La campagne de Russie de Napoléon, le pire désastre militaire de l'histoire ?
La plus grande et la plus expérimentée des armées du monde, la plus grande force militaire de l'histoire pour beaucoup, entre les mains du plus grand génie militaire de l'histoire encore, qui après 12 ans de victoires où il fera preuve à chaque fois de son génie, n'enchainera que les erreurs et perdra tout d'une traite, sur une seule campagne, après avoir bâti un empire et conquis toute l'Europe en un temps record.
Le pire dans tout ça ? Ce monstrueux désastre aura lieu sans même une seule défaite de Napoléon en Russie, jamais il ne perdra une bataille, et pourtant c'est toute la guerre qui sera un désastre et qui lui coutera tout, son armée son pouvoir et son empire avec. Tout ça de gâché, toute une guerre perdue sans même avoir perdue une bataille, c'est peut-être même une première historique.
Et ce qui rend la chose d'autant plus triste, c'est de constater que malgré ce génie militaire qui lui aura permis de relever la France pour en faire un empire qui dominera toute l'Europe en seulement 12 ans, il sera capable d'enchainer erreur sur erreur, erreur de considération, de stratégie, de logique, bref, de se montrer aussi incapable qu'il avait été capable.
Le 24 Juin 1812 tout débute : Le 1er empire entre en Russie avec sa grande armée, 770.000 hommes, convaincus par Napoléon ce génie militaire qu'une campagne éclair est possible, qu'en 2 mois seulement une victoire sur la Russie sera possible et qu'Alexandre 1er capitulera.
Nul au sein de l'armée n'a le moindre doute, Napoléon sait ce qu'il fait, un tel génie et un tel as de la guerre ne peut que leur donner la victoire. On connait cependant la fin de l'histoire.
La grande armée a cependant une particularité par rapport aux autres : elle n'est pas composée que de soldats, certains officiers ou même des sous-officiers ont amenés avec eux leurs familles. Femmes, enfants, il y aussi des tas de civils qui font parti de l'armée, ingénieurs, pontonniers et autres. Cette particularité va couter particulièrement cher à cette armée, mais ça ne ce sera que plus tard.
Pour l'instant les choses démarrent tout juste et la grande armée progresse en Russie, encore et toujours plus vers l'est. Cependant quelque chose aurait du mettre la puce à l'oreille à tout le monde et plus particulièrement à Napoléon : aucun russe et encore moins de soldat russe en vue, il n'y a que quelques escarmouches futiles par ci par là, qui maintiennent l'illusion quant à une victoire facile et rapide.
C'est là la première erreur de considération de Napoléon, il pense qu'il suffira tout simplement de prendre Moscou, symbole du pouvoir Russe, pour gagner la guerre et obtenir d'Alexandre 1er une capitulation.
Ce n'est pas du tout le cas, Alexandre 1er sait que Napoléon veut une guerre rapide et une capitulation tout aussi rapide, c'est pourquoi il va laisser la grande armée s'enfoncer toujours plus loin en Russie, autant que possible. Plus elle sera loin de chez elle, plus ses lignes de ravitaillement seront étirées et donc fragilisées.
Mais mieux encore, plus la guerre durera et plus les Russes ont de chances d'avoir de leur côté leur terrible hiver, car ils savent que Napoléon a l'arrogance d'imaginer que tout sera terminé bien avant que l'hiver ne soit là.
La grande armée de Napoléon a beau être la plus grande et la plus expérimentée du monde, elle n'a jamais appris à se replier, et encore moins à combattre dans un environnement aussi glacial et hostile que la Russie. La taille de cette armée sera aussi son pire point faible dans ces conditions, elle la ralentira, et la rendra bien plus difficile à organiser encore.
Napoléon reste cependant confiant, il considère que la stratégie d'Alexandre 1er n'est qu'un signe de lâcheté, pour lui il n'ose tout simplement pas l'affronter. Quasiment deux mois après le début de la campagne, il n'y a toujours eue aucune bataille. Ce n'est que le 16 aout 1812 qu'un début de bataille montre le bout du nez : celle de Smolensk. Là encore ce ne sera qu'un mirage pour Napoléon : seuls 20.000 soldats Russes tiennent la ville, et l'incendient pour permettre au gros de l'armée Russe de fuir toujours plus loin à l'est pour entrainer la grande armée toujours plus loin de chez elle, pour l'isoler toujours plus, et gagner du temps.
Peu à peu la grande armée approche de Moscou, mais déjà la stratégie Russe et les conséquences d'une campagne si lointaine se font ressentir : les chevaux s'effondrent de fatigue, les cas de désertion se font de plus en plus courants dans l'armée, et pire encore : le typhus commence à faire son apparition et à emporter les soldats. Mais Moscou n'est plus qu'à 125 kilomètres, le dénouement approche aux yeux de Napoléon, qui refuse encore d'admettre ou qui ne comprend toujours pas qu'il s'enfonce dans le piège qu'on lui tend.
Du côté Russe évidement, les choses s'accélèrent et des décisions sont prises. Il est impensable de laisser Moscou tomber aux mains des Français sans même s'être battu, il faudra donc arrêter la grande armée à Borodino, à 125 kilomètres de Moscou, et c'est le général Koutouzov qui devra s'en charger avec 150.000 hommes.
Ce n'est donc que le 7 Septembre 1912, plus de 2 mois après l'entrée de la grande armée en Russie, que la première bataille débute. Elle sera d'ailleurs la dernière vraie bataille de la guerre.
Napoléon jubile, il sait que cette fois les Russes tiendront tête et se battrons, il réunit 140.000 hommes et se jette dans cette bataille qu'il avait tant attendue.
Il veut briser le village de Borodino qui bloque la route de Moscou, mais très vite cette bataille donne toute la mesure de ce que sera la guerre : en moins d'une heure plus de 10.000 hommes sont tués.
Les Russes n'implorent pas à l'aide même blessés, ils sont déterminés à mourir sur place, ils ne se rendent pas. Mais leur courage ne suffit pas, malgré de lourdes pertes la grande armée parvient à ses objectifs.
Dans les deux camps on panse ses blessures, Koutouzov ordonne qu'on renforce les défenses affaiblies qui n'ont pas encore été perdues.
Napoléon lui a redéfini ses plans : maintenant que le cœur de la défense Russe est percé, il veut anéantir les flancs des Russes, détruire cette armée pour de bon mais il n'envoie pas sa garde impériale qui reste en retrait et prête à intervenir si besoin est. Le deuxième acte de la bataille se joue.
Pendant 10 heures les deux armées s'entretuent, la grande armée prend les positions ennemies, puis les perd, les reprend à nouveau, puis les perd de nouveau, et les reprend encore une fois.
La bataille vire à l'apocalypse, les canons vomissent la mort, et les Russes finissent par perdre leurs positions avant de battre en retraite. Il reste difficile de dire qui a gagné cette bataille, les Russes ont perdu bien plus d'hommes, mais Napoléon n'a pas réussi à les détruire, eux par contre ont réussi à le retarder et à l'affaiblir. Napoléon est déçu.
De son côté Koutouzov promets de continuer la bataille le lendemain, jusqu'à ce que le rapport des pertes le fasse changer d'avis. 45.000 morts et blessés dans son camp, contre 27.000 pour Napoléon, il comprend que la grande armée est encore bien trop forte pour le moment pour être affrontée directement et ordonne finalement le repli. Encore une fois les Russes jouent la montre et entrainent Napoléon plus loin en Russie mais surtout, plus près de l'hiver.
Le 14 Septembre 1812 Napoléon arrive enfin à Moscou, mais à sa grande surprise la ville est quasiment déserte, il ne reste plus que 10.000 civils. Plus surprenant encore pour lui, aucun notable ne vient lui remettre les clés de la ville, rien, la ville semble comme offerte et abandonnée. Mais dans son esprit, puisqu'il a la capitale entre ses mains, la victoire lui appartient.
Très vite des signes pourtant montrent que non, car toute la ville est progressivement incendiée par des repris de justice à qui on a donné cet ordre pour appliquer la politique de la terre brulée et ne rien laisser qui pourrait aider l'occupant. C'est tout Moscou qui brule, avec elle ses monuments et vestiges historiques qui partent en fumée, une nouvelle preuve de la détermination du pays à ne pas se rendre, et à affaiblir la grande armée qui de plus en plus ne peut compter sur aucune infrastructure et aucune ressource.
Mais Napoléon refuse encore d'admettre que les Russes ne céderont pas, et cherche toujours à négocier avec le Tsar Russe. Dans le même temps, la grande armée qui siège en partie dans les faubourgs de Moscou est harcelée par les paysans et par ce qui deviendra bientôt le pire de ses cauchemars : les cosaques, des cavaliers relativement indépendants mais au service de l'armée Russe. Ils surgissent de nulle part, attaquent les flancs et les arrière de la garde de Napoléon, comme des apparitions fantomatiques qui traumatisent et terrifient la grande armée.
Le 18 Octobre, suite aux refus consécutifs du Tsar d'entamer le moindre dialogue, les choses se compliquent et Napoléon se retrouve dans une situation plus que délicate. Il sait que l'hiver sera très bientôt là et qu'il ne peut rester à Moscou, les chevaux n'y survivraient pas, pas plus que ses hommes. Mais il sait aussi qu'une retraite à travers la Russie en plein hiver pourrait très vite virer au drame, pire encore : il est éloigné de Paris depuis trop longtemps, et craint un coup d'état.
Pour lui le coup est terrible, car même si la grande armée est encore quasiment intact et en pleine possession de ses moyens, non seulement la campagne de Russie est déjà un échec mais il y a pire : il sait aussi que la retraite risque d'être très couteuse et que les Russes ne se contenteront pas de le regarder partir. Et il n'imagine surement pas encore à quel point tout ça est vrai. Mais contraint par l'hiver, il ordonne la retraite le 18 Octobre, c'est là que l'enfer, le véritable enfer démarre.
La stratégie de Koutouzov est simple mais ingénieuse : il va laisser l'hiver détruire l'armée de Napoléon.
La famine et la maladie va la frapper comme le froid, et il compte sur ses cavaliers cosaques pour harceler les flancs de cette gigantesque armée comme pour la grignoter tout doucement et accélérer le travail de l'hiver.
Le 28 Octobre la grande armée repasse par Borodino, des milliers de cadavres à moitié enterrés puis déterrés par la pluie gisent du sol, tous espèrent ne pas connaitre le même sort, mais tous pressentent que le vent a tourné, que les erreurs de Napoléon ont scellé leur destin à tous.
Début Novembre les portes de l'enfer s'ouvrent enfin, le général Hiver arrive et frappe brutalement : le thermomètre est déjà à -20 degrés. Les cheveux n'étant pas équipés pour l'hiver glissent constamment, et s'épuisent 100 fois plus vite. Très vite la faim et le froid transforment cette retraite en cauchemar, on dépèce les cheveux abandonnés pour les dévorer, on fait bouillir leur sang pour le boire, et les cosaques en profitent pour fondre sur la grande armée au milieu du blizzard pour l'affaiblir toujours plus.
Mi-Novembre, il ne reste déjà plus que 42.000 hommes sur les 100.000 qui ont quitté Moscou, emportés par le froid, la faim, l'épuisement, ou tombés au combat. Une hécatombe.
Napoléon regagne espoir en approchant de Smolensk où il avait laissés 20.000 hommes, il espère qu'il y trouvera des vivres et de quoi équiper les chevaux pour l'hiver. La déception est grande, car une fois sur place les réserves que les soldats ont amassées sont loin de suffire.
La grande armée se remets en route, exsangue, épuisée et affamée, si loin de chez elle et perdue dans le blizzard permanent, elle n'est plus qu'un fantôme, et sa force de frappe n'a plus rien de ce qu'elle était 5 mois seulement avant tout ça.
Borissov. C'est là que tout va se jouer, parce qu'ici que se trouve le dernier obstacle naturel entre ce qu'il reste de la grande armée et la liberté, la rivière Bérézina. Napoleon le sait, alors il envoie ses meilleurs généraux et ses meilleurs hommes en avant du convoi pour capturer la ville, chose qui sera faite très facilement. Mais les Russes sont là de l'autre côté de la rive, ils les attendent, et ils ont un plan.
Le plan est de bloquer Napoléon et son armée à Borissov, détruire le seul pont qui enjambe la rivière pour les empêcher d'aller plus loin et achever la grande armée en l'encerclant. A l'avant il y a l'armée Russe qui tient les rives de la bérézina avec 30.000 hommes, à l'arrière il y a les cosaques et une seconde armée Russe forte de 80.000 hommes qui fonce sur la grande armée, et au nord, une troisième armée Russe de 40.000 qui achève de venir prendre en étau la grande armée, grande armée qui dispose encore de 100.000 hommes, dont 80.000 hors d'état de combattre. Et cette "bataille" sera à l'image de toute cette guerre pour Napoléon : une victoire stratégique, mais un désastre militaire total.
Par une chance presque insolente, un détachement de cavaliers Français tombe par hasard sur un paysan Russe trempé jusqu'aux épaules à 13km au nord de Borissov, ils l'interrogent, et le paysan leur montre par où est-ce qu'ils pourraient passer.
Napoléon établit alors un plan ingénieux qui le sortira de cette situation pourtant désespérée. Il donne l'ordre d'envoyer une partie de l'armée et des ingénieurs sur Borissov, pour construire un pont au dessus de la bérézina : c'est en réalité un leurre destiné à attirer le gros des forces Russes sur la ville, pendant que le gros de l'armée s'échappera plus au nord grâce à deux ponts que les pontonniers construiront sur place. Même au milieu de ce désastre programmé, Napoléon parvient à garder son calme.
C'est le sort de toute la France qui se joue : si Napoléon ne parvient pas à franchir la bérézina, il ne pourra plus que se rendre ou être vaincu. Le plan est risqué, il n'y a que 13 kilomètres entre Borissov et l'endroit qu'il a choisi pour traverser la rivière, si les Russes s'en rendent compte il ne leur faudra que 2 heures pour parcourir cette distance. Mais il reste confiant, et prend lui-même le commandement des 50 canons qui doivent pilonner la rive pour couvrir la progression de l'armée.
Les pontonniers se jettent à l'eau pour construire deux ponts : un pour l'artillerie, un autre pour l'infanterie. Une eau glaciale alors même qu'ils n'ont presque pas de vêtements chauds, la plupart meurent d'épuisement et de froid avant d'être emportés par le courant, certains sont emportés vivants par les énormes blocs de glace qui glissent dans la rivière, mais en moins d'une journée le premier pont est construit.
A la fin de la journée, 10.000 hommes ont traversé le pont et sont désormais sur l'autre rive, mais la nuit arrivée, le pont vibre et s'écroule 3 fois sous le poids de l'artillerie, des chevaux et des hommes.
Les pontonniers réparent les dégâts en moins de 3 heures, malgré une température de -30 degrés.
Napoléon a donné l'ordre de ne laisser que les soldats en état de combattre passer sur le pont, les civils, les blessés attendront.
Mais rapidement, la situation vire au chaos définitif. Sur la rive tant convoitée, le général Russe Chichagov et ses 27.000 hommes foncent sur le général Oudinot, qui est forcé de tenir à tous les prix pour permettre à la grande armée de continuer sa traversée. De l'autre côté de la rive, c'est 40.000 Russes qui attaquent les 10.000 hommes du Maréchal Viktor, lui aussi contraint de tenir et de se sacrifier alors que des milliers de civils et de soldats n'ont pas encore pu traverser. Si il cède, non seulement les civils et les blessés seront massacrés, mais les Russes pourront traverser le pont à leur tour.
L'armée est prise dans une tenaille mortelle, et sur la rive, tout ceux qui patientaient encore pour traverser le saint pont sont pris de panique en voyant les Russes, tout le monde se rue dessus, les femmes, les enfants et les soldats blessés sont piétinés par les chevaux, déchiquetés par les canons Russes, poussés hors du pont et dans l'eau glaciale par les plus forts guidés par leur instinct de survie, le chaos est total et seuls les hurlements des femmes et des enfants contrastent encore avec le bruit des canons.
A la nuit tombée, c'est un miracle : les deux rives sont encore aux mains de la grande armée.
Mais Napoléon n'a plus le choix, il doit agir en chef de guerre, et lorsqu'enfin les Russes parviennent à prendre la rive, il donne l'ordre de bruler le pont qui est encore plein de civils et de soldats blessés pour sauver ce qu'il reste de l'armée, condamnant ainsi les milliers de civils encore de l'autre côté.
Napoléon a sauvée sa peau et celle de son état major, de sa garde rapprochée, ses généraux ses officiers les plus importants, mais sur les 770.000 hommes qui composaient son armée et avec qui il est entré en Russie à peine 5 mois plus tôt, 30.000 seulement sont revenus. 740.000 hommes, c'est le bilan de cette campagne.
Napoléon rentre en France, en vie, avec son état major, mais son empire et sa grande armée gèlent morts en terre Russe. Et tout ça sans avoir perdue une seule bataille.
Nonobstant je pense qu'il y a eu pire niveau désastre en terme de nombre de victime, mais en terme de défaite elle est écrasante, oui, puisqu'elle déclenchera une réaction en chaine qui balayera les conquêtes napoléoniennes.
Le 27 juillet 2022 à 17:25:38 :
Désolé l'auteur, ton pavé est trop douloureux à lire, je déteste cette putain de campagne. Impossible de relire des livres dessus sans baisser la tête en grognant toute les deux pages.
Nonobstant je pense qu'il y a eu pire niveau désastre en terme de nombre de victime, mais en terme de défaite elle est écrasante, oui, puisqu'elle déclenchera une réaction en chaine qui balayera les conquêtes napoléoniennes.
Je te comprends khey, j'te comprends.
Napoléon a fait de la merde c'est tout
Un cas d'école de l'hybris impérial
Le 27 juillet 2022 à 17:34:05 :
Propre l'op
Merci khey.
Et jerry au pseudo.
Données du topic
- Auteur
- RuskiaLeCinglax
- Date de création
- 27 juillet 2022 à 17:19:11
- Nb. messages archivés
- 170
- Nb. messages JVC
- 170