentations et divers éléments visuels et sonores qui serviront pendant le passage de notre chef d'équipe sur scène.

Je vous passe les détails, mais l'équipe dont Le Capitaine et moi-même faisions partie était sortie victorieuse.

Partie 4 - Ellipse temporelle, latex en folie et guerre

Revenons rapidement sur cette histoire de Marocaine. Malgré ma propension à être plutôt sérieux dans mes relations et préférant éviter les coups d'un soir (le rapport investissement/bénéfice étant clairement négatif), j'avais décidé de mener la "yes-life" à fond et décidé de m'inscrire sur Tindé peu après le démarrage de ma formation. Et ma foi...

Je pense avoir enchaîné plus que de mesure en l'espace de 6 mois que sur les 10 années cumulées qui avaient précédées.

À savoir que je ne m'estime pas être d'une grande beauté, mais je présente relativement bien et m'en sors plutôt convenablement avec la gente féminine (l'éducation joue beaucoup, les clés, sachez-le). Prendre le temps de comprendre qui on a en face de nous, avoir une expression correcte et quelques vannes bien placées ouvrent bien des portes.

Bref, quelques stickers pour vous donner une idée des six mois qui s'étaient écoulés.

À l'issue de ces derniers (ce qui nous amène à mars 2020), nous nous préparions tous à passer notre examen final pour obtenir notre diplôme, et une étrange maladie venue de Chine commençait à faire de plus en plus parler d'elle.

- Nous sommes en guerre.
- Tout le monde à la maison, on se signe des petites autorisation pour aller faire ses courses. Bisous les potes, à dans deux mois.

Nous venions tout juste de terminer notre formation et c'était partie pour une mise au placard forcée.

Partie 5 - Vers de nouveaux horizons

À partir de cette période, différents réseaux sociaux s'étaient ouverts plus que d’habitude afin de laisser les confinés tromper la solitude. Ainsi, Tindé avait permis à ses utilisateurs de travers les frontières du réel et de pouvoir correspondre avec des gens du monde entier sans restrictions.

C'est pendant cette période que j'allais faire la première rencontre qui allait déclencher les événements à venir sur les deux prochaines années : Nu, petite vietnamienne choupi au possible avec qui j'échangeais en anglais.

On parlait de tout et de rien, pour tromper l'ennui. On parlait de nos expériences professionnelles et amoureuses et on avait très vite compris que quelque soit notre pays ou notre sexe, être jeune à notre époque, ça puait bien la merde.

J'en profitais également pour regarder quelques séries qu'elle m'avait recommandé, histoire de pas passer mon temps à jouer aux jeux vidéo.

Nu - Tu sais, vu que tu gères bien en anglais, si tu as envie de parler avec d'autres personnes que moi et de continuer à pratiquer la langue, je peux te conseiller une chouette application.
- Dis toujours, tant que c'est pas une appli de rencontre, ça me va. Pas envie de me frustrer outre mesure avec des nanas qui s'amuseraient à me chauffer alors qu'on peut pas sortir de chez nous.
- Non, non, t'en fais pas. Tu vas voir, c'est une application qui simule des envois de lettres, du coup les messages prennent un certain temps à être envoyé selon la différence de position géographique des correspondants. Tu devrais essayer, ça donne un charme épistolaire aux conversations et ça te pousse bien plus à écrire qu'un service de messagerie instantanée.
- Et bien

Après une rapide inscription et la complétion de mon profil (histoire de pouvoir être mis en correspondance avec des personnes qui partageraient un minimum mes centres d'intérêts).

Et bien heureusement que ce n'était pas une application de rencontre, parce que pêle-mêle, voici quelques profils types que j'ai rencontré sur cette application (je précise que je n'avais pas mis de restriction sur l'âge ou le sexe, sachant que j'étais là pour papoter) !
- une animatrice brésilienne 9/10 au cheveux verts et à la plastique parfaite
- une arménienne 7/10 avec des obus à faire pâlir l'Azerbaïdjan
- une maman québecoise avec qui je partageais quelques recettes de cuisine
- et divers profils issus d'Amérique latine, Asie et autres contrées éloignées.

Les journées passaient, j'étais pris dans une boucle interminable entre conversations avec Nu, séries, jeux et correspondances en anglais.

Je prenais cependant des nouvelles de mon bon tcheum de temps en temps et essayait de lui remonter le moral.
- Alors, ça se passe comment de ton côté ?
- Boarf, pas terrible. Je me fais chier comme jamais. Et toi ?
- Pareil, je trompe l'ennui comme je peux. Je me suis mis à Animal Crossing pour entretenir un semblant de relation sociale et m'occuper d'un jardin.
- Ah ouais, dur... T'en veux une bonne ?
- Vas-y.
- En face de chez moi, il y a un escalier qui monte en direction de la route et qui sont encadrés par des arbres. Tous les jours, je vois passer des Instagrameuses qui viennent faire leur course à pieds et se prendre en photo juste devant. Je comprends pas le délire.
- Je te rassure, on est deux.
- Elles ont de beaux p'tits culs, au moins, c'est déjà ça.
- Tu devrais ouvrir un stand pour les prendre en photo contre rémunération, t'as déjà la clientèle qui se presse pour accéder au lieu, et avec tes talents de designer, je suis sûr que tu pourrais fournir un service de qualité.
- J'ai pas la patience.

Chacun sa boucle.

Et dans ces heures sombres de désœuvrement, j'étais bien loin de me douter de ce qui allait m'arriver...

Le danger allait arriver par l'Est.

Partie 6 - Une femme Döner

Nous étions en avril 2020. Le printemps était bien installé, les oiseaux chantaient, la nature verdoyait et nous étions toujours enfermés.

Le soleil pointait à travers ma fenêtre et j'attrapais machinalement mon téléphone, en espérant y voir quelque chose qui pourrait me motiver à mettre un pied hors de mon lit.

Pas de messages de Nu ou de mon bon tcheum, le calme plat.

Seulement une notification à propos d'un nouveau correspondant. Ma foi, voyons de quoi il retourne, au pire, je retournerais me coucher.

C'est alors que je fis la connaissance de Luna, étudiante en Turquie qui semblait tout autant s'ennuyer que moi.
Désireux d'avoir une occupation qui me ferait oublier la solitude de mon existence, je décidais de lui répondre au moins une fois, et si le courant ne passait pas ou qu'elle était ennuyeuse, il me restait tout un tas de correspondants à qui accorder mon temps de cerveau affreusement disponible.

Les messages entre la France et la Turquie allaient prendre 8 heures à s'échanger, donc je décidais de jouer le jeu et de l'interroger sur ses passes-temps. Lectures, films, qu'est-ce qu'on aime dans ce pays dont les rares fois où on en entendait parler étaient pour nous vanter son président ?

Les jours qui suivirent s'avéraient plus prenant que prévus. Les échanges avec Luna consistaient principalement en une lettre chacun (entre le temps de trajet et la différence de fuseau horaire, difficile de faire mieux) par jour.

Nous apprenions à nous connaître au fil de nos lettres et le courant passait bien.

J'apprenais qu'elle était fille de militaire.
Actuellement à l'université pour devenir ingénieure civile.
Qu'elle avait été dans un chœur et régulièrement à la radio nationale de par cette activité.
On parlait beaucoup de culture, classique ou populaire, peu nous importait du sujet, nous aimions converser.

Nous nous traduisions nos poèmes et chansons favorites issus de nos cultures respectives, et j'attendais chaque jour ce moment où j'allais avoir de ses nouvelles.

Sachez que l'application ne permettait pas de mettre de photo personnelle dans son image de profil, et nous n'avions jamais émis la moindre demande, pour l'un comme l'autre, de nous échanger une photo (mais comme vous l'aurez peut-être compris par déduction, l'Arménienne et la Brésilienne avaient été plus entreprenantes).

Mais le 11 mai serait le jour où nous allions basculer.

Partie 7 - La fourberie d'Arthur Aron

Ce jour-là, elle amena sur la table des discussions un certain Arthur Aron.

Le bougre était un psychologue américain qui avait élaboré une série de 36 questions qui servaient à déterminer si deux personnes éprouvaient des sentiments amoureux l'un pour l'autre et me demandait si quelqu'un me proposait de l'entreprendre, je serais partant pour m'y essayer. Bah tiens !

Je me renseignais sur le questionnaire, et les différents articles trouvés me rassuraient quelque peu sur le contenu. En effet, rien dans ce questionnaire ne ferait tendre les participants vers un amour forcé, mais il servait plus à prendre conscience de sentiments qui nous animent sans que l'on en ait réellement conscience.

Je lui répondais que rien dans ce questionnaire ne me rebutait, et que si elle voulait le tenter avec moi, elle était libre de me le proposer et que je m'y attellerais avec plaisir.

Nous convenions de séparer le questionnaire sur trois jours, avec trois séries de 12 questions, et qu'à l'issue de ce troisième jour, nous échangerions chacun une photo de nous.

Ne nous mentons pas, je sentais d'ores-et-déjà venir la filouterie, j'avais rarement observé une femme vouloir se livrer sentimentalement par hasard.

Puis bon, qui me dit que je ne faisais pas face à un brouteur perdu au find-fond de son cybercafé miteux de la cambrousse gabonaise ?

Enfin, ça serait quand-même beaucoup d'efforts répartis sur plus d'un mois pour essayer de me dépouiller, et Antonin m'avait dit que ces filous passaient bien plus vite à l'action que ça.

- Non, mais t'inquiètes pas, maintenant je les repère à trois kilomètres.
- D'accord, mais tu sais, c'est quand tout se passe trop bien que ça finit par nous baiser à l'improviste !
- Au pire, qu'est-ce que tu risques, pour le moment ?
- ... Bah rien, en fait. On est déjà au fond socialement et économiquement... Pas la joie non plus.
- Alors, tu vois bien que tu risques rien !
- T'as vraiment du bol qu'on soit pas confinés ensemble, tu le sais ?
- Pourquoi ?
- Je te ferais du sale, dans ces moments !
- C'est officiel, je pars déposer une main-courante.
- Quand t'auras le droit de sortir, tu veux dire ?

Antonin, ce clé sûr.

Partie 8 - La photo

Les clés, je vous passe les trois jours de questionnaires pour en arriver au plus important. Sachez juste que ce questionnaire avait fait monter la sauce, et que la moindre égratignure causée par l'un des couteaux du Chef Michel m'aurait fait exploser la poche à douille.

J'étais en stress.
Chaque seconde pouvait faire apparaître la notification de réception de son message sur mon écran et... PLOP. C'était elle !

Le visage d'un ange.

La réaction de mon cerveau : ...

Je réfrénais tant bien que mal mes pulsions primaires.

• Luna était belle
• Elle avait de l'éducation
• Il était clair après ces trois jours que nous avions une relation bien plus qu'épistolaire
• Il était hors de question que je la laisse s'envoler

J'étais devenu zinzolibar.

Et je ferai tout ce qu'il est possible pour aller la rencontrer et savoir si le courant passerait aussi bien en vrai qu'à distance.

Partie 9 - P'tit coup de pression

Peu de temps après, je profitais du déconfinement progressif pour aller rendre visite à mes parents et leur exposer mon projet de me rendre en Turquie pour rencontrer Luna.

Les réactions étaient... Partagées.

Ma mère - Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Comment tu l'as rencontré cette fille ?
- Sur internet, j'utilisais une application, etc. (je vais pas vour refaire les chapitres précédents)
- Il est hors de question que je laisse mon fils mettre un pied dans ce pays d'islamistes, t'as vu leur président ?
- Honnêtement, à choisir, j'hésite vraiment entre celui qui islamise son peuple et qui arbore une fière moustache et le carabistouilleur motoculteur de mamans.
- ... Et les tremblements de terre ? Tu y as pensé ? Quand j'avais visité Istanbul avec ton père, il y a 15 ans, la semaine qui avait suivi notre départ, un énorme séisme avait détruit des tas d'habitations et tués énormément de gens !
- Ça tombe bien, je vais pas à Istanbul.
- Tu vas où, alors ?
- À 200 kilomètres de la frontière Syrienne, sur la côte méditerranéenne (où les parents de Luna possédaient un appartement à quelques mètres de la plage et où j'avais été invité).
- La Syrie ?!
- Non, en Turquie, mais à 200 kilomètres de la frontière Syrienne. C'est 200 ou kilomètres, que t'as pas compris ?

Un dialogue de sourds, je vous jure...

Quelques jours plus tard, j'allais rendre visite à mon père, qui retapait sa petite maison achetée dans la campagne aveyronnaise.

Mon père - T'es sûr que c'est pas un mec de la pampa africaine qui est en train d'essayer de te la mettre à l'envers ?
- Ça ferait quand-même pas mal d'efforts pour me faire venir dans un pays plutôt du côté de l'Asie, pour un brouteur, non ?
- Non, mais je dis ça parce que moi, une fois, sur internet...
- Non...
- Mais tu sais, les papiers français c'est convoité dans certains pays.
- Je veux bien l'entendre, mais Luna est partie pour être ingénieure civile en Turquie, donc je pense qu'en terme de perspective professionnelle, elle prendrait plus de risques à changer de pays que de rester chez elle, tu penses pas ? Apprendre une nouvelle langue, ça se fait pas en deux jours, et j'ai pas le souvenir qu'elle m'ait dit qu'elle apprenait le français.
- Oui, c'est vrai. Et elle en dit quoi ta mère ?
- Dire qu'elle est paniquée est un euphémisme.
- Ça se comprend, je m'inquiète aussi, mais la connaissant ça a dû lui causer une ou deux nuits blanches, ton histoire.

Il faut savoir que mes parents avaient divorcé une dizaine d'années plus tôt après que mon père se soit tiré avec une grognasse rencontrée sur internet, ce qui expliquait sans doute la réaction de ma mère. Entre les appréhensions géo-politiques (faut aussi prendre en compte que Macaron et Erdogan s'envoient régulièrement des crottes de nez depuis quelques années, principalement en rapport avec l'immigration et le terrorisme, alors quand on tient un tabac-presse et qu'on voit passer ce genre d'infos...) et le coup de Luna rencontrée sur internet...

Partie 10 - La liste des "à faire"

Je prévoyais de partir en Turquie pour la fin du mois d'août et de rester une dizaine de jours.

• Le passage de mon examen de fin de formation qui avait enfin pu trouver une date pour prendre place
• Financer le voyage jusqu'en Turquie

Pour l'examen, rien de complexe en soit. C'était un oral de présentation d'un projet réalisé en amont et mes études m'avaient rompu à l'exercice. Il suffisait juste d'être présent avec sa carte d'identité et son beau dossier le jour de l'examen et de pas bafouiller lorsque le jury nous interroge... Oh putain ! Le Capitaine !
Le Capitaine à l'extérieur :
Dans son fort intérieur dès que quelqu'un lui adresse la parole :

- T'es sûr que ça ira, tu es au clair sur tout ce que tu as utilisé, tu veux venir un peu répéter ta présentation chez moi ? Comme ça t'auras déjà eu une idée de combien de temps ça dure et si tu dois changer quelques détails.
- Non, t'en fais pas. C'est gentil de t'inquiéter, mais je pense que je vais m'en sortir.
- Je repose la question au cas où, est-ce que tu es sûr ? Ça me dérange pas qu'on y passe une après-midi supplémentaire si nécessaire.
- J'ai confiance.

Il faut savoir que la dernière semaine de formation, juste avant le confinement, j'avais passé mes journées entre Le Capitaine et Antonin pour m'assurer que leurs dossiers n'étaient pas truffés de fautes d'orthographe et autres margoulinades linguistiques (et vous inquiétez pas, je poste ici mes premiers jets, et quand je repasse sur le topic, je me retiens de ne pas m'arracher les yeux quand je vois ce que j'ai pu laisser passer).

Le Capitaine, malheureusement, trahira sa confiance. Poignardé dans le dos par un sommeil trop lourd, un oubli de pièce d'identité et un dossier imprimé à la dernière minute.

Le côté financier, quant à lui, allait être plus simple à réaliser. Mes économies inexistantes, mon chômage en fin de droit et mon régime alimentaire défaillant m'avaient murmuré leur secret.
- Tu vas vendre certaines pièces de ta collection de jeux vidéo, enculay.

Alea jacta est, comme disaient les Romains.
Je rassemblais quelques vieilleries que je ne gardais que pour le plaisir des yeux et faisait rentrer ces objets dans 3 grands sacs de courses avant de me rendre à l'antenne locale d'une célèbre franchise spécialisée dans le rétro et l'achat/vente de jeux vidéo.
Ces quelques vieilleries me permirent d'obtenir suffisamment d'argent pour payer mes billets d'avion et une boîte de préservatifs.
"Et surtout, sortez couverts !"

J'annonçais à Luna la bonne nouvelle (ne vous inquiétez pas, nous discutions toujours en parallèle depuis le questionnaire, et elle s'impatientait à l'idée de ma visite) et elle me validait le programme pour ma visite.

Ses parents et elles viendraient me chercher à l'aérop... Ses parents ?

Partie 11 - Ah ben oui...

C'est vrai que je l'avais pas tout à fait vu venir, celle-ci.

La Turquie, c'est pas la France. Plusieurs siècles sous l'Empire Ottoman avant que le pays n'entre en révolution vers la fin de la Première Guerre Mondiale, avaient laissé le pays dans un traditionalisme coranique. Malgré les efforts de leur figure nationale, Atatürk , pour séparer la religion de l'état, Erdogan n'avait pas décidé de suivre la ligne éditoriale de ce bon Mustafa.

Et même si les parents de Luna ont été assez ouverts pour autoriser leur fille à inviter un étranger sous leur toit... Ça risquait d'être moins la fête que prévu.

Bordel, foutu pour foutu, je prends la boîte de spécialités de la ville de Condom (ça existe : https://fr.wikipedia.org/wiki/Condom_(Gers) ) et j'y vais quand-même ! Vaut mieux être équipé pour rien que risquer les foudres d'un ancien militaire s'il retrouve sa fille en cloque après mon passage, en cas d'un dérapage de notre part.

Du coup, ce programme ?

- Nous viendrons, mes parents et moi, te récupérer à l'aéroport, puis nous irons directement sur la côte méditerranéenne où nous resterons pendant la durée de ton séjour.
- Génial, je me languis de faire votre connaissance à tous et de pouvoir profiter de la plage et du soleil en votre compagnie ! Mais tu es sûr que ça ne gêne pas tes parents que je reste 10 jours, c'est un peu long comme invitation, non ?
- Non, non, ne t'en fais pas pour ça. On adore recevoir des invités et avec la période de confinement qu'on vient d'avoir, voir une nouvelle tête pendant 10 jours ne nous fera pas de mal.
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- Super, j'ai hâte qu'on puisse enfin se rencontrer !
- Oui, moi aussi. Plus les jours passent et plus il me tarde de te voir. Tu pourras m'envoyer une photo de toi en partant ? Qu'on puisse te repérer facilement quand tu sortiras de l'aéroport.
- Pas de soucis, je te ferai ça en partant.

Les jours passèrent lentement et me renvoyaient des flashbacks type Vietnam de quand j'étais gosse et que Noël approchait. Mon état d'impatience était stratosphérique.

Partie 12 - To the moon

Pour me rendre en Turquie, j'allais devoir me rendre sur Paris, et plus précisément à l'aéroport Charles De Gaulle.

La chance était avec moi, puisqu'il existait des liaisons directes entre ma ville et l'aéroport. J'achetais mon ticket et allais m'installer dans une des voitures.
Celle-ci était composée de multiples compartiments prévus pour accueillir jusqu'à 6 personnes.

J'en choisissais un vide, histoire d'avoir un peu de calme et ainsi pouvoir me reposer d'une nuit relativement courte (le stress, cet ennemi du quotidien).
Et là, je vous le donne en mille...

La femme rentre comme une tornade, en pleine conversation téléphonique, s'égosille comme jamais... Envie de me défenestrer.

J'en ai plus appris en une heure de temps sur la famille de cette bonne dame que de ma propre famille en plus de 20 ans. Elle était en plein débat avec un membre de sa fratrie, il y a avait des histoires de succession, de prise de contrôle de la famille, que ça devait être discuté au prochain conseil, que celui qui était en prison fallait l'aider, qu'un autre avait trahi la confiance de je ne sais plus qui et que c'était impardonnable... Mais qu'est-ce qu'on laisse rentrer dans notre pays ?

Sérieux... Qui fait ça dans un train ?

Bref, au bout du chemin, j'arrivais enfin à CDG et procédais à l'enregistrement de mes bagages et me dirigeais vers la porte d'embarquement.

Je n'avais pas eu beaucoup d'occasions de prendre l'avion au cours de ma vie, mais si je peux me permettre une remarque (et avec plus d'expérience en la matière depuis), Turkish Airlines régale.
Si nos hôpitaux pouvait embaucher Turkish Airlines pour s'occuper des repas dans nos hôpitaux, j'irais me péter un bras plus souvent.

Après 3 heures de vol, j'arrive à l'aéroport d'Istanbul (qui en possède deux, un côté occidental de la ville, et l'autre de côté oriental, le plus récent et imposant étant celui côté occidental, où j'étais arrivé).
Rappelez-vous que nous étions en août 2020, et que les compagnies aériennes étaient toujours en alerte COVID, et qu'il fallait encore se prendre des cotons-tiges dans le nez afin d'être autorisé à voyager dans les 48 heures qui suivaient. L'aéroport était gigantesque, mais on sentait clairement que sa fréquentation avait connu des jours meilleurs.

J'échangeais rapidement quelques euros pour me prendre une carte SIM pour mon séjour et rassurer Luna sur le déroulement de mon voyage.

- Coucou, je suis bien arrivé à Istanbul. Tout s'est bien passé jusqu'ici, à plus tard.
- Super, nous partirons d'ici une demi-heure pour nous rendre à l'aéroport local. J'espère que tout se passera bien pour ta dernière liaison.
- T'en fais pas, le plus gros du voyage est derrière moi et il n'y a pas eu de grosses difficultés, tout est plutôt bien indiqué.
- D'accord, pense à me renvoyer un message un peu avant le décollage et quand tu auras atterri.
- Ça sera fait.
- D'ailleurs, vu que tu arrives un peu tard, mes parents et moi t'attendrons pour qu'on puisse dîner ensemble, tu arriveras à tenir jusque-là ?
- Ça devrait aller, j'ai déjà eu un repas dans l'avion pour Istanbul, donc je serais pas étonné qu'on ait une collation dans le prochain, aussi.
- Parfait, on se voit plus tard.

Embarquement.
Décollage.
Vol.
Et enfin... Arrivée.

Partie 13 - Premier contact

En arrivant à l'aéroport, je prévenais Luna de mon arrivée.
Étant l'un des seuls hurluberlus à venir d'un pays externe (l'aéroport accueillant principalement des vols internes, et assez peu d'étrangers), le personnel me dirige vers le terminal international.

Clairement, nous n'étions plus à Istanbul et on sentait que le budget avait quelque peu chuté.
Cet aéroport était à la décoration ce que Benalla était au respect des gilets jaunes.

Je récupérais ma valise et me dirigeais vers le contrôle douanier. Je demandais rapidement si j'avais besoin de déclarer quoi que ce soit pour deux bouteilles de vin, et on me répondait qu'en-dessous de deux litres, je pouvais passer sans soucis.

Je sortais du terminal et cherchais Luna du regard.

Et là, sur ma gauche.

C'était pas une arnaque de brouteur, ou même pas une arnaque du tout.
Elle était là.

Murmurant à mon oreille en me faisant la bise - Je suis contente de te voir.
- Moi aussi.
- Je te présente mes parents, Roger et Corinne.
Me serrant la main - Bienvenue en Turquie.
- Merci beaucoup, je suis aussi très content de vous rencontrer et d'être enfin arrivé.

Luna me désigne la direction de leur voiture, nous chargeons mes affaires et prenons la route.

Je tiens à préciser que les parents de Luna ne parlant pas anglais, elle faisait la traduction entre eux et moi, et nous pouvions discuter en anglais sans qu'ils ne puissent vraiment nous comprendre (son père ayant quelques notions, mais notre débit de parole et notre niveau de langue était trop élevé pour qu'il puisse suivre correctement).

Nous nous installions tous les deux à l'arrière de la voiture. Il faisait nuit. Les lumières nocturnes laissaient apparaître les contours de son visage, nimbé tantôt de rouge ou de vert, à mesure que nous sortions de la ville.

Nous échangions des banalités avec ses parents, puis, après quelques minutes, nous commencions à discuter entre nous.

- Tu es plus grand que ce que je pensais.
- Ah bon, tu trouves ?
- Oui, oui, mais j'aime bien ça. Et toi, qu'est-ce que tu penses de moi ?
- Aucune raison d'être déçu.

J'attrapais sa main, cachée dans la pénombre, et la serrais tendrement. Elle fit de même.

- Au fait, j'ai expliqué à mes parents que tu étais un ami. Nous t'avons préparé la chambre que l'on réserve pour les invités.
- Ah, ami... Merci pour la chambre, en tous cas.

Ami... AMI ! Qu'est-ce que c'était que ces carabistouilles ? Je ne m'attendais pas à ce qu'on dorme ensemble ou quoi, mais là... Mon euphorie retombait d'un coup.

- J'espère que tu comprends, j'ai préféré leur dire que tu étais un ami qui visitait la Turquie et que tu passais dans la région et que j'avais offert de t'héberger pendant ton séjour.

Bordel, ce plan foireux... Elle leur avait dit quoi, aussi ? Que j'étais moine et que j'avais fait vœu de chasteté ?

M'enfin, la culture Turque c'est pas la nôtre, alors j'acceptais de jouer le jeu.

Au bout d'une heure et demie de route, nous arrivions enfin.

Partie 14 - Chaise-longue

Luna me montrait ma chambre, je déballais quelques affaires et sortait les cadeaux que j'avais préparés pour sa famille.

Pour sa mère, j'avais prévu un foulard (Luna m'avait aidé à orienter mes choix pour ses parents).
- Merci beaucoup, il est très joli.
- Je vous en prie, Corinne.

Son père obtint un set d’œnologie (tire-bouchon, décanteur, thermomètre, etc.).
- Ah, c'est bien ça, il nous manquait ce genre de matériel ici.
- Super, j'avais un peu peur que le vin ne soit pas trop votre truc.
- T'en fais pas, j'imagine qu'on trouvera bien une occasion d'utiliser ça pendant ton séjour.
- J'espère bien, surtout que je vous ai ramené du rouge et du blanc de France.

Je lui tendais les deux bouteilles.

- Ah, les Européens... Vous aimez bien boire, hein ?
- On dira qu'on n'est pas les derniers sur le sujet, mais on a surtout de très bons vignobles en France, donc ça aurait été dommage de ne pas partager alors que vous avez la gentillesse de m'accueillir.
- C'est vrai, on testera ça vite, alors. Histoire de vérifier si c'est vrai.

Enfin, je dirigeais vers Luna un petit écrin en feutre noir.
Elle l'ouvrait et découvrait posée là une paire de boucle d'oreilles faites en ailes de papillons prises dans de la résine (pour que vous puissiez vous faire une idée https://i.etsystatic.com/23824816/r/il/5cf671/2428185332/il_1588xN.2428185332_8uic.jpg ), qu'elle s'empressa d'aller essayer.

- C'est magnifique, ce sont de vraies ailes de papillon ?
- Absolument. Et pour tout te dire, je me doutais qu'elles t'iraient bien, mais le résultat est encore plus beau qu'escompté.

Dans ma tête : "Goooooooooaaaaaaaaaaaal !"

Nous passions rapidement à table et commencions à manger. Ses parents m'interrogeaient sur mes activités, mon travail ( ), ce qu'on pensait de la Turquie en France, etc.

La mère de Luna avait préparé tout un tas de mets, mais je ne vais pas vous mentir, c'est le stock de Sarmas (des feuilles de vigne roulées avec une farce à base de riz, de sauce tomate et d'épices) qui en a pris un sacré coup ce soir-là.

Petit aparté : les clés, je ne sais pas si vous avez déjà eu l'occasion de goûter à des plats traditionnels turcs, mais il se pourrait que vous commenciez à avoir l'eau à la bouche plus tard dans ce récit. S'il y avait quelque chose que j'allais apprendre lors de ce séjour, c'est que les Turques ont une tradition culinaire très différente de la nôtre, mais d'un délice... D'UN DÉLICE !
Mais nous y reviendrons plus tard.

- Au fait, si tu n'es pas trop fatigué, ça te dirait d'aller faire un petit tour sur la plage ? Comme ça j'en profite pour te faire un peu visiter les alentours de la résidence.
- J'ai rien contre une petite balade digestive, on peut y aller.

Elle attrapait le double des clés et nous sortions.
Nous descendions les marches qui nous séparaient de la sortie du bâtiment.
L'air était encore bien chaud, malgré l'heure bien avancée.
Elle me prit la main et se serra contre moi.

- Je crois que mes parents t'aiment bien.
- T'es sûre de toi ? Parce que ton père n'avait pas l'air très convaincu.
- À mon avis, c'est parce que je n'avais jamais invité d'amis à la maison avant, ça doit lui faire bizarre.
- Comment ça ? Tu n'as jamais invité une amie à venir faire une soirée pyjama ou autre ?
- Mais non ! Je veux dire un ami masculin.
- Ah bon ? Mais comment ça se fait ?
- Jamais eu l'envie.
- Mais tu n'as jamais eu de petit-ami avant ?
- Si, mais aucun ne m'a jamais donné envie d'aller jusqu'à le présenter à mes parents.

Pas mal de pensées m'ont traversé l'esprit à ce moment-là.

- Tout va bien ?
- Oui, oui, c'est juste qu'une fille comme toi, je ne comprends pas que personne n'ait jamais tenté quoi que ce soit.
- Une fille comme moi ?
- T'es loin d'être désagréable pour les yeux, tu es au courant ?
- Je ne sais pas...

Les femmes et leurs éternels complexes, je vous jure...

Nous traversions le jardin de la résidence et passions le portail qui nous séparait de la plage.

- C'est joli ici, vous y venez souvent ?
- Plutôt l'été, mais avec le travail de mon père, on y vient surtout pendant les week-ends.
- J'imagine bien.
- Tiens, tu vois les chaises-longues plus loin ? Ça te dit qu'on aille s'allonger sur l'une d'entre elles ?

La sweet prochainement. 😉