J'ai tapé 1200 bornes hier pour visiter le patelin de mon premier amour.
Que tu changes de maison
Il va continuer, le monde
Et il aura bien raison
Les poussières d'une étoile
C'est ça qui fait briller la voie lactée
On s'est aimés, n'en parlons plus
Et la vie continue
Le 20 septembre 2024 à 19:07:48 :
Enorme résumé : à l'époque on s'était vus qu'une fois. Rencontrés sur Skyrock, elle habitait à 500 bornes, et ça a tout de suite matché parce qu'elle était comme moi, une romantique qui rêvait de l'amour unique et inconditionnel. A la différence près qu'elle était une étudiante studieuse et moi un petit rebeu de tess 0 tout, desco, sans avenir, dépressif et qui passait ses journées à fuir la réalité à coup de bouteilles et de bédos.Tellement perché que je l'avais faite venir plutôt que d'aller la voir moi-même, alors que comme moi elle avait ni permis ni voiture. Bref, on a rien fait sexuellement parlant, je voulais pas la brusquer alors on passait notre temps devant des films à se cajoler pendant 2 jours comme les ados niait qu'on était. Sauf que je me rendais bien compte que j'avais rien à lui offrir et que j'avais pas d'avenir, alors comme je voulais mieux pour elle, je l'ai "jetée". Elle voulait me "sauver" à l'époque, mais je me rendais bien compte que mon navire avait déjà bien trop pris l'eau pour pouvoir échapper au naufrage. Je voulais mieux pour elle que la vie de galère qui m'attendait, et c'était soit la jeter par dessus bord soit l'entrainer avec moi.
Elle est revenue en 2021, j'ai merdé encore évidement. 7 ans après elle m'avait pas oublié et j'ai trouvé le moyen de merder.
Bref, comme à l'époque elle m'avait donné son adresse dans l'espoir que je vienne la voir, j'y suis allé hier, 10 ans après. 500km de chez moi.
Au bout de 100 bornes je fais un plein et je commence déjà à délirer, je m'imagine revenir en 2014, lui faire une photo du prix de mon plein et lui dire genre : "Tu coutes cher :p" alors qu'on serait en train d'organiser notre première rencontre. Ce à quoi elle m'aurait répondu "Je vais te rembourser en bisous :p"
Au bout de 4h je commence à voir les premiers panneaux qui indiquent sa ville, et j'en ai des frissons, limite je suis nerveux, comme si vraiment on était en 2014 et que j'étais en chemin pour la rencontrer pour la première fois, comme si on était encore deux ados tout émerveillés, et je m'imagine lui envoyer des photos des panneaux ou des screens de mon GPS qui indique la distance qu'il reste avant chez elle, j'imagine ses réponses, notre excitation.
Une fois arrivé je découvre son petit patelin, assez fade et triste, je comprends pourquoi elle avait tant besoin de quelqu'un. La France rurale quoi.
Je passe devant sa maison, je reconnais le jardin dont elle m'avait fait une photo, enfin elle habite plus ici maintenant, à l'époque elle était chez ses parents. Je sais pas si ils sont toujours là mais ça me fait bizarre, j'imaginais sa maison plus grande et plus classe, en réalité elle est on ne peut plus modeste et mitoyenne à une autre. Je regarde la fenêtre de ce qui était sa chambre, tout ce temps qu'elle passait à m'écrire des messages toute la nuit, c'était là.
Je me pose un moment dans le "centre", j'allume une cigarette, et j'imagine toutes les fois où elle a traversé ce coin pour aller à l'arrêt de bus qui l'amenait en cours, en m'écrivant des messages.
Puis je vais plus loin, dans une ville à 10 minutes en voiture, celle de celui qui m'a remplacé 2 ans après tout ça, en 2016. Je sais pas pourquoi, peut-être pour voir l'endroit ou elle a découvert toutes ces choses qu'elle n'aura pas découvert avec moi, mais très vite j'ai pas envie d'y penser alors je reviens dans sa ville à elle.
Sans rien ressentir finalement, une fois sur place. J'ai beau vouloir remonter le temps, 2014 n'est plus là, l'adolescente que j'ai connue non plus et l'adolescent que j'étais encore moins. Tout ça, ces souvenirs, cette mélancolie et ce regret du premier amour, c'est comme si ça n'avait plus aucune signification, aucun sens dans le monde de 2024. Les sentiments c'est pour les idiots ou les faibles, faut faire de la moula, être healthy, faire du sport, se lever à 06h30 prendre un petit déjeuner équilibré et préparer son programme de la journée en pensant aux objectifs qu'on s'est fixés eugneugneu.
Comme si cette époque avait assassinés même les souvenirs, les sentiments, ou la simple nostalgie de ses souvenirs. Même elle, cette nostalgie, elle semble éteinte, c'est comme voir un feu qu'on aurait laissé sans surveillance trop longtemps devenu du bois carbonisé dont il ne resterait plus qu'une braise mourante, impossible à raviver. Le feu est mort.
Après 2 heures à tourner en rond dans sa petite ville et à repasser aux mêmes endroits sans cesse, je décide de rentrer. Mais au bout de 20 bornes à peine, c'est comme si une force irrépressible me rappelait vers cette ville, comme l'ado qui est encore en moi, et qui refuse d'accepter la réalité. Qu'il est mort, que son époque avec, et que son souvenir n'est plus. Que son rêve de revenir en 2014 et de ramener sa petite Chaimae dans sa maison isolée couverte de lierres pour s'isoler avec elle dans leur monde n'arrivera pas.
J'y cède, et je fais demi-tour pour y revenir, comme si j'avais, je sais pas, l'espoir d'être passé à côté de quelque chose, l'espoir de remonter le temps avec ce demi-tour.
Une fois là-bas, je craque et je go au tabac acheter une puce orange. Je retourne toute la voiture pour trouver un petit bout de feraille pour enlever la puce de mon téléphone et mettre cette puce achetée au tabac, par chance je trouve un trombone qui trainait là. Pour lui envoyer un message puisqu'elle m'a évidement bloqué depuis bien longtemps. Une photo de son centre ville, avec en légende "Hey, j'étais dans ton bled aujourd'hui", avec déjà un mytho en tête au cas ou elle répondrait et me demanderait ce que je faisais là. Evidement, un énième vu + bloqué.
Tant mieux au fond, j'ai rien à lui offrir, pas plus qu'à l'époque. Je lui veux tout le bonheur du monde mais pas la galère qu'a toujours été ma vie, je me dénigre pas, mais esclave en mise en rayon chez Auchan, et même ça je peux pas le faire en paix je suis en guerre avec Auchan. Et comme toujours gagner ou perdre, j'en ai rien à foutre, limite si je préfère la défaite tellement je connais qu'elle, au moins, je me conforte dans ce que je connais déjà. Et aujourd'hui comme à l'époque, je préfère l'abandonner plutôt que de lui offrir cette merde.
Je vois que le soleil se couche, et je veux être rentré chez moi avant de tomber de fatigue. Alors je me tire, en me disant de toute façon que j'ai vu ce que j'avais à voir et que c'est pas la peine de chercher à arpenter en voiture tous les chemins qu'elle a pu prendre dans sa vie dans ce village.
Sur l'autoroute, le soleil à ma gauche et les nuages rouges, au crépuscule, je recommence à l'imaginer avec moi dans cette bonne vieille Renault 21. On aurait passé la journée ensemble, à se trouver un champ tranquille ou s'allonger et rêvasser en regardant les nuages, le ciel, et au moment de la ramener chez elle elle se serait mise à pleurer comme elle l'a fait le jour ou j'ai du la laisser partir.
J'aurais fais semblant de rester fort alors que j'aurais eu envie de chialer aussi, je l'aurais rassurée et calmée en promettant de revenir la voir aussi vite que possible malgré les kilomètres. Et dans mon poste radio, ma playlist années 80 est lancée, ça m'aide dans mon déni d'époque, Renault 21 de 1986, playlist qui va avec. Et voilà le refrain qui me sort de mes pensées subitement :
https://youtu.be/-kaPO7zmSQw?t=65
"Juste une mise au point, sur les plus belles images de ma vie."
Je tiens encore 20 bornes avant que les larmes ne montent trop et je m'arrête dans un petit village en sortant de ma départementale comme une enflure. C'est des lotissements, avec un petit terrain qui surplombe tout le coin avec un petit banc pour admirer la vue. Je m'y installe avec ma clope, la voiture garée à côté, en tâchant de chialer dignement.
Je fini par me reprendre au bout de plusieurs minutes, à retrouver un peu mes esprits en me disant que j'ai quand même de quoi sourire parce que du peu que j'en sais, elle va bien et elle est pas malheureuse. C'est déjà ça, et malgré ce qui peut m'attendre moi, ça me rend heureux pour elle. C'est parce que j'étais convaincu qu'elle le méritait que je l'ai débarrassée contre son gré du boulet inadapté que je suis.
Je sais pas ce qu'il y avec ce son, le fait qu'il illustre la vie paisible des années 80 à laquelle j'ai jamais osé rêver, les paroles avec les images que j'avais en tête, qui sont bien les plus belles de ma vie.
Peut-être pour ça que j'adore celui là avec, qui me fait penser à elle à chaque fois : https://www.youtube.com/watch?v=RMWBriHwVrI
"Le temps est bon, le ciel est bleu, nous n'avons rien à faire, rien que d'être heureux."
Là encore j'aurais voulu m'enjailler avec elle sur ce son dans la R21, comme j'aurais voulu n'avoir rien d'autre à faire que d'être heureux plutôt que de mener une existence de prolo dans sa cité HLM.
Sur le retour, 2éme plein dans une station service semblant abandonnée en pleine nuit noire, une mise en abysse de la vie qui m'attends.
Avec une seule idée en tête : rentrer au plus vite, passer chez l'épicier faire le plein de bières et de whisky, pour augmenter les doses, essayer d'oublier et accélérer le processus.
En rentrant à Lyon, dans la nuit, je vois que des mecs bourrés qui déambulent tels des zombies à la recherche de je ne sais quoi. Je les juge pas, j'ai toutes mes chances de finir comme ça.
Je te comprends Khey, je suis moi-même très enclin à la mélancolie et la nostalgie, j'ai merdé avec une de mes ex, une fille bien, et j'avais fais un truc similaire (bien que je n'avais pas eu à me taper 1200 bornes) en allant devant l'endroit où elle bosse il y a quelques mois, j'étais resté bien éloigné, je l'avais aperçu vite fait puis j'avais continué mon chemin.
Je te partage cette citation du cultissime "gatsby le magnifique" qui me parle beaucoup et qui ira à merveille avec ton post :
" Gatsby croyait en la lumière verte, à cet orgasme imminent qui année après année, reflue avant que nous l’ayons atteint. Nous avons échoué cette fois-ci, mais cela ne fait rien : demain nous serons plus rapides, nous étendrons nos bras plus loin.et, un beau matin… C’est ainsi que nous nous débattons, comme des barques à contre courant, sans cesse repoussés vers le passé. "
Merci pour cette histoire j'ai beaucoup aimé. Je me suis reconnue dans beaucoup de choses même si mon histoire est différente au final on arrive au même point j'ai l impression
Bonne chance l op
Données du topic
- Auteur
- RuskiaIrak
- Date de création
- 20 septembre 2024 à 19:07:48
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