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— Quelle heure est-il papa ?
— Bienvenue au pays du soleil de minuit Robin ! (Deuxième clin d'œil.)
Mon père sourit en voyant les étoiles qui brillent dans mes yeux. Un point pour toi, papa. Sans rien dire, il m'invite par un signe du menton à me retourner, et éclate de rire devant mes yeux écarquillés. Waouh ! Un immense iceberg se dresse bien au-dessus de nos têtes, une majestueuse montagne de glace aux reflets bleutés. Le bateau semble minuscule face à ce monstre de glace. Mon père me prévient qu'il est dangereux de s'approcher plus près. En effet, de là où je me tiens, j'entends d'affreux craquements. Je suis ébahi. Il me semble que le temps s'est arrêté. Mon père me sort de ma contemplation en m'avertissant de notre arrivée dans la baie d'Uummannaq. Quand je pose mon pied sur le quai, je comprends ce que Neil Armstrong a dû ressentir lorsqu'il a fait son premier pas sur la Lune. La toute-puissance de l'univers, et moi, si petit. Décidément, ce voyage a tout d'une expédition lunaire !
Quand j'ouvre les yeux, un visage illuminé d'un grand sourire me dévisage. Deux pupilles, ou plutôt deux étoiles, brillent entre des paupières bridées. Ces yeux appartiennent à une fille qui doit avoir à peu près le même âge que moi. Elle rit de mon air hagard et me dit des mots dans une langue que je ne comprends pas. Je réalise que je me trouve dans une chambre, dans la maison d'une famille d'Inuits. J'essaie de me rappeler comment j'ai atterri ici, mais la dernière chose dont je me souviens c'est l'iceberg à l'entrée de la baie.
Je tente un « Où est mon père ? » et la fille me répond seulement « Me, Ivaanna ». J'entends quelqu'un l'appeler et Ivaanna disparaît. Le visage souriant de mon père apparaît enfin dans l'entrebâillement de la porte. Je crois que je n'ai jamais été aussi content de le voir !
— Mais on est où là, papa ?
— La famille Larsens a gentiment proposé de t'héberger pendant mes plongées sous-marines. Je vois que tu as déjà fait la connaissance d'Ivaanna. (Troisième clin d'œil.) Et puis tu as besoin de reprendre des forces, tu es tombé dans les pommes à peine débarqué !
Mauvais point pour moi. Je comprends mieux le rire d'Ivaanna tout à l'heure. Il va falloir faire mieux pour impressionner ma nouvelle amie...
Quand le lendemain, Ivaanna et Anoki, son grand frère, m'embarquent sur un petit bateau à moteur, je suis grisé par la vitesse. Je me sens comme un pirate à la recherche d'un trésor caché. Je ne sais pas où ils m'emmènent, mais au sourire complice qu'ils échangent, je comprends que je ne suis pas au bout de mes surprises.
Anoki est monté à bord avec un grand seau. Je me demande bien ce qui se cache à l'intérieur... Ça fait déjà une bonne demi-heure que nous avons quitté le rivage. De temps en temps, Ivaanna me lance un sourire. Elle voit bien que je ne suis pas très rassuré, et ses regards me réchauffent un peu. Du brouillard enveloppe maintenant la côte. La température chute soudain de quelques degrés. Je frissonne. Ivaanna pointe son doigt vers l'horizon. Je sens mon cœur chavirer en découvrant le géant de glace qui se dresse devant nous. Difficile de savoir si c'est la peur ou la joie qui fait battre mon cœur aussi fort. Cet iceberg est aussi grand qu'un immeuble. Je prie pour qu'Anoki ralentisse. Je sais que la partie immergée de l'iceberg est bien plus grande que celle qui s'offre à mes yeux. Mais Anoki sait très bien ce qu'il fait. Il a arrêté le moteur, le silence qui nous entoure est incroyable. Mais soudain, un craquement brise cet instant de grâce : un morceau de glace se détache sous mes yeux et plonge dans les eaux sombres. Je suis aux premières loges du réchauffement de la planète. À cet instant, je voudrais tout faire pour que rien ne change et que l'homme s'arrête de penser qu'il est le maître du monde. Ici, c'est évident, la nature est reine.
Anoki me sort de mes rêveries en faisant glisser vers moi le mystérieux seau et m'invite à l'ouvrir. Je découvre qu'il est rempli de grosses crevettes grises ! Ivaanna sourit à mon étonnement. Chez moi, les crevettes sont roses et minuscules.
D'un geste, elle m'invite à jeter quelques crustacés par-dessus bord. Je m'exécute sans trop me poser de questions. Ils me font signe de me taire et de ne pas bouger. Au bout de quelques minutes, un chant sourd semble s'élever des profondeurs. Ivaanna s'empresse de me cacher les yeux de ses deux mains et me chuchote : « listen » (écoute en anglais). Oui, autour du bateau, le son se rapproche, ce ne peut-être qu'une bête énorme et affamée.
Alors, Ivaanna retire ses mains et je découvre à la surface une créature, qui pour moi n'existait que dans les contes. Une corne torsadée fend l'eau comme une épée, elle doit faire au moins deux mètres de long.
Je comprends alors que la licorne des mers n'est pas qu'une légende et des larmes me montent aux yeux. Anoki et sa sœur se regardent, heureux de m'avoir fait découvrir l'un des trésors de leur terre. Je comprends soudain ce que mon père voulait me montrer en m'emmenant ici : la banquise n'est pas qu'un désert de glace. Ici, dans l'océan Arctique, se cachent des richesses aussi belles qu'en plein cœur de la jungle. Je souris, soudain honoré par la confiance de mon père, qui me trouve assez grand pour partager ce secret.
— Prends exemple sur tes frères ! Grognfor travaille à la forge depuis ses 193 ans. Quand Kaskardent s'est enrôlé dans la garde royale, il avait à peine 181 ans. Même Brûlte a trouvé un travail à la mine avant ses 207 ans ! Et toi, à 212 ans, tu es toujours là !
Pitifeu aurait aimé rendre son père fier de lui, mais il n'était pas comme ses frères. Il n'était pas grand et musclé, et ses flammes étaient tout juste suffisantes pour allumer un feu de bois. Chaque fois qu'il avait postulé quelque part, un dragon plus fort avait eu le travail.
Quand il passa devant la forge, Grognfor l'interpella.
— T'en fais une tête ! Tu t'es encore disputé avec P'pa ? Peu importe, j'ai une bonne nouvelle. Je t'ai inscrit.
Pitifeu attrapa la feuille jaunie que lui tendait son frère, sur laquelle était écrit en lettres d'or :
« Oyez, oyez dragons et dragonnes !
Le roi recherche un dragon pour défendre son trésor. Afin de choisir le plus fort d'entre vous, une grande compétition sportive est organisée. À l'issue de cette dernière, le dragon ayant le meilleur score aura l'immense honneur de devenir le gardien du trésor royal.
Si vous avez plus de 180 ans, inscrivez-vous auprès de l'intendant du palais. »
Grognfor l'avait inscrit à une compétition sportive. Organisée par le roi en personne, qui plus est. Et c'était censé être une bonne nouvelle...
— Grognfor, je ne peux pas y aller. Je vais me ridiculiser. Qu'est-ce que j'irais faire dans une compétition sportive ?
— Je t'entraînerai ! Et puis imagine comme P'pa serait heureux si tu gagnais !
— Mais jamais je ne gagnerai !
Il n'y a qu'un moyen de le savoir...
Ils avaient un mois pour préparer Pitifeu aux épreuves de la compétition : le vol acrobatique avec un bloc de pierre, le camouflage, le crachat de feu sur cibles mouvantes, et enfin, le combat contre chevaliers. Contrairement à son frère, Pitifeu était loin d'être optimiste. Ils commencèrent par le camouflage puisque c'était la seule épreuve qu'il se sentait capable d'aborder. En effet, il avait hérité des écailles gris foncé de sa mère, ce qui le faisait ressembler à un gros rocher.
Pour les autres épreuves, Grognfor fit appel aux compétences de Brûlte et Kaskardent afin de préparer au mieux Pitifeu. Brûlte pour la musculation et l'endurance, Kaskardent pour les techniques de combat ; lui-même se chargerait du crachat de feu.
Avec un entraînement aussi prenant et des professeurs aussi exigeants, Pitifeu ne vit pas le temps passer et un matin, sans prévenir, le soleil se leva sur le premier jour de la compétition.
Une foule bigarrée se pressait sur le pont-levis pour entrer dans l'immense arène du château. Des gradins de bois se dressaient tout autour, installés pour l'occasion.
Cinq gros rochers étaient disposés en cercle au centre de l'arène. Pitifeu ne prêta aucune attention aux acclamations de la foule et se dirigea droit vers eux. Quatre autres dragons firent de même. Pitifeu n'osa pas croiser leur regard, il se concentra sur son bloc et se remémora sa chorégraphie. Il fallait qu'il garde son rocher en l'air plus de trois minutes en réalisant un maximum de figures pour marquer des points. Un coup de gong annonça le début de l'épreuve. Tous les dragons décollèrent en même temps, sauf Pitifeu.
Il grimpa sur son rocher, enfonça ses griffes dans les aspérités de la roche et battit des ailes. Peu à peu, il s'éleva. Pendant ce temps les autres dragons avaient piqué pour récupérer leur bloc aidés par leur élan. Pitifeu, quant à lui, continuait de monter. Lorsqu'il se trouva à environ six mètres du sol, il lâcha son rocher. Il vola encore jusqu'à dix mètres et se laissa tomber en piqué à la suite de l'énorme pierre. Il la dépassa, vrilla sur lui-même et la récupéra sur son dos. Le choc lui coupa le souffle et faillit le déséquilibrer. Il plana quelques instants puis, mobilisant ses dernières forces, fit un looping. Le rocher retomba juste à son point de départ et Pitifeu se posa juste derrière. Un nouveau coup de gong annonça la fin de la première épreuve.
Un immense tableau noir avait été installé pour inscrire les scores. Pour chaque épreuve, le premier gagnait 50 points, le deuxième 40 et ainsi de suite. Quand Pitifeu leva la tête vers le tableau, il n'en crut pas ses yeux. Missia, une femelle taupe qui n'avait pas réussi à soulever son rocher, était dernière avec 10 points. Feurlet, un dragon aux écailles bleu électrique, la suivait avec 20 points. Foudre, une autre femelle d'un éblouissant doré, était troisième avec 30 points, tandis que Tréroce, un grand mâle vert sapin, remportait l'épreuve avec 50 points. Pitifeu était donc deuxième et gagnait 40 points. Incroyable !
Pour la suite, un pan de l'arène avait été démonté, si bien que cette dernière était maintenant ouverte sur la forêt. L'épreuve du camouflage était simple : les dragons avaient une minute pour se fondre dans le paysage. Les premiers à être vus perdaient. Les cinq concurrents s'alignèrent à l'orée de la forêt, et, au coup de gong, s'élancèrent entre les arbres.
Missia, qui grâce à sa robe terne s'était confondue avec la terre, arriva deuxième. Tréroce qui s'était fondu dans le feuillage des arbres, finit troisième. Foudre avec ses écailles dorées fut l'avant dernière, devant Feurlet et son éblouissante cuirasse bleue. Pitifeu, transformé en rocher, gagna l'épreuve. Il était à présent en tête de la compétition avec 90 points ! Il n'arrivait pas à y croire.
Seulement sa joie retomba vite. Les deux dernières épreuves à venir étaient celles qu'il redoutait le plus.
À trente mètres des cinq dragons, des cibles étaient montées sur des rails.
Feurlet passa le premier et toucha sept cibles sur dix. Tréroce en brûla neuf, Missia cinq. Foudre les brûla toutes d'un seul coup. C'était au tour de Pitifeu. Le coup de gong le fit sursauter. Il gonfla sa poitrine au maximum, sentit sa poche à feu se remplir et crachat le plus fort qu'il put. Il ne toucha aucune cible.
Toutefois, il n'eut pas le temps de se morfondre car il fallait déjà se préparer à la dernière épreuve, le combat.
Données du topic
- Auteur
- GangeProfond4
- Date de création
- 1 mai 2022 à 23:43:30
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