[RISITAS - NOVEL] Ma réincarnation en mort-vivant

Pendant plusieurs minutes, personne ne bouge. Je reste figé, dans ce face à face. En vérité, je réfléchis à la situation, je n’ai jamais aimé prendre de décision. Si c’était un jeu, j’aurais commencé à mettre pause, sauvegarder, avant de tenter tous les choix de dialogues possibles.

Contre toute attente, c’est Saren qui brise le silence. Son ton est anormalement jovial.

• - Nous ne sommes pas venus spécialement pour vous aider. Mais comment refuser d’apporter son soutien à une si charmante escl… humaine.

Qui êtes-vous et qu’avez-vous fait du psychopathe que j’ai invoqué ?

L’acolyte fronce les sourcils en regardant Saren. Puis, sans se poser plus de questions, elle focalise son attention sur lui et se met à lui parler, comme si tout cela était normal.

- Oh ! Vous êtes un ancien non ? Vous ressemblez à ces fresques... Vous allez pouvoir m’aider ! J’essaie désespérément d’ouvrir cette porte là-bas.

Elle pointe le fond de la salle, où se trouve effectivement une porte en or massif, ridiculement petite comparée au reste de la pièce.

- Ça fait des jours que j’essaie. J’ai tenté de la démolir au burin, j’ai même lancé de l’acide dessus. Rien à faire !

Elle a quoi ?!

Je veux dire… même pour moi qui ne suis pas versé dans l’art, abimer cette pièce m’apparait comme un sacrilège. Et elle… elle a tenté de défoncer une partie de cet œuvre antique parfaitement conservée ? Le pire, c’est qu’elle annonce ça comme ça. Même Saren a l’air déconcerté.

Une fois le choc passé, Saren lui répond.

• - Oh je vois. C’est en effet très malin de votre part, mais ce n’est pas la bonne manière de procéder. Je pourrais éventuellement vous aider, mais vous devriez voir cela avec mon aimable maître.

Pourquoi joue-t-il la comédie ? S’agirait-il d’un monstre galant, qui ne s’en prend pas aux femmes ? Il n’espère tout de même pas la séduire ? A-t-il oublié qu’il est un monstre mort-vivant aux yeux maléfiques, aux dents énormes et à la peau putréfiée ?

- Je t’en prie. Mon nom est Serra, et il faut à tout prix que j’ouvre cette porte. Peux-tu demander à ton serviteur de m’aider ?

Elle s’est mise à genoux et baisse la tête tout en me disant ça. Elle est plutôt respectueuse…

C’est plutôt grossier de la part de Saren, comme si j’allais me laisser berner aussi facilement. Aucune chance que je lui demande d’ouvrir la porte. Peut-être même qu’il bluffe et ne sait même pas comment l’ouvrir.

• - Pourquoi est-ce si important pour toi ?

Mana : 40/50

Elle fronce les sourcils. Ma voix magique ne semble pas la perturber plus que ça.

- Tu le sais bien… n’es-tu pas un apprenti aussi ? C’est le seul moyen d’apprendre la nécromancie. C’est la tâche que m’a confiée mon maître, si je la réussis, il m’apprendra ses secrets !

• - Est-ce bien la bonne chose à faire ? Les nécromanciens tuent des gens, ils sont même en train de former une armée. Tu n’as pas l’air de quelqu’un de mauvais…

Elle se relève en baissant les yeux.

- Je sais tout ça… mais je n’ai pas le choix. C’est le seul moyen.

• - Le seul moyen ?

- Je viens de Luban… tu sais, les barbares incendient tout derrière eux. J’y ai perdu ma famille. Ma mère… mon père… ma sœur…

Son visage se crispe tandis qu’elle mord ses lèvres. J’ai l’impression que le monde se porte vraiment mal.

• - Je ne vois pas le rapport.

- Les nécromanciens… on m’a dit qu’en les rejoignant, en utilisant certaines magies, je pourrais ramener mes proches à la vie.

Elle serre ses poings et lève les yeux vers moi. Une lueur passe dans son regard et elle recule d’un pas. J’ai déjà vu ce genre de regard.

- Tu es…

La capuche me permettait de donner le change dans les catacombes, mais cette pièce est parfaitement éclairée, même trop.

Elle m’a vu, inutile de le nier.

D’un simple mouvement, je rabats ma capuche et lui dévoile mon visage décomposé.

Elle s’arrête après avoir mis une certaine distance. C’est de la méfiance plus que du dégout que je lis dans ses yeux.

• - Je ne te veux pas de mal, je le jure.

Après quelques secondes, elle lâche les plis de sa robe, qu’elle s’était mise à serrer nerveusement.

- On t’a envoyé pour me tuer ?

Est-ce qu’elle écoute seulement ce que je dis ?

• - Non, écoute-moi. J’ai été réanimé contre mon grès, je ne vais tuer personne.

Saren me lance un regard. Serra semble dubitative, mais elle finit par me répondre.

- Alors que veux-tu ? Vas-tu m’aider ?

Je fais quelques pas et jette un coup d’oeil au plan, resté au sol. Il est étonnement détaillé et parcouru de glyphes et de calculs. Je me demande où elle l’a trouvé.

• - Je vais jeter un coup d’oeil à cette porte. Je ne promets rien.

La porte est beaucoup plus imposante de près. Elle est parcourue de gravures, comme le reste de la pièce, il ne semble pas y avoir de serrure.

Je l’analyse.

Dalle en or
Une imposante plaque de métal enchanté, datant de l’ère hérétique. Utilisé par l’empire étincelant et construite pour répondre à leur physionomie.
Savoir insuffisant pour les informations intermédiaires.

Je regarde Saren de biais. Impossible qu’il ait pu prédire ça n’est-ce pas ? Il est à côté de Serra, qui s’approche de moi. Ses yeux de démon passent d’elle à moi, il étire un rictus qui ne me plait pas.

• - Je ne peux pas t’aider. D’ailleurs, je ferais mieux de partir.

- Non ! Je t’en prie. Demande au moins à ton serviteur d’essayer… je dois à tout prix réussir à ouvrir la porte.

Saren se place derrière elle en me regardant lui aussi, élevant sa taille pour dominer Serra.

• - C’est vrai. Elle n’a aucune chance de réussir sans moi. Et puis, si nous partons, qui sait ce qui pourrait lui arriver ?

Je suis pris dans un étau. Si je lui demande de l’aider et qu’il se libère, nous sommes tous les deux morts. Si je pars, il la tuera. Même s’il ouvre la porte, il me faudra en plus lui demander de ne pas la tuer. Deux chances de se libérer. Je doute qu’il ait une résistance magique aussi basse que la mienne, j’ai déjà eu énormément de chance la première fois…

La chose la plus logique à faire serait de partir…

Par acquit de conscience, j’analyse Serra pour savoir combien de temps elle tiendra face à Saren. Je ne m’attend pas à une surprise. Une puissance comparée normale serait déjà bien pour une apprentie, ça lui permettrait au moins de comprendre ce qui lui arrive.

Agent de la cour dormante
Niveau : ???
Puissance comparée : surpuissant
Magiciens, courtisans, espions, guerriers… les membres de la cour dormante parcourent le monde pour servir les intérêts de leur ordre secret. Habituellement, on les retrouve auprès des rois, mettant en place leurs machinations sous couvert de servir leur suzerain attitré.

Est-ce que ce serait possible que les gens arrêtent de me mentir, me manipuler ou vouloir ma mort ?

Je devrais laisser Saren faire ce qu'il veut. Avec de la chance, ils vont s'entre-tuer... Je suis quand même surpris par sa puissance... "surpuissant"... c'est toujours mieux qu'impossible, comme pour Saren. Je présume. Je devrais arrêter de me fier aux apparences, après tout, n'ai-je pas moi-même le look d'un zombi ?

• - Qui a-t-il derrière cette porte ?

- Comment le saurais-je ? Je ne fais que suivre les indications de mon maître. Peut-être un trésor... ou bien d'autres tombes.

Menteuse.

Tu n'es pas une apprentie et tu n'as aucune envie de rejoindre les nécromanciens. Peut-être même que tu n'as pas perdu ta famille.

Au lieu de la confondre, je vais jouer son jeu. On verra bien combien de temps elle tiendra.

• - Je n'ai aucune envie d'aider les nécromanciens, ce sont mes ennemis. D'ailleurs, je devrais demander à Saren ici présent de te tuer, pour ne pas prendre le risque que tu trouves quelque chose.

Je relève ma capuche et fais mine de m'éloigner. La réaction de Serra ne se fait pas attendre.

- Attend !

Je m'arrête, mais ne me retourne pas.

- Je ne t'ai peut-être pas tout dit...

Sans blague. Aller, crache le morceau.

- Si je suis ici, ce n'est pas pour rejoindre le culte. Je ne peux pas tout raconter, mais... l'objet qui se trouve derrière cette porte pourrait sauver le monde.

• - Sauver le monde, rien que ça ? Si tu n'as rien d'autre à ajouter, je crois que je ferais mieux de partir.

Je commence à monter les escaliers pour retourner dans les catacombes. Mais elle m'arrête, posant sa main sur mon épaule. Je penche ma tête sur le côté.

- Comme tu la dis, les nécromanciens forment une armée. Je ne sais pas si je peux te faire confiance... après tout tu es un... un... enfin, tu sembles être des leurs. Mais si tu m'aides à ouvrir cette porte, cela pourrait les empêcher de lancer l'invasion qu'ils ont prévue.

Devrais-je lui faire confiance ? Une chose est certaine, elle ne fait pas partie de ce... "culte" de nécromanciens. Mais je n'aime pas être manipulé. Cela dit, si l'occasion se présente d'empêcher la horde de se répandre sur les vivants... D'un autre côté, elle a peut-être inventé cette histoire car je me suis présenté comme un ennemi des nécromants...

• - Bon, très bien. Je vais voir ce que je peux faire.

- Merci ! Je commençais à désespérer d'en venir à bout.

• - Mais en échange, tu m'aideras à m'échapper de cet endroit, le plus loin possible de tout nécromancien.

Elle hésite un instant avant de répondre.

- Je... je le ferais. Je t'en donne ma parole.

Que vaut sa parole ? Je me le demande...

• - Saren, j'ai a te parler.

Je m'adresse à lui dans la langue noire, de manière à se que Serra ne suive pas notre discussion. Ce ne serait pas bon qu'elle se rende compte que je ne contrôle pas totalement l'ancien mort-vivant.

Il s'approche de moi, visiblement confiant.

• - Tu n'as qu'à me donner l'ordre, et je m'exécuterais.

• - Je ne vais te donner aucun ordre.

• - Oh... alors la petite humaine ne te plait pas ? Je vais la tuer tout de suite alors. Je me demande quel goût elle a.

Il se tourne vers Serra, mais je l'arrête.

• - J'ai quelque chose à te proposer.

Le monstre tourne son visage ignoble vers moi, faisant craquer sa peau desséchée.

• - Si tu m'aides, alors je te promets de ne jamais te donner d'ordre. Reflechis y. Tu viens de revenir d'entre les morts, tout comme moi, et tu ne sais rien du monde actuel. D'ailleurs il se pourrait bien que je soi la seule personne avec qui tu pourrais encore parler dans ta langue natale.

Il me fixe sans un mot.

• - Si les nécromanciens avaient réussi leur plan, tu serais entre leur main et ils se serviraient de toi sans vergogne. Mais j'ai tué celui qui voulait faire de toi un esclave. Si ce n'est par reconnaissance, fais-le au moins par intérêt. Tu ne peux pas passer ton temps à tuer tout le monde... un jour, tu auras besoin des autres.

Je n'ai plus d'inspiration, je ne trouve pas d'autre corde sensible. Je partirais bien dans un discours sur le pouvoir de l'amitié, mais je suis certain que ça ne fonctionnerait pas, voir que ça aurait l'effet inverse sur Saren. Au lieu de ça, je termine simplement.

• - Tu n'es pas curieux de savoir ce que cache cette salle ?

Le visage impassible qui me fait face ne me donne aucune information. Est-ce que je l'ai convaincu ? Il s'approche de Serra lentement... je préfère ne pas voir ça.

Mais alors que j'attends d'entendre les premiers hurlements, Saren fait un grand bond et atterrit devant la porte d'or. Après un instant à l'observer, il étire les six griffes de sa main droite et les place dans certaines anfractuosités des gravures. Il fait alors tourner sa main d'un demi-tour, en même temps qu'un mécanisme.

CLIC !

Tout doucement, la dalle s'enfonce dans le sol, révélant une nouvelle pièce.