Topic de DonKoga :

[Projet] Rattraper le train de la littérature

Voici ma petite-liste de recommendation sur ce que j'ai lus l'année-dernière :noel:

-Farenheit 451 de Ray Bradbury
-1984 de George Orwell
-La ferme des Animaux, de George Orwell aussi
-Ne tirez pas sur l'oiseau Moqueur de Harper-Lee
-Gatsby le Magnifique de F. Scott Fitzgerald
-Les Myths du Cthulhu, de H.P Lovecraft

Et mes deux favoris :coeur:
-Sa Majesté des Mouches de William Golding
-L'Attrape-cœursde J.D Stalinger :cute:

Le 14 juin 2019 à 08:22:56 [[Dual_Sonic]] a écrit :
La culture littéraire c'est pas un concours de qui a la plus grande.

Si vous lisez un bouquin sans prendre mille notes ça compte pas, le but de la vraie littérature est de susciter la réflexion.

Un mec qui a lu 5 classiques mais peut parler des heures à leur sujet vaut mieux que celui qui aura consommé 30 livres mais ne saura que te dire "ouais j'ai lu Guerre et Paix et c'est super intéressant".

C'est assez limitée comme réflexion. Quid de la littérature expérimentale, quid de la poésie abstraite, quid du plaisir du texte, dans un sens barthésien, etc etc.

Le 14 juin 2019 à 08:22:56 [[Dual_Sonic]] a écrit :
La culture littéraire c'est pas un concours de qui a la plus grande.

Si vous lisez un bouquin sans prendre mille notes ça compte pas, le but de la vraie littérature est de susciter la réflexion.

Un mec qui a lu 5 classiques mais peut parler des heures à leur sujet vaut mieux que celui qui aura consommé 30 livres mais ne saura que te dire "ouais j'ai lu Guerre et Paix et c'est super intéressant".

Alors oui je suis ok avec ça ! Mais tu oublie aussi un truc : le plaisir de lire un certain style d'écriture propre à chaque auteur. (Même si certains en ont pas :rire: )

Le 14 juin 2019 à 08:38:50 Doomer-Guy a écrit :
Voici ma petite-liste de recommendation sur ce que j'ai lus l'année-dernière :noel:

-Farenheit 451 de Ray Bradbury
-1984 de George Orwell
-La ferme des Animaux, de George Orwell aussi
-Ne tirez pas sur l'oiseau Moqueur de Harper-Lee
-Gatsby le Magnifique de F. Scott Fitzgerald
-Les Myths du Cthulhu, de H.P Lovecraft

Et mes deux favoris :coeur:
-Sa Majesté des Mouches de William Golding
-L'Attrape-cœursde J.D Stalinger :cute:

La ferme des animaux c'est sympa, je l'avais lu en cour
Edit : j'ai décidé de me lancer sur Les Fourmis par Werber :ok:

Le 14 juin 2019 à 12:46:53 Germme3 a écrit :

Le 14 juin 2019 à 08:38:50 Doomer-Guy a écrit :
Voici ma petite-liste de recommendation sur ce que j'ai lus l'année-dernière :noel:

-Farenheit 451 de Ray Bradbury
-1984 de George Orwell
-La ferme des Animaux, de George Orwell aussi
-Ne tirez pas sur l'oiseau Moqueur de Harper-Lee
-Gatsby le Magnifique de F. Scott Fitzgerald
-Les Myths du Cthulhu, de H.P Lovecraft

Et mes deux favoris :coeur:
-Sa Majesté des Mouches de William Golding
-L'Attrape-cœursde J.D Stalinger :cute:

La ferme des animaux c'est sympa, je l'avais lu en cour
Edit : j'ai décidé de me lancer sur Les Fourmis par Werber :ok:

Les Fourmis :bave:

J'ai lu 130 pages de philosophie sur l'existentialisme.

J'ai également terminé Huis-Clos de Sartre. Terrible pièce de théâtre ! Trois personnages qui ont réalisé des bassesses dans leurs vies se retrouvent en enfer. Pas de flamme, de gril et de torture, l'enfer, c'est d'être en présence de deux autres personnes en permanence, sans interruption, pour l'éternité.

La douleur provient du reflet de soi dans le regard de l'autre. Autrui me voit, pense sur moi, et c'est un poids immense puisqu'il me voit à l'encontre de ce que je m'imagine être. Si je refuse d'être un lâche malgré les faits, si je me cache à moi-même certains vice, le regard de l'autre me dévoile la vérité.

Les trois personnages ne peuvent se connaître que grâce au regard des deux autres. Et ce qu'ils connaissent d'eux, c'est la bassesse et les vices qu'ils ont accomplis dans leur vie. Et leur vie, elle est inaltérable car elle est achevée. Il n'y a plus de potentiel, plus rien a rattraper. Ce qu'ils ont fait, c'est ce qu'ils sont définitivement. Par le regard des autres, c'est leur vie achevée qui se dévoile, les faits bruts sans illusions.

Les personnages tentent de fuir les autres pour se fuir soi-même, mais c'est impossible puisque les autres sont là. Se taire et ignorer les deux autres est inutile, on entend leur présence, on sent qu'ils nous observent. L'amour est impossible, car le troisième personnage entrave l'intimité des deux autres.

Extraits :

''" Inés : Je ne suis pas polie.
Garcin : Je le serai donc pour deux. "

" Quand je ne me voit pas, j'ai beau me tâter, je me demande si j'existe pour de vrai. "

" Votre silence me crie dans les oreilles. Vous pouvez vous clouer la bouche, vous pouvez vous couper la langue, est-ce que vous vous empêcherez d'exister ? " " Les sons m'arrivent souillés parce que vous les avez entendu au passage. "

" Garcin :Je n'ai pas rêvé cet héroïsme, je l'ai choisi. On est ce qu'on veut.
Inés :Prouve-le. Prouve que ce n'était pas un rêve. Seuls les actes décident de ce qu'on a voulu. "
''

ça à l'air d'etre une pièce fascinante

Le 19 juin 2019 à 18:03:10 Germme3 a écrit :
ça à l'air d'etre une pièce fascinante

Tout ce qui concerne Sartre est fascinant !

Je viens de terminer la deuxième pièce " Les mouches " de Sartre.

Je vous situe l'histoire qui se déroule dans la mythologie grecque. Egisthe fils de Thyeste a assassiné son oncle Atrée ainsi que son cousin Agamemnon, fils d'Atrée. De cette façon, Egisthe s'est emparé du trône d'Argos. Agamemnon a eu deux enfant, Electre réduite à l'état de servante sous le règne d'Egisthe, et Oreste que des paysans ont été chargés de tuer.

Cependant, Oreste n'a pas été tué, et il revient 15 ans plus tard à l'âge de 18 ans en Argos.

Il constate que Egisthe n'a pas assumé son crime et vit dans le repentir et le remord excessif depuis 15 ans. Tout le peuple d'Argos, de la même façon, est sommé de se repentir continuellement. Depuis 15 ans, les habitants vivent dans la peur de faire le mal, et dans le regret de l'avoir fait.

Oreste assassine Egisthe et sa femme (qui est sa mère, puisque Egisthe a volé l'épouse d'Agamemnon.). Zeus est alors très mécontent de l'acte d'Oreste qui brise l'ordre établit. Il lui somme de se repentir, et de regretter à jamais cet acte. Oreste toutefois refuse, et assume pleinement son crime. Il sait que c'est un crime, mais ce crime est nécessaire pour libérer l'Argos du repentir et des actes inassumés d'Egisthe.

Oreste proclame que les hommes sont libres,et si les dieux l'ont créer libre, alors par définition l'homme n'a pas à obéir aux exigences divines.

Zeus ni aucun dieu n'a de pouvoir absolu sur les hommes, et chaque action doit être libre et assumée. La justice doit être humaine et non divine. Oreste n'a plus peur d'agir par lui-même et d'assumer les conséquences de ses actes. Il ne souhaite plus être une belle-âme, passive, qui refuse de se salir les mains même lorsque c'est nécessaire. Grâce à ce régicide, Oreste a libéré l'Argos du fléau des mouches, et a libéré les habitants du malheur de leur repentir.

Être un homme, c'est agir librement et assumer ses actes plutôt que d'obéir aux desseins des dieux comme une bête passive.

Zeus dit " Un homme devait venir annoncer mon crépuscule. ". J'y vois la toute première origine de la mort de Dieu tel que l'entend Nietzsche : puisque dieu est mort, les hommes sont libres et ne dépendent plus des exigences divines. Sartre fait d'Oreste le meurtrier de Dieu. Dans le Zarathoustra de Nietzsche, Dieu est déjà mort et les hommes ont la potentialité de se libérer des principes moraux divins. Mais dans les Mouches, c'est l'instant de la mort de Dieu. C'est comme ça que je le vois.

Extraits :

" Pitié ! Nous n'avons pas fait exprès de naître et nous sommes tous honteux de grandir ! "

-

" Un crime que son auteur ne peut supporter, ce n'est le crime de personne, n'est-ce pas ? C'est presque un accident. Vous avez accueilli le criminel comme votre roi, et le vieux crime s'est mis à rôder entre les murs de la ville en gémissant doucement comme un chien qui a perdu son maître. Vous me regardez, gens d'Argos, vous avez compris que mon crime est bien à moi, je le revendique à la face du soleil, il est ma raison de vivre et mon orgueil, vous ne pouvez ni me châtier, ni me plaindre, c'est pourquoi je vous fais peur. Et pourtant ô mes hommes, je vous aime et c'est pour vous que j'ai tué. "

Le baccalauréat étant enfin terminé pour moi, je me permets de vous rejoindre. :noel:
https://image.noelshack.com/fichiers/2019/25/6/1561197808-64937088-2316929921884322-7620551737329319936-n.jpg
Je viens de terminer " Les mots " de Sartre, j'en fait l'analyse demain
Tu as fini de lire Comprendre l'Empire? :(
Je passe moins souvent sur le fofo mais je me tiens toujours :oui:
J'ai entamé Les Fourmis de Werber :oui:

Alors Les Mots de Sartre est censé être une autobiographie de l'auteur. Mais j'ai eu peine à la lire puisqu'il s'agit plutôt d'une introspection de sa jeunesse. Il raconte de l'intérieur la manière dont il a vécut son enfance. Très peu d'acte, surtout de l'auto-analyse.

La structure du roman fait plutôt brouillon, on dirait une enquête personnelle qu'à menée Sartre sur lui-même. Cependant, on peut distinguer plusieurs phases dans sa jeunesse. Il a d'abord joué la comédie auprès de sa famille bourgeoise qui lui accordait de l'attention. Il faisait tout pour plaire et recevoir l'attention. Il a apprit à lire très jeune et lisait des auteurs classiques pour ça, même s'il ne comprenais pas grand chose.

Ensuite il a lu en cachette des romans d'aventure plus adaptés à l'enfant qu'il était. Il continuais pourtant de jouer la comédie en public. La comédie a atteint la forme la plus achevée lorsqu'il a commencé à jouer des personnages imaginaires dans sa chambre en incarnant les gentils et les héros.

Seul dans sa chambre, il s'imaginait être un héro, et devenait le comédien de son imagination tout en faisant croire à sa famille qu'il aimait les auteurs classiques. Il jouait la double comédie, on peut dire que son existence était très abstraite.

Par hasard, il a commencé à écrire des histoires, et il s'est confronté au monde extérieur. Il a apprit qu'il n'était pas un héro puisque certains autres enfants étaient meilleurs que lui. Il croyait au début écrire pour sauver la populace, il se voyait comme le porte parole du saint-esprit. Il se faisait un devoir d'écrire pour des raisons religieuses. Par la suite, il a compris que Dieu n'existais pas, et petit à petit il a écrit par simple plaisir.

Dans cette autobiographie, de très nombreuses réflexions sont esquissées, mais la plupart ne sont pas beaucoup poussées. Parfois ce sont de pures évocations.Les Mots, ça pose les prémisses de l'homme qu'était Sartre, et ça pose également les prémisses de sa pensée. On comprend comment il s'est arracher à des croyances et des manières de pensées pour s'approcher progressivement de ce qu'il a été plus tard.

Petite anecdote : le grand-père de Sartre a traversé un lac sur une barque en compagnie de Bergson. Tandis que Grand-père-Sartre était contemplatif à l'égard du paysage, Bergson était ailleurs, les yeux rivés dans le vague. Le grand père en a conclu que la poésie était supérieure à la philosophie.

Extraits :

" Faute de renseignement plus précis, personne, à commencer par moi, ne savait ce que j'étais venu foutre sur terre. '

" - Mais si mon petit chéri lit ce genre de livre à son âge, qu'est-ce qu'il fera quand il sera plus grand ?
- Je les vivrai ! "

" Sais-tu ce que faisait Flaubert quand Maupassant était petit ? Il l'installait devant un arbre et lui donnait deux heures pour le décrire. "

" La vitesse ne se marque pas tant, à mes yeux, par la distance parcourue en un laps de temps défini que par le pouvoir d'arrachement. "

Je suis toujours sur Jean-Paul Sartre, j'ai commencé à lire " Qu'est-ce que la littérature ? " qui est un ouvrage philosophique. Je n'ai lu que 15 pages, mais ça nécessite déjà un bilan, alors je ferai plusieurs bilan sur ce livre.

:d) Qu'est-ce que la littérature : Bilan 1

Sartre distingue deux arts : 1 - les arts qui sont des choses (poésie, peinture, musique etc) et les arts qui signifient des choses (la littérature en prose)

Durant 15 pages, Sartre analyse d'abord le premier type d'art en commençant par la peinture et la musique.Un cri de colère ne signifie pas que le personnage est en colère, C'EST la colère du personnage. La musique qu'on entend et la peinture qu'on contemple, ce sont des choses en elles-mêmes, elles ne signifient rien d'autres qu'elles-mêmes.

https://image.noelshack.com/fichiers/2019/26/3/1561561298-1200px-caspar-david-friedrich-wanderer-above-the-sea-of-fog.jpg On dit souvent que ce tableau de Friedrich signifie la mélancolie, mais selon Sartre c'est faux, car la toile n'est pas un signe, elle est l'objet. La tableau est la mélancolie. Même si c'est une mélancolie représentée, il n'empêche que c'est de la mélancolie.

Lorsqu'un homme cri, ce cri signifie sa peur, mais Le Cri de Munch EST la peur, bien que représentée par l'intermédiaire de l'artiste. Les sensations que l'on perçoit quotidiennement ont une signification, même inconsciente (le vert est rassurant, le rouge du communisme, un bruit évoquant la ville etc) mais la sensation perçu par l'artiste n'a pas de signification, c'est une chose en elle-même et l'artiste la contemple pour elle-même et la représente tel qu'elle est, tel qu'il l'a sentie.

J'ai pris mes propres exemples, mais Sartre approuverai je n'en doute pas.

Ensuite, Sartre analyse la poésie. Un mot par définition est un signe, doté d'une forme, mais qui n'est pas sa forme, ni sa sonorité : le mot signifie un objet qui est extérieur au mot lui-même. Ceci est vrai dans le langage et la prose, mais pas dans la poésie que Sartre range du côté des arts qui sont des choses.

Dans la poésie, les mots ne sont pas des instruments descriptifs, ce sont des mots-choses. C'est-à-dire que les mots des poètes ne vont pas chercher la vérité des objets signifié par les mots usuels. La poète va plutôt présenter la chose même, il ne la signifie pas, il la montre. De cette façon, les phrases du poètes deviennent la chose présentée. Les phrases se transforment en objet (émotion, animal, choses anodines etc)

Sartre ajoute que les choses-mots (les mots en tant qu'objet et non en tant que signifiant) entretiennent une relation réciproque avec les significations suivant ce schéma logique : Les choses-mots représentent les significations, et les significations représentent les choses-mots. C'est-à-dire que les poèmes sont les émotions et que les émotions sont les poèmes. (Si tant est que le poème est une émotion, il peut être aussi une valise, un animal, un désir, que sais-je encore)

Lorsque Rimbaud dit : " Quelle âme est sans défaut ? " il ne pose pas une question en vue d'une réponse, cette interrogation ne signifie pas que Rimbaud cherche à savoir quelque chose : le vers est l'interrogation et l'interrogation est le vers. Je pense qu'on pourrait le dire aussi ainsi : le vers-objet a pour objet l'interrogation, donc ce vers devient l'interrogation.

En résumé, les mots, les vers, et les poèmes SONT des choses pour les poètes, et des choses qui ne signifient rien d'autres que ce qu'elles sont. Si quelqu'un ressent de la mélancolie en lisant Baudelaire, alors le poème est la mélancolie pour celui qui le lit.

4 -Qu'est-ce que la littérature ? : Bilan 2 – pages 25 à 50

Sartre aborde la question de la prose, La prose d'abord parlée, et elle se sert des mots comme des instruments, Les mots ont une fonctions représentative : ils représentent leur objet.
Contrairement au mot poétique, le mot prosaïque a une utilité ainsi qu'une valeur de vérité, il dégage une information.

Parler, c'est agir. Ce que Sartre veut dire, c'est que la parole et les mots ne sont pas neutre et engendrent des conséquences réelles. La chose nommée est dévoilée par le langage, elle devient l'objet d'un signe.

Avec le langage, on se met à comprendre le monde extérieur ainsi que l'homme lui-même : en disant la vérité sur un homme, on la lui montre et cet homme se voit lui-même tel qu'il est. Le langage a donc une capacité de transformation, puisqu'une chose non-nommée ne peut pas être comprise. La compréhension de quelque chose s'effectue par des mots, et ces mots changent donc la manière dont l'objet est perçu.
-
En dévoilant le monde, le mot met fin à l'innocence des hommes à l'égard du monde : c'est-à-dire qu'ils ne peuvent plus faire semblant de ne pas le comprendre ou de l'ignorer.

Par exemple, l'arbre n'est plus pour l'homme un amas de formes et de couleurs étrange, car il devient un " arbre " lorsqu'il est nommé par ce concept. On le perçoit suivant le concept " d'arbre " que l'on s'est forgé avec le langage, et on ne peut plus faire semblant d'ignorer la synthèse des formes et des couleurs qui composent l'arbre.

Sur le langage, on peut en tirer trois questions données par Sartre :
- As-tu quelque chose à dire ?
- Quel aspect du monde veux-tu dévoiler ?
- Pourquoi dévoiler un aspect plutôt qu'un autre ?

En résumé, le mot révèle la vérité de l'objet dans la perception que l'homme en a. (bien que cette vérité soit faillible et purement conventionnelle dans le langage usuel)

Ensuite, Sartre déroule une satire contre les journalistes et les critiques de son époque en leur reprochant d'être des puristes, et de refuser la progression du langage. Ils sacralisent les écrivains mort et refusent que les écrivains vivants s'en écartent. Or comme l'a bien dit Sartre, le langage de Racine n'est plus pertinent pour décrire le prolétariat et les trains à vapeur du 19eme siècle. " L'art n'a jamais été du côté des puristes. "

Qu'est-ce que la littérature ? Bilan 3 - page 50 à 90

On entre dans un passage qui commence à être plus compliqué et où Sartre traite la prose écrite, la littérature, l'écriture et la lecture.

" Dans la perception, l'objet se donne comme l'essentiel et le sujet comme l'inessentiel ; celui-ci recherche l'essentialité dans la création et l'obtient, mais alors c'est l'objet qui devient inessentiel. " Cela veut dire que l'homme n'est pas essentiel au monde qu'il perçoit, et même si l'artiste devient essentiel a sa création tandis qu'il n'était pas essentiel dans le monde, la création de l'artiste n'est pas en elle-même essentielle au monde.

Sartre explique ensuite que l'oeuvre d'art est relationnelle, le roman sans lecteur est un objet qui n'a pas de sens, comme l'arbre non-nommé qui n'est qu'un amas de forme incohérent avant sa synthèse conceptuelle. Par ailleurs, l'auteur ne peut pas objectiver sa propre création puisqu'il n'a pas d'intermédiaire entre lui et lui-même. De la même façon qu'en tant que sujet, il ne peut pas être son objet, son oeuvre qui est l'expression de sa subjectivité ne peut pas être prise pour objet.

L'intermédiaire, c'est les autres. Le lecteur objectivise le travail de l'écrivain, l'interprète, lui donne du sens, en fait des synthèses. La lecture est un processus de création de sens. Le livre est dévoilé dans son objectivité par la lecture qu'autrui en fait. Pour le lecteur " tout est fait et tout reste à faire " car le roman est fini par l'auteur mais le travail d'interprétation est tout entier à faire par le lecteur. Ne serait-ce que de synthétiser l'amas de mots et de phrase pour en tirer un thème général, c'est déjà objectiver le livre, et une multitude de relations sont ainsi établies par le lecteur.

L'écrivain n'écrit donc pas pour lui mais pour autrui, et Sartre dit précisément que l'écrivain fait appel à la liberté d'autrui, à la liberté qu'ont les individus d'interpréter sa création. Les outils servent la liberté, ce sont des moyens. Mais le livre REQUIERT la liberté, et il est une fin.

La beauté naturelle n'est pas guidée par un tiers créateur, la finalité naturelle est hasardeuse. Pour quelle raison le ciel est bleu ? En vue de quelle fin ? Il n'y a aucune raison absolue. La bleuté du ciel ne vise aucun but. Kant disait que la beauté naturelle qu'elle est une " finalité sans fin ". Or, les caractéristiques d'un roman ont une fin, elles visent quelque chose, un auteur lance un appel à la liberté d'interprétation et guide cette interprétation dans le cadre de sa création. Je pense qu'on pourrait parler de " finalité finie ".

Il en résulte que l'objet d'art est essentiel pour le lecteur (afin d'être interprété) et le lecteur est essentiel à l'objet d'art (pour dévoiler son objectivité). Cette relation de la perception et de l"objet n'est possible que dans la création artistique, c'est d'où vient la " transcendance " de l'art qu'on peut sentir à mon avis.

Puisque écrire en prose, c'est écrire sur un monde ou sur notre monde, l'objectivation de l'oeuvre par l'intermédiaire du lecteur qui dévoile l'oeuvre rend essentiel au monde la création de l'artiste puisqu'elle devient un objet dans le monde au même titre que l'arbre et le fleuve. Pour mieux dire, l'oeuvre dévoile nécessairement quelque chose sur le monde puisque la prose exprime, et le lecteur dévoile cette oeuvre dévoilante en l'objectivant, alors le monde ne serait pas dévoilé tel qu'il l'est sans le roman, par conséquent, le roman devient essentiel au monde tel qu'on le perçoit ; et la boucle est bouclée.

En résumé : L'écrivain écrit en dévoilant une partie du monde dans son oeuvre. Or, cette oeuvre n'est pas un objet révélée sans l'interprétation d'un lecteur. Par conséquent, le lecteur effectue un travail d’interprétation qui dévoile l'oeuvre en tant qu'objet dévoilant. De cette façon, la création artistique devient essentielle dans le monde puisqu'elle change la perception qu'on en a en dévoilant certaines choses, et le lecteur devient essentiel à l'oeuvre artistique car c'est le lecteur qui perçoit le contenu du roman en rendant objectif la création de l'auteur qui ne pouvait pas s'auto-objectiver.

Qu'est-ce que la littérature ? Bilan 5 - pages 140 à 200

Sartre poursuit son analyse historique de la littérature en traitant du 19eme siècle. Ce siècle est caractérisée par la domination bourgeoise, et la littérature s'émancipe tout-à-fait de l'aristocratie décadente. Or, la plupart des écrivains deviennent bourgeois et refusent de l'admettre en proclamant l'indépendance et la solitude totale qu'ils éprouvent. Les écrivains refusent d'être serviles aux valeurs bourgeoises, alors ils critiquent régulièrement les bourgeois, mais les bourgeois restent majoritairement les seuls lecteurs. Donc même si l'écrivain refuse cette vérité, c'est entre lui et la bourgeoisie que le rapport s'établit.

Le roman devient un moyen, une consommation du point de vu du lecteur. Pour l'écrivain, son oeuvre devient pure gratuité : " l'art pour l'art ", on écrit pour soi une oeuvre inutile, avec l'espoir d'être célèbre après sa mort.

Certains auteurs se déclassent et acceptent de rompre avec la bourgeoisie pour viser les milieux populaire comme public. A l'exception de Victor Hugo, tous ces auteurs vont échouer, et ils sont minoritaires. Les autres auteurs refusent de se déclasser et visent toujours malgré eux les bourgeois, même s'ils ne l'assument pas.

Les écrivains du 19eme veulent être inutiles " l'art pour l'art " mais ils veulent également détruire, anéantir. Les artistes visent en ce sens la " création absolue " c'est-à-dire la création d'un objet tellement inutilisable et inutile qu'il ne serait plus de ce monde, un objet d'art de pur néant. Il y a une volonté de détruire le monde humain, on prend la mort pour beauté, la rouille et la corrosion pour esthétique. On admire la ruine, tout ce qui coule, tout ce qui s'anéantit.

Sartre prend pour exemple Flaubert dont les phrases " cernent l'objet, l'attrape, l’immobilise et lui casse les reins " Flaubert tue la vie, immobilise le monde, le rend profondément déterministe, fait tomber les phrases dans le vide. On le comprend mieux aux thèmes choisis par Flaubert ne serait-ce que dans Mme Bovary : une famille nucléaire bourgeoise qui se désagrège. Les comportements des personnages sont mécaniques, fatalistes. Le mouvement dynamique de la vie disparaît.

Même Bel-Ami de Maupassant avec l'apparente ascension d'un homme ne fait que constater l'effondrement de l'ancien régime puisque le premier des roturier peut s'élever dans les hautes sphères : les castes se sont désagrégées. C'est ça qui fait le force du roman à son époque. C'est également dans ce contexte qu'on parvient au " degré zéro du personnage " chez Maupassant dont j'avais parlé avec Une vie.

En résumé, le réalisme glorifie la destruction. Ce n'est pas pour rien que Flaubert a dit qu'il voulait écrire un roman sur le néant.

Le surréalisme, c'est la négation du monde mais également de la littérature elle-même. On est sur de la négation absolue. André Breton affirme ne pas s’intéresser à tout " ce qui n'a pas pour fin l'anéantissement de l'être. " Je pense qu'on peut dire que le surréalisme détruit l'acte littéraire par des processus comme le cadavre exquis ou l'écriture automatique, c'est la création qui tue la création en quelque sorte. Par ailleurs, Sartre précise que ces auteurs se déresponsabilisaient entièrement de leurs œuvres puisqu'ils néantisent l'acte créateur. S'ils blasphèment, urinent sur Jesus comme Serrano, ils créent le scandale mais ils se retirent la faute étant donné que l'acte de création est détruit. La littérature devient abstraite.
https://image.noelshack.com/fichiers/2019/27/1/1562014026-220px-piss-christ-by-serrano-andres-1987.jpg

Sartre résume le mouvement de la littérature ainsi :
:d) 1. La littérature médiévale réfléchie la pensée chrétienne mais n'est réfléchie par aucun lecteur en dehors des écrivains catholiques. C'est une réflexion irréfléchie. (rappel : on ne peut pas s'auto-objectiver)
:d) 2. La littérature prend ensuite conscience qu'elle est de la littérature, elle n'est plus simplement une activité professionnelle. On est dans la médiation réfléchie puisque les écrivains reflètent le monde, et les lecteurs reflètent l'oeuvre car eux ne sont pas des écrivains experts dans une sphère étroite.
:d) 3. La littérature nie le monde afin de ne pas être assujettie aux valeurs de ses lecteurs, c'est-à-dire aux valeurs bourgeoises.
:d) 4. La littérature étant dans le monde, elle finit nécessairement par se nier elle-même à force de nier le monde. C'est la négation absolue.

Par conséquent, on voit bien que le type de public est déterminant pour générer un type d'oeuvre. Le public est toujours contextualisé dans l'histoire, par conséquent, l'oeuvre littéraire se produit contextualisée dans l'histoire par rapport à un public donné, car l'oeuvre réfléchit le public et le public réfléchit l'oeuvre.

Il imagine une utopie ou la littérature atteindrait la forme absolue : il s'agirait d'une société sans classe ou l'auteur réfléchirait la totalité du public et la totalité de la société se réfléchirait dans l'oeuvre. L'écrivain écrirait la totalité humaine, il y aurait une parfaite identité entre le sujet et le public. En écrivant sur la totalité humaine, l'écrivain écrirait à la fois sur la totalité de lui-même. Il faudrait que cette société sans classe ne se fige pas et qu'elle soit dans un cadre perpétuellement renouvelé, un ordre perpétuellement construit et déconstruit, afin que l'écrivain puisse dépeindre une totalité humaine qui soit dynamique et vivante dans le temps et non figée comme une abstraction éternelle, sans quoi la réflexion prendrait fin.

Qu'est-ce que la littérature ? Bilan 6 - pages 200 à 280

Passage long mais peu dense. Sartre distingue trois générations d'écrivains à son époque
:d) ceux qui ont commencé à écrire avant 1914. Suite à la négation des valeurs bourgeoises et à la tentative de néantisation des Maupassant ou des Flaubert à la fin du 19eme, de nombreux auteurs du 20eme ont tenté de renouer avec les bourgeois, en prônant le conformisme, la bonne petite vie, et une éthique normative pour agir sans se salir les doigts.

:d) La deuxième génération a principalement écrit après 1918. Il s'agit d'une part des surréalistes dont Sartre ajoute des analyses. Dans leur processus de destruction, les surréaliste détruisent d'abord l'objectivité. Puisque la destruction intégrale de l'objectivité serait trop longue, les artistes ciblent des objets particuliers. On peut prendre l'exemple des tableaux de Dali où figurent des montres molles et coulantes : l'objectivité de la montre solide est détruite. Sartre prend l'exemple de Duchamp qui rembourrait du sucre avec du marbre, et le spectateur qui portait le sucre voyait s'anéantir la légèreté habituelle du morceau de sucre.
https://image.noelshack.com/fichiers/2019/27/3/1562190836-salvador-dali-persistance-de-la-memoire-1931.jpg

Ensuite, ils veulent également détruire la subjectivité : ils refusent la certitude de soi-même. Ils vont donc se sentir proches de la psychanalyse, et de toute idée incluant qu'il y a un " nous " caché, incontrôlable. Par ailleurs comme je l'avais analysé plus tôt, et Sartre le confirme, l'écriture automatique prend une grande part dans la destruction de la subjectivité créatrice.

:d) La troisième génération, c'est celle de Sartre, celle des auteurs qui ont commencer à écrire en 1940. On a de longues analyses du traumatisme de la guerre, des tortures subies par la résistance, ce qui a aboutit à une génération de l'extrême, en pleine trouble historique. C'est pour cette raison que les nouveaux auteurs écrivent au présent, des situations extrêmes, garnies de doutes, d'incertitudes, d'absurdité. On prend conscience à cet époque que l'immoralité n'est pas inoffensive, et que l'homme est profondément impliqué dans l'histoire.

Données du topic

Auteur
DonKoga
Date de création
28 avril 2019 à 10:19:06
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