Passionné par la chasse aux cachalots, a vos questions je répond

I) Les premières traces d’une chasse aux cachalots avant la Nouvelle-Angleterre

Alors que les européens (notamment Basques) chassent les baleines depuis le Moyen-Âge sans qu'on ait de date de précise pour le début de la chasse, le cachalot n'était pas du tout une cible privilégiée, car il apparaissait comme plus menaçant que les baleines franches de l'atlantique Nord, au caractère plus docile et plus lentes.

D'une manière générale, en Europe, la chasse aux grands cétacés consistent à transformer la couche de graisse (appelée lard ou "pannicule adipeux") sous la peau des baleines en huile en fondant par la chaleur le lard. La principale fonction de cette huile est l'éclairage. Ainsi, l'alimentation n'est pas la finalité de la chasse européenne, contrairement à la tradition japonaise. Pour la chasse spécifiquement aux cachalots, avant le XVIIIe siècle, il y avait déjà quelques captures européennes (notamment par des baleiniers basques). Par exemple, en 1528, l'ambassadeur vénitien Andrea Navagero mentionne, dans le récit de son voyage au Pays-Basque publié dans Opera Omnia (1718) qu'on chassait à Bayonne une baleine dont on extrayait une graisse toute particulière de la tête, ça correspond au cachalot dont on extrait à la fois l'huile de corps (en fondant le lard) et l'huile de tête (dans les organes de l'écholocation, une huile
blanche gorgée de cire). Les baleines n'ont pas d'huile de tête. Cette chasse se développera au XVIIIe et au XIXe siècle, sans être significative au Pays-Basque malheureusement.

Anatomie d' une tête de cachalot. On y trouve deux organes, la case et le junk. Le premier est aussi appelé parfois « la caisse » ou « l’organe à spermaceti ». Ce sont dans ces deux organes qu’on trouve ce que j’appelle « l’huile de tête ». On identifie souvent cette huile de tête au célèbre spermaceti, un produit qui a plus de valeur que « l’huile de corps ». Cependant, ce n’est pas exactement la même chose. C’est effectivement dans l’huile de tête qu’on trouve la plus grande proportion de spermaceti, mais le spermaceti ne représente pas toute l’huile de tête, et l’huile de corps contient aussi du spermaceti. Je préciserai la nature du spermaceti tout à la fin, où j’évoquerai le raffinage de l’huile de corps et de tête pour obtenir enfin le fameux spermaceti.

Avant que la chasse aux cachalots prennent de l'importance au XVIIIe siècle, à partir de la Nouvelle-Angleterre, il y avait une chasse des européens aux Amériques. En effet, La chasse aux Amériques commençait dès la première moitié du XVIe siècle, avec les baleiniers basques français et espagnols qui y ont établi des stations côtières de fonte du lard (la plus grande est celle de Red Bay) tout au tour du golf et de l'estuaire du Saint-Laurent. Ils passaient l'été sur place et ramenaient la cale pleine en Europe. Dans l'immense majorité des cas, il n'y avait pas d'hivernage. Ils y chassaient déjà la baleine du Groenland, appelée la baleine « de la grande baie ».
Cette baleine était plus grasse que la baleine franche de l’Atlantique Nord qu’on retrouve sur
les côtes européennes, comme le golf de Gascogne. Cette baleine était aussi présente dans le Saint-Laurent, mais était moins chassée.
Au XVIIe siècle, à partir de l'année 1611 les baleiniers européens (Hollandais, Anglais, Français, Danois et Allemands des villes hanséatique) se concentrent essentiellement au nord de l'Europe (Spitsberg, Islande, Norvège, Cap Nord) pour chasser la baleine du Groenland.

La baleine franche de l'atlantique Nord, première espèce de baleine a être chassée
significativement, dès le Moyen-Âge, notamment dans le Golf de Gascogne.

La baleine du Groenland, qui est aussi une baleine franche (il y a un total de 4 espèces), cible principale des baleiniers en Amérique du Nord au XVIe siècle (elle ne fréquente plus aujourd'hui le Saint-Laurent) et cible quasiment exclusive des baleiniers dans les mers du Nord, près du Spitsberg, en Islande et au Cap au XVIIe siècle et XVIIIe.

Carte du Spitzberg, au nord de la Norvège.

A partir de 1650, des Anglais de la Nouvelle-Angleterre chasse les baleines franches à partir de Long Island. Un certain John Ogden est un des premiers à avoir expérimenté cette chasse avec un monopole de 7 ans, mais il y a des concurrents dès 1654. Les américains de souche (notamment les Shinnecocks) seront mis à contribution de cette chasse, notamment par John Cooper dès 1670. A cette époque, il y a encore des restes d'activité baleinière par les Basques dans l'estuaire et le golf du Saint-Laurent, mais de plus en plus réduite.

Les premières chasses des anglais de la Nouvelle-Angleterre dans la seconde moitié du XVIIe consistaient, comme les Basques (d'après le témoignage de Champlain qui les observe dès 1602 à Tadoussac, aux portes du canal du Saint-Laurent) à observer l'horizon depuis une tour sur la terre ferme pour signaler la présence d'une baleine. Les chasseurs mettaient à l'eau leurs chaloupes pour poursuivre et tuer avec un harpon et une lance la baleine, et ainsi la ramener sur le rivage pour la dépecer afin de fondre sa graisse pour obtenir de l'huile. Les fanons (des extensions en kératine de la mâchoire supérieur qui remplacent les dents) étaient aussi prélevés. Ces fanons ne se retrouvent pas sur le cachalot, qui lui a véritablement des dents, ce qui fait que le cachalot n'est pas une baleine. Cette méthode à partir du rivage était déjà pratiquée par les baleiniers basques au Moyen-Âge. Cependant, très rapidement, dès le XVIIIe siècle, il a fallu s'écarter des côtes pour rendre la chasse plus rentable et prolifique avec un véritable bateau baleinier, équipé de "baleinières" qui
sont des espèces de barques à partir desquelles les baleines sont chassées et tuées. Au fil du siècle, la taille des bateaux augmentera peu à peu, passant de cinquante tonneaux à trois cents