Topic de Eussoudore :

Lecture suivie de J.P Sartre

:d) Je fais ce topic pour moi, car écrire me permet de mieux saisir cet auteur que je lis. Si ça peut intéresser quelques kheys. Je vous préviens que tout ce que je vais dire, surtout concernant la philosophie, n'est qu'une tentative de compréhension qui ne prétend pas inclure la vérité incontestable sur l'oeuvre de Sartre.

Huis-clos

J'ai également terminé Huis-Clos de Sartre. Terrible pièce de théâtre ! Trois personnages qui ont réalisé des bassesses dans leurs vies se retrouvent en enfer. Pas de flamme, de gril et de torture, l'enfer, c'est d'être en présence de deux autres personnes en permanence, sans interruption, pour l'éternité.

La douleur provient du reflet de soi dans le regard de l'autre. Autrui me voit, pense sur moi, et c'est un poids immense puisqu'il me voit à l'encontre de ce que je m'imagine être. Si je refuse d'être un lâche malgré les faits, si je me cache à moi-même certains vice, le regard de l'autre me dévoile la vérité.

Les trois personnages ne peuvent se connaître que grâce au regard des deux autres. Et ce qu'ils connaissent d'eux, c'est la bassesse et les vices qu'ils ont accomplis dans leur vie. Et leur vie, elle est inaltérable car elle est achevée. Il n'y a plus de potentiel, plus rien a rattraper. Ce qu'ils ont fait, c'est ce qu'ils sont définitivement. Par le regard des autres, c'est leur vie achevée qui se dévoile, les faits bruts sans illusions.

Les personnages tentent de fuir les autres pour se fuir soi-même, mais c'est impossible puisque les autres sont là. Se taire et ignorer les deux autres est inutile, on entend leur présence, on sent qu'ils nous observent. L'amour est impossible, car le troisième personnage entrave l'intimité des deux autres.

Extraits :

''''" Inés : Je ne suis pas polie.
Garcin : Je le serai donc pour deux. "

" Quand je ne me voit pas, j'ai beau me tâter, je me demande si j'existe pour de vrai. "

" Votre silence me crie dans les oreilles. Vous pouvez vous clouer la bouche, vous pouvez vous couper la langue, est-ce que vous vous empêcherez d'exister ? " " Les sons m'arrivent souillés parce que vous les avez entendu au passage. "

" Garcin :Je n'ai pas rêvé cet héroïsme, je l'ai choisi. On est ce qu'on veut.
Inés :Prouve-le. Prouve que ce n'était pas un rêve. Seuls les actes décident de ce qu'on a voulu. " ''''

Les mouches

Je vous situe l'histoire qui se déroule dans la mythologie grecque. Egisthe fils de Thyeste a assassiné son oncle Atrée ainsi que son cousin Agamemnon, fils d'Atrée. De cette façon, Egisthe s'est emparé du trône d'Argos. Agamemnon a eu deux enfant, Electre réduite à l'état de servante sous le règne d'Egisthe, et Oreste que des paysans ont été chargés de tuer.

Cependant, Oreste n'a pas été tué, et il revient 15 ans plus tard à l'âge de 18 ans en Argos.

Il constate que Egisthe n'a pas assumé son crime et vit dans le repentir et le remord excessif depuis 15 ans. Tout le peuple d'Argos, de la même façon, est sommé de se repentir continuellement. Depuis 15 ans, les habitants vivent dans la peur de faire le mal, et dans le regret de l'avoir fait.

Oreste assassine Egisthe et sa femme (qui est sa mère, puisque Egisthe a volé l'épouse d'Agamemnon.). Zeus est alors très mécontent de l'acte d'Oreste qui brise l'ordre établit. Il lui somme de se repentir, et de regretter à jamais cet acte. Oreste toutefois refuse, et assume pleinement son crime. Il sait que c'est un crime, mais ce crime est nécessaire pour libérer l'Argos du repentir et des actes inassumés d'Egisthe.

Oreste proclame que les hommes sont libres,et si les dieux l'ont créer libre, alors par définition l'homme n'a pas à obéir aux exigences divines.

Zeus ni aucun dieu n'a de pouvoir absolu sur les hommes, et chaque action doit être libre et assumée. La justice doit être humaine et non divine. Oreste n'a plus peur d'agir par lui-même et d'assumer les conséquences de ses actes. Il ne souhaite plus être une belle-âme, passive, qui refuse de se salir les mains même lorsque c'est nécessaire. Grâce à ce régicide, Oreste a libéré l'Argos du fléau des mouches, et a libéré les habitants du malheur de leur repentir.

Être un homme, c'est agir librement et assumer ses actes plutôt que d'obéir aux desseins des dieux comme une bête passive.

Zeus dit " Un homme devait venir annoncer mon crépuscule. ". J'y vois la toute première origine de la mort de Dieu tel que l'entend Nietzsche : puisque dieu est mort, les hommes sont libres et ne dépendent plus des exigences divines. Sartre fait d'Oreste le meurtrier de Dieu. Dans le Zarathoustra de Nietzsche, Dieu est déjà mort et les hommes ont la potentialité de se libérer des principes moraux divins. Mais dans les Mouches, c'est l'instant de la mort de Dieu. C'est comme ça que je le vois.

Extraits :

" Pitié ! Nous n'avons pas fait exprès de naître et nous sommes tous honteux de grandir ! "

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" Un crime que son auteur ne peut supporter, ce n'est le crime de personne, n'est-ce pas ? C'est presque un accident. Vous avez accueilli le criminel comme votre roi, et le vieux crime s'est mis à rôder entre les murs de la ville en gémissant doucement comme un chien qui a perdu son maître. Vous me regardez, gens d'Argos, vous avez compris que mon crime est bien à moi, je le revendique à la face du soleil, il est ma raison de vivre et mon orgueil, vous ne pouvez ni me châtier, ni me plaindre, c'est pourquoi je vous fais peur. Et pourtant ô mes hommes, je vous aime et c'est pour vous que j'ai tué. "

Les Mots

Alors Les Mots de Sartre est censé être une autobiographie de l'auteur. Mais j'ai eu peine à la lire puisqu'il s'agit plutôt d'une introspection de sa jeunesse. Il raconte de l'intérieur la manière dont il a vécut son enfance. Très peu d'acte, surtout de l'auto-analyse.

La structure du roman fait plutôt brouillon, on dirait une enquête personnelle qu'à menée Sartre sur lui-même. Cependant, on peut distinguer plusieurs phases dans sa jeunesse. Il a d'abord joué la comédie auprès de sa famille bourgeoise qui lui accordait de l'attention. Il faisait tout pour plaire et recevoir l'attention. Il a apprit à lire très jeune et lisait des auteurs classiques pour ça, même s'il ne comprenais pas grand chose.

Ensuite il a lu en cachette des romans d'aventure plus adaptés à l'enfant qu'il était. Il continuais pourtant de jouer la comédie en public. La comédie a atteint la forme la plus achevée lorsqu'il a commencé à jouer des personnages imaginaires dans sa chambre en incarnant les gentils et les héros.

Seul dans sa chambre, il s'imaginait être un héro, et devenait le comédien de son imagination tout en faisant croire à sa famille qu'il aimait les auteurs classiques. Il jouait la double comédie, on peut dire que son existence était très abstraite.

Par hasard, il a commencé à écrire des histoires, et il s'est confronté au monde extérieur. Il a apprit qu'il n'était pas un héro puisque certains autres enfants étaient meilleurs que lui. Il croyait au début écrire pour sauver la populace, il se voyait comme le porte parole du saint-esprit. Il se faisait un devoir d'écrire pour des raisons religieuses. Par la suite, il a compris que Dieu n'existais pas, et petit à petit il a écrit par simple plaisir.

Dans cette autobiographie, de très nombreuses réflexions sont esquissées, mais la plupart ne sont pas beaucoup poussées. Parfois ce sont de pures évocations.Les Mots, ça pose les prémisses de l'homme qu'était Sartre, et ça pose également les prémisses de sa pensée. On comprend comment il s'est arracher à des croyances et des manières de pensées pour s'approcher progressivement de ce qu'il a été plus tard.

Petite anecdote : le grand-père de Sartre a traversé un lac sur une barque en compagnie de Bergson. Tandis que Grand-père-Sartre était contemplatif à l'égard du paysage, Bergson était ailleurs, les yeux rivés dans le vague. Le grand père en a conclu que la poésie était supérieure à la philosophie.

Extraits :

" Faute de renseignement plus précis, personne, à commencer par moi, ne savait ce que j'étais venu foutre sur terre. '

" - Mais si mon petit chéri lit ce genre de livre à son âge, qu'est-ce qu'il fera quand il sera plus grand ?
- Je les vivrai ! "

" Sais-tu ce que faisait Flaubert quand Maupassant était petit ? Il l'installait devant un arbre et lui donnait deux heures pour le décrire. "

" La vitesse ne se marque pas tant, à mes yeux, par la distance parcourue en un laps de temps défini que par le pouvoir d'arrachement. "

Qu'est-ce que la littérature : Bilan 1 - pages 1 à 25

Sartre distingue deux arts : 1 - les arts qui sont des choses (poésie, peinture, musique etc) et les arts qui signifient des choses (la littérature en prose)

Durant 15 pages, Sartre analyse d'abord le premier type d'art en commençant par la peinture et la musique.Un cri de colère ne signifie pas que le personnage est en colère, C'EST la colère du personnage. La musique qu'on entend et la peinture qu'on contemple, ce sont des choses en elles-mêmes, elles ne signifient rien d'autres qu'elles-mêmes.

https://image.noelshack.com/fichiers/2019/26/3/1561561298-1200px-caspar-david-friedrich-wanderer-above-the-sea-of-fog.jpg On dit souvent que ce tableau de Friedrich signifie la mélancolie, mais selon Sartre c'est faux, car la toile n'est pas un signe, elle est l'objet. La tableau est la mélancolie. Même si c'est une mélancolie représentée, il n'empêche que c'est de la mélancolie.

Lorsqu'un homme cri, ce cri signifie sa peur, mais Le Cri de Munch EST la peur, bien que représentée par l'intermédiaire de l'artiste. Les sensations que l'on perçoit quotidiennement ont une signification, même inconsciente (le vert est rassurant, le rouge du communisme, un bruit évoquant la ville etc) mais la sensation perçu par l'artiste n'a pas de signification, c'est une chose en elle-même et l'artiste la contemple pour elle-même et la représente tel qu'elle est, tel qu'il l'a sentie.

J'ai pris mes propres exemples, mais Sartre approuverai je n'en doute pas.

Ensuite, Sartre analyse la poésie. Un mot par définition est un signe, doté d'une forme, mais qui n'est pas sa forme, ni sa sonorité : le mot signifie un objet qui est extérieur au mot lui-même. Ceci est vrai dans le langage et la prose, mais pas dans la poésie que Sartre range du côté des arts qui sont des choses.

Dans la poésie, les mots ne sont pas des instruments descriptifs, ce sont des mots-choses. C'est-à-dire que les mots des poètes ne vont pas chercher la vérité des objets signifié par les mots usuels. La poète va plutôt présenter la chose même, il ne la signifie pas, il la montre. De cette façon, les phrases du poètes deviennent la chose présentée. Les phrases se transforment en objet (émotion, animal, choses anodines etc)

Sartre ajoute que les choses-mots (les mots en tant qu'objet et non en tant que signifiant) entretiennent une relation réciproque avec les significations suivant ce schéma logique : Les choses-mots représentent les significations, et les significations représentent les choses-mots. C'est-à-dire que les poèmes sont les émotions et que les émotions sont les poèmes. (Si tant est que le poème est une émotion, il peut être aussi une valise, un animal, un désir, que sais-je encore)

Lorsque Rimbaud dit : " Quelle âme est sans défaut ? " il ne pose pas une question en vue d'une réponse, cette interrogation ne signifie pas que Rimbaud cherche à savoir quelque chose : le vers est l'interrogation et l'interrogation est le vers. Je pense qu'on pourrait le dire aussi ainsi : le vers-objet a pour objet l'interrogation, donc ce vers devient l'interrogation.

En résumé, les mots, les vers, et les poèmes SONT des choses pour les poètes, et des choses qui ne signifient rien d'autres que ce qu'elles sont. Si quelqu'un ressent de la mélancolie en lisant Baudelaire, alors le poème est la mélancolie pour celui qui le lit.

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'Qu'est-ce que la littérature ? : Bilan 2 – pages 25 à 50

Sartre aborde la question de la prose, La prose d'abord parlée, et elle se sert des mots comme des instruments, Les mots ont une fonctions représentative : ils représentent leur objet.
Contrairement au mot poétique, le mot prosaïque a une utilité ainsi qu'une valeur de vérité, il dégage une information.

Parler, c'est agir. Ce que Sartre veut dire, c'est que la parole et les mots ne sont pas neutre et engendrent des conséquences réelles. La chose nommée est dévoilée par le langage, elle devient l'objet d'un signe.

Avec le langage, on se met à comprendre le monde extérieur ainsi que l'homme lui-même : en disant la vérité sur un homme, on la lui montre et cet homme se voit lui-même tel qu'il est. Le langage a donc une capacité de transformation, puisqu'une chose non-nommée ne peut pas être comprise. La compréhension de quelque chose s'effectue par des mots, et ces mots changent donc la manière dont l'objet est perçu.
-
En dévoilant le monde, le mot met fin à l'innocence des hommes à l'égard du monde : c'est-à-dire qu'ils ne peuvent plus faire semblant de ne pas le comprendre ou de l'ignorer.

Par exemple, l'arbre n'est plus pour l'homme un amas de formes et de couleurs étrange, car il devient un " arbre " lorsqu'il est nommé par ce concept. On le perçoit suivant le concept " d'arbre " que l'on s'est forgé avec le langage, et on ne peut plus faire semblant d'ignorer la synthèse des formes et des couleurs qui composent l'arbre.

Sur le langage, on peut en tirer trois questions données par Sartre :
- As-tu quelque chose à dire ?
- Quel aspect du monde veux-tu dévoiler ?
- Pourquoi dévoiler un aspect plutôt qu'un autre ?

En résumé, le mot révèle la vérité de l'objet dans la perception que l'homme en a. (bien que cette vérité soit faillible et purement conventionnelle dans le langage usuel)

Ensuite, Sartre déroule une satire contre les journalistes et les critiques de son époque en leur reprochant d'être des puristes, et de refuser la progression du langage. Ils sacralisent les écrivains mort et refusent que les écrivains vivants s'en écartent. Or comme l'a bien dit Sartre, le langage de Racine n'est plus pertinent pour décrire le prolétariat et les trains à vapeur du 19eme siècle. " L'art n'a jamais été du côté des puristes. "

Qu'est-ce que la littérature ? Bilan 3 - page 50 à 90

On entre dans un passage qui commence à être plus compliqué et où Sartre traite la prose écrite, la littérature, l'écriture et la lecture.

" Dans la perception, l'objet se donne comme l'essentiel et le sujet comme l'inessentiel ; celui-ci recherche l'essentialité dans la création et l'obtient, mais alors c'est l'objet qui devient inessentiel. " Cela veut dire que l'homme n'est pas essentiel au monde qu'il perçoit, et même si l'artiste devient essentiel a sa création tandis qu'il n'était pas essentiel dans le monde, la création de l'artiste n'est pas en elle-même essentielle au monde.

Sartre explique ensuite que l'oeuvre d'art est relationnelle, le roman sans lecteur est un objet qui n'a pas de sens, comme l'arbre non-nommé qui n'est qu'un amas de forme incohérent avant sa synthèse conceptuelle. Par ailleurs, l'auteur ne peut pas objectiver sa propre création puisqu'il n'a pas d'intermédiaire entre lui et lui-même. De la même façon qu'en tant que sujet, il ne peut pas être son objet, son oeuvre qui est l'expression de sa subjectivité ne peut pas être prise pour objet.

L'intermédiaire, c'est les autres. Le lecteur objectivise le travail de l'écrivain, l'interprète, lui donne du sens, en fait des synthèses. La lecture est un processus de création de sens. Le livre est dévoilé dans son objectivité par la lecture qu'autrui en fait. Pour le lecteur " tout est fait et tout reste à faire " car le roman est fini par l'auteur mais le travail d'interprétation est tout entier à faire par le lecteur. Ne serait-ce que de synthétiser l'amas de mots et de phrase pour en tirer un thème général, c'est déjà objectiver le livre, et une multitude de relations sont ainsi établies par le lecteur.

L'écrivain n'écrit donc pas pour lui mais pour autrui, et Sartre dit précisément que l'écrivain fait appel à la liberté d'autrui, à la liberté qu'ont les individus d'interpréter sa création. Les outils servent la liberté, ce sont des moyens. Mais le livre REQUIERT la liberté, et il est une fin.

La beauté naturelle n'est pas guidée par un tiers créateur, la finalité naturelle est hasardeuse. Pour quelle raison le ciel est bleu ? En vue de quelle fin ? Il n'y a aucune raison absolue. La bleuté du ciel ne vise aucun but. Kant disait que la beauté naturelle qu'elle est une " finalité sans fin ". Or, les caractéristiques d'un roman ont une fin, elles visent quelque chose, un auteur lance un appel à la liberté d'interprétation et guide cette interprétation dans le cadre de sa création. Je pense qu'on pourrait parler de " finalité finie ".

Il en résulte que l'objet d'art est essentiel pour le lecteur (afin d'être interprété) et le lecteur est essentiel à l'objet d'art (pour dévoiler son objectivité). Cette relation de la perception et de l"objet n'est possible que dans la création artistique, c'est d'où vient la " transcendance " de l'art qu'on peut sentir à mon avis.

Puisque écrire en prose, c'est écrire sur un monde ou sur notre monde, l'objectivation de l'oeuvre par l'intermédiaire du lecteur qui dévoile l'oeuvre rend essentiel au monde la création de l'artiste puisqu'elle devient un objet dans le monde au même titre que l'arbre et le fleuve. Pour mieux dire, l'oeuvre dévoile nécessairement quelque chose sur le monde puisque la prose exprime, et le lecteur dévoile cette oeuvre dévoilante en l'objectivant, alors le monde ne serait pas dévoilé tel qu'il l'est sans le roman, par conséquent, le roman devient essentiel au monde tel qu'on le perçoit ; et la boucle est bouclée.

En résumé : L'écrivain écrit en dévoilant une partie du monde dans son oeuvre. Or, cette oeuvre n'est pas un objet révélée sans l'interprétation d'un lecteur. Par conséquent, le lecteur effectue un travail d’interprétation qui dévoile l'oeuvre en tant qu'objet dévoilant. De cette façon, la création artistique devient essentielle dans le monde puisqu'elle change la perception qu'on en a en dévoilant certaines choses, et le lecteur devient essentiel à l'oeuvre artistique car c'est le lecteur qui perçoit le contenu du roman en rendant objectif la création de l'auteur qui ne pouvait pas s'auto-objectiver.

Qu'est-ce que la littérature ? Bilan 5 - pages 140 à 200

Sartre poursuit son analyse historique de la littérature en traitant du 19eme siècle. Ce siècle est caractérisée par la domination bourgeoise, et la littérature s'émancipe tout-à-fait de l'aristocratie décadente. Or, la plupart des écrivains deviennent bourgeois et refusent de l'admettre en proclamant l'indépendance et la solitude totale qu'ils éprouvent. Les écrivains refusent d'être serviles aux valeurs bourgeoises, alors ils critiquent régulièrement les bourgeois, mais les bourgeois restent majoritairement les seuls lecteurs. Donc même si l'écrivain refuse cette vérité, c'est entre lui et la bourgeoisie que le rapport s'établit.

Le roman devient un moyen, une consommation du point de vu du lecteur. Pour l'écrivain, son oeuvre devient pure gratuité : " l'art pour l'art ", on écrit pour soi une oeuvre inutile, avec l'espoir d'être célèbre après sa mort.

Certains auteurs se déclassent et acceptent de rompre avec la bourgeoisie pour viser les milieux populaire comme public. A l'exception de Victor Hugo, tous ces auteurs vont échouer, et ils sont minoritaires. Les autres auteurs refusent de se déclasser et visent toujours malgré eux les bourgeois, même s'ils ne l'assument pas.

Les écrivains du 19eme veulent être inutiles " l'art pour l'art " mais ils veulent également détruire, anéantir. Les artistes visent en ce sens la " création absolue " c'est-à-dire la création d'un objet tellement inutilisable et inutile qu'il ne serait plus de ce monde, un objet d'art de pur néant. Il y a une volonté de détruire le monde humain, on prend la mort pour beauté, la rouille et la corrosion pour esthétique. On admire la ruine, tout ce qui coule, tout ce qui s'anéantit.

Sartre prend pour exemple Flaubert dont les phrases " cernent l'objet, l'attrape, l’immobilise et lui casse les reins " Flaubert tue la vie, immobilise le monde, le rend profondément déterministe, fait tomber les phrases dans le vide. On le comprend mieux aux thèmes choisis par Flaubert ne serait-ce que dans Mme Bovary : une famille nucléaire bourgeoise qui se désagrège. Les comportements des personnages sont mécaniques, fatalistes. Le mouvement dynamique de la vie disparaît.

Même Bel-Ami de Maupassant avec l'apparente ascension d'un homme ne fait que constater l'effondrement de l'ancien régime puisque le premier des roturier peut s'élever dans les hautes sphères : les castes se sont désagrégées. C'est ça qui fait le force du roman à son époque. C'est également dans ce contexte qu'on parvient au " degré zéro du personnage " chez Maupassant dont j'avais parlé avec Une vie.

En résumé, le réalisme glorifie la destruction. Ce n'est pas pour rien que Flaubert a dit qu'il voulait écrire un roman sur le néant.

Le surréalisme, c'est la négation du monde mais également de la littérature elle-même. On est sur de la négation absolue. André Breton affirme ne pas s’intéresser à tout " ce qui n'a pas pour fin l'anéantissement de l'être. " Je pense qu'on peut dire que le surréalisme détruit l'acte littéraire par des processus comme le cadavre exquis ou l'écriture automatique, c'est la création qui tue la création en quelque sorte. Par ailleurs, Sartre précise que ces auteurs se déresponsabilisaient entièrement de leurs œuvres puisqu'ils néantisent l'acte créateur. S'ils blasphèment, urinent sur Jesus comme Serrano, ils créent le scandale mais ils se retirent la faute étant donné que l'acte de création est détruit. La littérature devient abstraite.
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Sartre résume le mouvement de la littérature ainsi :
:d) 1. La littérature médiévale réfléchie la pensée chrétienne mais n'est réfléchie par aucun lecteur en dehors des écrivains catholiques. C'est une réflexion irréfléchie. (rappel : on ne peut pas s'auto-objectiver)
:d) 2. La littérature prend ensuite conscience qu'elle est de la littérature, elle n'est plus simplement une activité professionnelle. On est dans la médiation réfléchie puisque les écrivains reflètent le monde, et les lecteurs reflètent l'oeuvre car eux ne sont pas des écrivains experts dans une sphère étroite.
:d) 3. La littérature nie le monde afin de ne pas être assujettie aux valeurs de ses lecteurs, c'est-à-dire aux valeurs bourgeoises.
:d) 4. La littérature étant dans le monde, elle finit nécessairement par se nier elle-même à force de nier le monde. C'est la négation absolue.

Par conséquent, on voit bien que le type de public est déterminant pour générer un type d'oeuvre. Le public est toujours contextualisé dans l'histoire, par conséquent, l'oeuvre littéraire se produit contextualisée dans l'histoire par rapport à un public donné, car l'oeuvre réfléchit le public et le public réfléchit l'oeuvre.

Il imagine une utopie ou la littérature atteindrait la forme absolue : il s'agirait d'une société sans classe ou l'auteur réfléchirait la totalité du public et la totalité de la société se réfléchirait dans l'oeuvre. L'écrivain écrirait la totalité humaine, il y aurait une parfaite identité entre le sujet et le public. En écrivant sur la totalité humaine, l'écrivain écrirait à la fois sur la totalité de lui-même. Il faudrait que cette société sans classe ne se fige pas et qu'elle soit dans un cadre perpétuellement renouvelé, un ordre perpétuellement construit et déconstruit, afin que l'écrivain puisse dépeindre une totalité humaine qui soit dynamique et vivante dans le temps et non figée comme une abstraction éternelle, sans quoi la réflexion prendrait fin.

Qu'est-ce que la littérature ? Bilan 6 - pages 200 à 280

Passage long mais peu dense. Sartre distingue trois générations d'écrivains à son époque
:d) ceux qui ont commencé à écrire avant 1914. Suite à la négation des valeurs bourgeoises et à la tentative de néantisation des Maupassant ou des Flaubert à la fin du 19eme, de nombreux auteurs du 20eme ont tenté de renouer avec les bourgeois, en prônant le conformisme, la bonne petite vie, et une éthique normative pour agir sans se salir les doigts.

:d) La deuxième génération a principalement écrit après 1918. Il s'agit d'une part des surréalistes dont Sartre ajoute des analyses. Dans leur processus de destruction, les surréaliste détruisent d'abord l'objectivité. Puisque la destruction intégrale de l'objectivité serait trop longue, les artistes ciblent des objets particuliers. On peut prendre l'exemple des tableaux de Dali où figurent des montres molles et coulantes : l'objectivité de la montre solide est détruite. Sartre prend l'exemple de Duchamp qui rembourrait du sucre avec du marbre, et le spectateur qui portait le sucre voyait s'anéantir la légèreté habituelle du morceau de sucre.
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Ensuite, ils veulent également détruire la subjectivité : ils refusent la certitude de soi-même. Ils vont donc se sentir proches de la psychanalyse, et de toute idée incluant qu'il y a un " nous " caché, incontrôlable. Par ailleurs comme je l'avais analysé plus tôt, et Sartre le confirme, l'écriture automatique prend une grande part dans la destruction de la subjectivité créatrice.

:d) La troisième génération, c'est celle de Sartre, celle des auteurs qui ont commencer à écrire en 1940. On a de longues analyses du traumatisme de la guerre, des tortures subies par la résistance, ce qui a aboutit à une génération de l'extrême, en pleine trouble historique. C'est pour cette raison que les nouveaux auteurs écrivent au présent, des situations extrêmes, garnies de doutes, d'incertitudes, d'absurdité. On prend conscience à cet époque que l'immoralité n'est pas inoffensive, et que l'homme est profondément impliqué dans l'histoire.

Qu'est-ce que la littérature ? Bilan 7 - pages 280 à 360.

Dans ce dernier passage, Sartre évoque les changements de la littérature dans la troisième génération évoquée plus haut. Il explique que la littérature ne doit plus être descriptive, ni explicative, mais doit être une littérature de l'action. Après la guerre, tout est à reconstruire, le temps de la destruction est terminé. Il faut agir, reconstruire.

Il évoque une forme de " littérature totale " qui pourrait voir peut être le jour, et qui serait la synthèse de la construction et de la négation.

La littérature est en train de s’industrialiser pour la première fois. Cela génère de plus nombreux lecteurs via les médias de masses, mais le public disparaît. En 1947, on est en crise de public, c'est-à-dire qu'on ne peut plus viser un secteur de gens bien particulier et bien fidèle. Les lecteurs nous lisent par hasard, sans qu'on les aient ciblés.

Sartre explique que les écrivains post-guerre écrivent contre les communistes et contre la bourgeoisie, de sorte qu'ils écrivent contre tout le monde, d'où l'absence de public.
Il donne ensuite trois conseils aux écrivains :
1. Recenser le public virtuel, c'est-à-dire les catégories socio-professionnelles qui ne lisent pas un tel auteur mais qui pourrait le faire. Le paysan ne lit pas, le communiste ne lit que de la propagande communiste, alors ni l'un ni l'autre n'est un public virtuel, par exemple.

2. Approcher le public virtuel quitte à commencer par des œuvres de mauvaises qualités pour ensuite élever ses lecteurs, et se rendre indispensable à eux en créant le besoin d'être lu. Cela peut passer par la conquête des médias de masse.

3. Rendre la volonté du public historique, transformer la liberté purement formelle en volonté revendicatrice, concrète. Unifier un public et le faire marcher pour la liberté humaine, pour la liberté dans notre société. Puisque les deux alternatives en 1947 sont le communisme de l'URSS ou l’ultra-capitalisme des USA, Sartre estime que la liberté ne se trouve pas dans la dépendance à l'une des deux grandes puissance. Il espère une alternative démocrate socialiste dans une Europe unifiée.
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Il estime qu'on ne peut pas faire de la littérature pure en 1947 et qu'elle doit être engagée, car autrement on prend pour public les bourgeois capitalistes qui aspirent à la domination américaine sur l'Europe.

Il développe également des paragraphe sur le travail a effectuer sur le mot, car le langage a vieilli à son époque. Dans le langage courant par exemple, le mot révolution ne renvoi qu'à 1789.
Il faut également dénoncer les situations où la liberté humaine est opprimée, car même si on le sait, il faut le dire pour que cette situation soit réfléchie dans nos conscience.

Pour Sartre, l'homme a acquit une conscience d'être impliqué dans l'histoire, alors il est tant d'écrire et d'inventer l'histoire. " L'Europe socialiste n'est pas à choisir puisqu'elle n'existe pas, elle est à faire. ". Il pense que l'europe socialiste est le seul moyen de conserver la liberté dans la littérature car chez les soviet les livres seraient propagandistes ou censurés tandis que dans l'ultra-capitalisme ils seraient du pur divertissement ou oubliés.

Il achève son traité avec une très jolie phrase pour répondre à ceux qui diraient que la littérature dans tous les cas est inutile et n'a pas d'importance : " Le monde peut se passer de la littérature. Mais il peut se passer de l’homme encore mieux. "

Les mains sales

Pièce de théâtre d'un niveau exceptionnel, c'est le chef d'oeuvre littéraire de Sartre. On a trois personnages intéressants :
:d) Hugo, le jeune intellectuel révolutionnaire communiste idéaliste
:d) La femme inculte et conservatrice de base, femme d'Hugo
:d) Le vieil utilitariste à la tête du parti révolutionnaire

Le parti envoie Hugo l’intellectuel assassiner le chef du parti puisqu'il veut s'allier au futur gouvernement lorsque l'URSS aura libéré la france. Hugo accepte de se faire passer pour son nouveau secrétaire, mais il tarde trop, et s'attache au chef du parti qui est un homme serviable et huit jours s'écoulent. Durant ces huit jours, Hugo attend l'occasion d'assassiner le chef du parti, il discute avec sa femme, les gardes du corps, et le lien devient trop fort.

Les membres du parti commettent un attentat manqué et laissent à Hugo 24 heures pour réaliser son travail. Il s'en suit deux dialogues absolument talentueux : le dialogue entre Hugo et sa femme qui pour la première fois cesse de faire la niaise. Hugo demande à sa femme : vaut-il mieux commettre un meurtre ou se faire assassiner par le parti ? Sa femme dit que ce n'est pas normal de commettre un meurtre car un homme a des idées différentes, et elle lui propose de débattre avec le chef du parti pour lui prouver qu'il a tort. Hugo se moque d'elle car elle est déconnectée des trames qui se déroulent, mais elle répond aux raillerie en disant qu'elle est née pour être une bonne femme, pas pour s'impliquer dans le monde, elle se dit innocente de tout.

Par hasard, le fameux débat entre le chef de parti et Hugo va avoir lieu juste ensuite. Hugo produit un discours idéaliste, prônant la pureté de l'idée, des valeurs qu'il porte. Il estime que le pouvoir doit se prendre par la force et non en participant à la politique en s'alliant aux ennemis.

Le chef du parti prouve la nécessité de s'allier aux ennemis politiques. Il remarque la naïveté et l'idéalisme de Hugo : il lui dit que pour lui, le parti n'est qu'un moyen dont on se sert pour arriver à une fin, tandis que pour Hugo le parti est un fin en soi. Le chef du parti assume mentir et manipuler des partisans si cela peut lui permettre d'atteindre le pouvoir afin de participer à la création d'une société sans classe. Hugo lui, voudrait que tout le monde soit pur et que l'objectif soit atteint avec des moyens conformes aux idéaux révolutionnaires.

Finalement, on remarque que la femme de Hugo est la négation absolue de l'action et de la responsabilité qu'elle implique. Elle refuse de s'impliquer dans le choix, dans l'action, et pense se décharger ainsi du poids de tout ce qui arrive car ce n'est jamais de sa faute.

Hugo qui prônait l'action en acceptant ses responsabilités manque l'action véritable. En commettant un meurtre, il s'imaginait dans l'action brute, mais nous remarquons qu'il refuse d'impliquer ses idées. Quoi qu'il fasse, il le fera pour honorer ses valeurs " pures " qu'il ne trahit jamais. Il est prêt à se salir les mains tant que l'acte ne salit pas ses idéaux.

Seul le chef du parti assume dans la totalité les responsabilités de ses actes. Il engendre des meurtres si nécessaire, trahit les idéaux si cela est efficace pour parvenir à la fin visée par tous dans l'oeuvre : la société sans classe. Il est souillé dans les mains et dans l'esprit, et l'assume tout à fait, car il a estimé délibérément que c'était le mieux à faire. Il est parfaitement prêt à répondre de ses actes.

Hugo tue le chef du parti par hasard, car il a surprit sa femme qui l'embrassait. Même ce fameux meurtre, Hugo ne l'a commit que par concours de circonstance, il ne l'a pas fait car c'était son devoir mais par passion affective : le motif est manqué.

Extraits :

" Karsky : J'ai rencontré votre père la semaine dernière. Est-ce que ça vous intéresse encore d'avoir de ses nouvelles ?
Hugo : Non.
Karsky : Il est fort probable que vous porterez la responsabilité de sa mort.
Hugo : Il est à peu près certain qu'il porte la responsabilité de ma vie. Nous sommes quittes. "

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" Comme tu tiens à ta pureté, mon petit gars ! Comme tu as peur de te salir les mains. Eh bien reste pur ! A quoi cela servirait-il et pourquoi viens-tu parmi nous ? L pureté, c'est une idée de fakir et de moine. Vous autres les intellectuels, les anarchistes bourgeois, vous en tirez prétexte pour ne rien faire. Ne rien faire, rester immobile, serrer les coudes contre le corps, porter des gants. Moi j'ai les mains sales jusqu'aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le sang. "

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Jessica : C'est beau un homme qui est seul !
Hoederer : Si beau qu'on a tout de suite envie de lui tenir compagnie. Et du coup il cesse d'être seul : le monde est mal fait.

Questions de Méthodes - Sartre, chapitre 1

Les questions de méthodes introduisent la critique de la raison dialectique, un des ouvrages philosophique les plus majeur du 20eme siècle.

Dans ce premier chapitre des questions de méthodes, Sartre énonce l'idée qu'il n'y a pas qu'une philosophie mais plusieurs philosophies. Ces philosophies sont vivantes lorsqu'elles sont en mouvement dans le présent et sont mortes ou momentanément en crise lorsqu'elle se figent. C'est-à-dire que lorsqu'une philosophie (ou mouvement philosophique) n'est plus capable de produire du nouveau contenu et de nouvelles pensées, elle devient désuète et n'est plus capable de décrire le monde actuel.

Une philosophie s'incorpore au monde dans lequel elle est en mouvement.Une société a vécu le platonisme, une autre le cartésianisme et le platonisme était mort lorsque le cartésianisme était en plein mouvement. Une philosophie est donc vivante dans une époque, elle est est indépassable tant que l'époque n'a pas été dépassée.

On comprend que le mouvement de la philosophie, c'est le mouvement de l'histoire, et lorsque les hommes créent leur histoire, ils créent également leur philosophie. De cette façon, une philosophie totalise le savoir de son époque, se développe avec son époque et les individus vivent la philosophie. Le marxisme par exemple décrivait le matérialisme historique et la lutte des classes, au même moment, le prolétariat prend conscience de sa classe et de son historicité et réclame des droits. Le prolétariat vivait le marxisme, et la bourgeoisie également puisqu'elle a été confronté aux grèves, à la crainte du communisme et et aux luttes.

Les penseurs qui après les faits, après une époque, commentent les philosophies passées, Sartre les nomme des idéologues et non des philosophes, car le philosophe se préoccupe de la pensée vivante.

Ensuite, Sartre fait de l'histoire de la philosophie moderne. La philosophie la plus totalisante est celle de Hegel qui a produit un système gigantesque pour décrire la totalité des connaissances de son époque. En réaction à ce système, Kierkegaard oppose la subjectivité absolue, c'est-à-dire la caractère unique et inconnaissable des vies qui sont vécues et non pensées, et il nomme cette vie vécue l'existence.

Marx admet que Hegel ne comprend pas la vie vécue, il admet que la vie vécue est oubliée par l'idéalisme absolu qui conceptualise sans prendre en compte le caractère concret de l'existence. Cependant, il s'oppose également à la subjectivité absolue de Kierkegaard qui fait de l'existence quelque chose d'inconnaissable. Marx affirme pouvoir penser une connaissance objective et vivante sur le caractère concret de l'existence. Il érige une philosophie vivante, capable de comprendre la totalité de l'exisistant dans le mouvement d'une époque, face à Hegel qui fige l'existence humaine dans l'histoire, et face à Kierkegaard qui en refuse la connaissance.

Or, Sartre qui est marxiste constate que le marxisme est à l'arrêt, car les penseurs exclusivement marxistes comme Lukacz figent le savoir. C'est-à-dire qu'ils élaborent des concepts abstraits a priori et attendent des occasions hasardeuses de les faire appliquer dans le monde. C'est-à-dire que Marx prenait un fait particulier et l'analysait pour le comprendre comme partie d'un tout en mouvement tandis que Lukacz conceptualise un tout figé et attend un fait particulier correspondant à cette structure a priori.

C'est ainsi qu'en marge du Marxisme est crée l'existentialisme qui souhaite retrouver la pensée de l'existence vivante, historique et en mouvement que le marxisme a perdu.

Sartre décrit la philosophique comme " une totalisation qui se totalise sans cesse. " il faut comprendre que la totalisation des connaissances est toujours " en cours " car l'humanité est en continuel mouvement, elle a encore une histoire, et le savoir ne peut donc pas être figé. On totalise les connaissances à notre disposition, mais la totalisation n'est jamais définitive et se répète à chaque instant, car l'histoire de l'homme n'est pas achevée.

Questions de méthode - Sartre - Chapitre 2

Ce chapitre est une opposition de l'existentialisme au marxisme, ou du moins au marxisme tel qu'il a évolué en 1950. Il y a beaucoup de détails et de précisions historiques, je vais synthétiser le plus possible.

Sartre reproche au marxisme de fabriquer des concepts avant d'observer les faits concrets, puis de les appliquer à l'histoire. Mais cela a pour conséquence de passer sous oubli le caractère concret de l'histoire (les hommes individuels, en tant qu'existences). Le marxisme remplace des hommes ou des groupes concrets et parfaitement définis par des concepts englobant très vagues. Certains marxistes sur-interprètent l'histoire et attribuent des effets incontrôlés à des intentions qui avaient tout prévu.

Il ne faut pas s'élever de l'abstrait au concret mais au contraire du concret à l'abstrait, l'un impliquant l'autre ensuite. Par exemple, c'est à partir de l'individu que l'on dégage le groupe, et non l'inverse. Or, l'individu n'a pas de sens sans le groupe et le groupe n'a pas de sens sans l'individu.

Par exemple, Paul Valéry était un petit bourgeois, mais selon Sartre on ne peut pas comprendre l'individualité de cet homme uniquement par l'abstraction de sa classe, mais il est possible de dégager sa classe sociale à partir d'une analyse de son individualité. Le marxisme peut situé la classe de Valéry ainsi que son rôle dans l'histoire, mais l'homme qu'est Valéry se dissout dans l'analyse et dans l'abstraction puisqu'on l'analysera uniquement suivant sa classe sociale : il devient une abstraction.

Un homme vit du particulier dans l'universel, c'est-à-dire qu'il grandit dans une famille particulière, avec des contradiction particulières, une histoire particulière etc. Même si cette particularité est incluse dans du général, dans des abstraction, elle est vécue comme particulière.

Je vous livre un autre exemple de Sartre : une tribu observée avec 100 femmes pour 250 hommes. Le taux d'homosexualité était fort, les femmes étaient féroces, les hommes tendres et dévoués. La polyandrie est courante. Il faut prendre à la fois en compte les conditions matérielles d'existence objectives (rareté des femmes) ainsi que le conditionnement des comportements concrets à partir de la base objective pour totaliser le savoir de l'existence particulière.
:d) La polyandrie (structure sociale issue des conditions matérielles d'existence objective) ne contient pas en puissance des comportement concrets, ces comportements concrets se construisent en réaction à la structure, et la structure évolue face à ces réactions. Les réactions particulière et concrète à la structure construisent dialectiquement le mouvement de la structure. On a une circularité, et une implication de la structure dans l'individu et de l'individu dans la structure. De cette façon, nous n'écartons ni la structure objective et abstraite, (classe sociale, polyandrie, système social etc.) ni les existences particulières.

Sartre reproche au Marxisme de son temps deux choses :
1. Engendrer l'incertitude à l'égard des concepts crées et censés expliqués des collectifs sociaux, puisque ces concepts généraux et abstraits ne reposent sur aucune base empirique concrète, ils interprète des faits comme des preuves après avoir crée les concepts, plutôt que d'avoir tiré les concepts des faits.
2. Ils en oublient l'analyse des faits concrets, c'est-à-dire les existences concrètes des hommes qui composent les collectifs sociaux abstraits (classe sociale, structure, système social etc)

En résumé, le post-marxisme analyse les individus à partir des collectifs sociaux abstraits tandis que Sartre analyse les collectifs sociaux à partir des individus.

Questions de méthode - Sartre - Chapitre 3

Il m'est impossible de résumer l'infinie richesse de ce chapitre, mais je vais tenter d'en dégager les principales idées, si j'y parviens.

D'abord, on a l'idée que " l'homme est le produit de son produit " qui est très simple à comprendre : l'homme produit l'histoire, l'histoire produit l'homme.

L'homme individuel est un projet, orienté par les superstructures (conditions matérielles d'existences, classe sociale) mais ce projet est réalisé par la praxis particulière, car ces superstructures ne contiennent pas en elles la réalisation du projet humain, ce sont les humains qui réalisent leur projet, qui déploient leur accomplissement personnel, à l'intérieur même des superstructure. Ce projet individuel va ensuite participer à la modification des superstructures, c'est-à-dire que l'homme façonne l'histoire à son échelle.

Sartre décrit un mouvement dialectique : l'objectif (superstructure) est posé, puis il devient de l'objectif intériorisé (petite enfance). Ensuite, la praxis qui réalise le projet est un dépassement de l'objectif par le subjectif (réalité vécue) vers l'objectivité (l'homme dépasse l'objectif initial en créant une nouvelle objectivité, celle du projet accompli). C'est-à-dire que lorsque le projet d'une vie est achevé, il cesse d'être subjectif puisqu'il n'est plus vécu ou en plein mouvement, il est bien " achevé ", il a atteint sa forme objective.

Le projet de l'homme, c'est le processus par lequel il a dépasser les conditions objectives d'existences dans lesquelles il est né. Ce sont donc ces conditions d'existence qui vont déterminer l'orientation du projet, puisqu'un fils de riche de riche matérialiste dépendant de ses possessions va effectuer un processus pour ne plus être dépendant aux biens personnels, par exemple. Cependant, c'est l'expérience vécue qui " colore " le projet. C'est--à-dire que les conditions d'existences objectives, et toutes les superstructures qui environnent un homme vont être vécues particulièrement par ce dernier, c'est de son point de vue unique qu'il les vit. Par conséquent, il va employer ses propres moyens, réaliser ses propres action et réagir à sa manière face à l'objectivité, le mouvement est accompli intégralement par l'homme particulier, tout est à faire et il n'est pas déterminer à faire quoi que ce soit.

La méthode existentialiste est " progressive-régressive ". En bref, elle est progressive car elle situe l'homme particulier dans l'histoire et dans un cadre particulier, on situe un homme dans des superstructures objectives et abstraites. (petit bourgeois à telle époque, famille nucléaire classique, société capitaliste etc). Mais elle est également régressive car elle cherche à comprendre les aspects particuliers de l'objet historique, c'est-à-dire pourquoi un homme particulier ou un événement particulier sont tel qu'ils sont. L'existentialisme refuse d'expliquer les aspects particuliers par des superstructures objectives (cet homme est riche car c'est un petit bourgeois).

Il y a une analyse fascinante et parfaitement détaillée de Gustave Flaubert avec la méthode régressive-progressive, je la développerait peut-être dans un autre post.

" Le sens d'une conduite et sa valeur ne peuvent se saisir qu'en perceptive par le mouvement qui réalise les possibles en dévoilant le donné. ". C'est-à-dire qu'en analysant l'action particulière, on comprend le donné objectif, les conditions objectives d'existence. L'action est donc un mouvement pour dépasser cette condition qui nous est dévoilée par le fait que l'action est en mouvement pour la dépasser. Mais puisque les conditions objectives ne déterminent aucune action, l'homme individuel fait face à un champ des possibles, il choisit son action particulière qui ne sera qu'orienté par des conditions d'existences.

Sartre donne un exemple minimaliste : deux homme débattent, l'un deux se lève et va ouvrir la fenêtre. Par cette action, on comprend la condition objective d'existence : il faisait chaud pour cet homme. Mais le fait qu'il fasse chaud ne détermine pas l'homme qui débat à ouvrir la fenêtre. Il peut être plongé dans la conversation et ne pas faire l'action, ou il peut quitter la pièce prendre l'air. Cet homme particulier à ouvert la fenêtre car la chaleur l'orientait à le faire, mais c'est l'homme qui a ouvert la fenêtre, ce n'est pas la chaleur. L'action effectuée, la condition initiale est dépassée, et l'homme qui a ouvert la fenêtre a construit son avenir, à échelle minimaliste.

La fenêtre n'est pas une réalité passive puisqu'elle était marquée de la potentialité d'ouverture, c'est-à-dire qu'elle était un instrument potentiel pour l'homme qui voulait dépasser la condition objective initiale. L'action accomplie a donné du sens à ces instruments potentiels, et les a fait rentrer dans le processus du projet et de l'histoire.

" La conduite unifie la pièce et la pièce unifie la conduite. ". Car finalement, l'action a permit de révéler l'aspect pratique de la fenêtre pouvant servir d'instrument à l'action, et la fenêtre qui contient en elle cette praticité permet de comprendre le processus de l'homme qui a été l'ouvrir, précisément car elle contenait cette praticité. De cette façon, on unifie et les instrument, et le mouvement pour comprendre le processus dans sa totalité, le projet particulier à partir de sa particularité, on ne dissout plus la particularité dans l'objectivité abstraite.

Bon je suis partit loin avec l'exemple de la fenêtre qui n'est qu'un détail. On retiendra les idées principales :
1 : Nous ne vivons pas les conditions objectives d'existence comme des entités abstraites et déterminantes, nous les vivons de façon particulière et confuse dès la petite enfance. Le petit-bourgeois n'est pas qu'un produit de sa classe, il est une particularité qui vit dans sa classe en la percevant particulièrement dans un contexte particulier.

2 : Le projet de l'homme particulier, c'est-à-dire le dépassement de sa condition initiale au cours de sa vie, passe par le champs des possibilités instrumentales. Des instruments divers servent les actions de son projet, et il choisit ses propres instruments qui sont indéterminés a priori, tout dépendra de l'homme particulier qui réalise progressivement son projet

3 : Le projet définit l'homme particulier, et il dévoile sa condition en tentant de la dépasser.

4 : La méthode progressive-régressive et le mouvement dialectique vus plus haut

Critique de la raison dialectique - Introduction - Chapitre 1

1. D'un côté, la dialectique dogmatique tire ses fondements d'une base théorique infondée, c'est de la pure métaphysique qui manque son objet : l'homme. De l'autre côté, l’hyper-empirisme dialectique ne permet pas de dégager une unité théorique correcte mais de nombreux faits éparpillés. Sartre pense sa dialectique comme un universel a priori tirant son contenu des expériences. C'est-à-dire que le mouvement dialectique est présupposé à toutes les actions humaines, mais cette dialectique ne présuppose rien avant la réalisation du mouvement par les hommes.

2. La dialectique marxiste est dogmatique puisqu'elle présuppose du contenu a priori. De ce fait, il y a un dualisme entre l'être et la vérité puisque la vérité est établie hypothétiquement avant l'être. Cela a conduit des post-marxiste à créer une dialectique de la nature, suivant laquelle le mouvement de la dialectique est une loi applicable uniformément aux hommes à partir d'une cause transcendante. Sartre fonde l'être et la vérité, et comme l'être est en mouvement, il se déroule, la vérité est en mouvement et se déroule également. De cette façon, la vérité est ce qui est concrètement, ce qui se déroule tel que cela se déroule. On n'invente plus des présupposé métaphysiques et des causes métaphysiques et extra-humaines. La vérité sur l'homme découle de l'homme qui déroule son être en mouvement par les faits concrets.

3. L'homme fait et subit à la fois son propre mouvement dialectique : il en est la cause puisque le mouvement dialectique de l'histoire humaine est la somme des actions individuelles et collectives, mais la somme de ces actions produisent des superstructures qui conditionnent les hommes particuliers, et orientent sans déterminer leur existence.

4. La raison analytique qui détermine les hommes par des lois a priori, sans possibilité de mouvement puisque c'est du déterminisme, cette raison là ne peut pas comprendre la raison dialectique. En figeant les hommes, le penseur à isolé son esprit de son objet, il a mit sa pensée hors du monde humain et il manque de ce fait le mouvement de l'humanité ainsi que de chaque hommes individuel qui poursuit son mouvement. La dialectique de Sartre est à la fois le moteur et la résultante de l'histoire individuelle de chaque homme et de l'histoire de tous les hommes ensemble.

Critique de la raison dialectique - Introduction - Chapitre 2

Sartre distingue la totalité qui est une synthèses qui peut se retrouver dans toutes les parties qui la compose sans pour autant en être la simple somme. Il la distingue avec la totalisation, qui est un synthèse en cours. La totalisation est temporelle, et implique l'action totalisatrice (rendue intelligible par la méthode dialectique). Puisqu'elle est temporelle, elle est devenue et deviendra, elle n'est pas finie.

Dans ce second chapitre, Sartre présente l'idée d'expérience critique, qui est tout simplement une réflexion de la dialectique
sur elle-même, c'est-à-dire un retour de la pensée sur le mouvement dialectique comme méthode de compréhension afin de l'analyser et le critiquer, en en donnant les limites.

Cette expérience critique ne peut apparaître avant que la méthode soit révélée à la connaissance une première fois par Hegel et Marx, mais il faut également que le post-marxiste fasse de cette dialectique un idéalisme dogmatique afin que les penseurs puissent revenir sur la dialectique pour en faire la critique.

Il développe un point sur la culture personnelle, qui est l'acte individuel de totalisation intérieure de la connaissance objective. Ce me semble plutôt évident. Mais il rajoute que cette totalisation intérieure est déjà une participation à la culture objective puisque on totalise à notre échelle et dans notre intérieur cette culture qui se présente à nous de façon disparate.
:d) Cela amène Sartre à affirmer que l'on ne peut pas ignorer la culture pour la critiquer, on ne peut pas faire semblant de ne plus rien savoir, ni imaginer un sauvage qui découvrirait notre monde sans préconceptions. Dans ces deux cas là, c'est des expériences intellectuelles où la culture nie la culture, or la critique est une réflexion sur la culture, donc la nier est une chose vaine. En bref, on ne peut pas ignorer la dialectique pour la critiquer, il faut être plongé dedans.

L'Histoire est une totalisation, et elle repose sur les actions individuelles qui sont les parties du tout en totalisation, et chaque partie est totalisatrice. Mais Sartre veut comprendre comment les hommes intériorisent l'extérieur qui se montre disparate, et comment ils extériorisent leur intériorité.

Ensuite Sartre expose les thèses qu'il va développé au cours de son essai, mais je ne les comprends pas encore puisque les développement vont suivre. J'ai été très général dans ma synthèse et j'ai omis de nombreux détails, parfois car je ne les ai pas compris, parfois par souci de ne pas produire de trop grands pavés

Critique de la raison dialectique - Partie 1 - Chapitre 1

On entre enfin à proprement parlé dans La Critique de la raison dialectique. Ce premier chapitre créer la dialectique la plus simple et la plus immédiate de l'action humaine : le besoin.

Le besoin est la négation de ce qui manque car ceci est absent. Lorsque le besoin est satisfait, il y a une négation de la négation. La satisfaction est la négation du manque qui était la négation de la présence. Au départ, les choses inorganiques sont une multitudes de réalités disparates sans cohésion du point de vu d'un observateur supposé neutre.

Dans le besoin, il y a une totalisation de l'organique qui s'unifie dans l'action de l'assouvissement, et il y a également une totalisation de l'inorganique comme source d'assouvissement potentiel. Dans l'acte d'assouvissement (respirer, manger etc), on a un déplacement de l'organique vers l'inorganique puisque l'organique tire sa subsistance et donc son être de l'inorganique. Inversement, on a un déplacement de l'inorganique vers l'organique puisque l'inorganique fait perdurer l'être de l'organique.

Dans ce cas, l"organique devient un corps inerte car il ne fait plus qu'obéir aux lois naturelles qui régissent l'inorganique. L'inorganique devient quant à lui l'organique puisqu'il est la condition profonde de l'être de l'organique.

Le corps devenu inerte peut toutefois se servir de l'intermédiaire d'un autre corps inerte pour assouvir sa substance, ce sont les outils, les instruments. De ce fait, la pluralité de l'inorganique devient une totalité unifiée par la fin du projet de l'action de satisfaction du besoin, c'est-à-dire par la restauration de l'organisme. Cette totalité à un double contenu : la ressource et l'instrument.

L'instrument est une nouvelle totalité inerte qui fait l'intermédiaire entre la ressource et l'organique en tant qu'extériorité de l'intériorité organique. L'homme devient un travailleur. Suivant les besoins, la totalité instrumentale est continuellement détotalisée et retotalisée.

Le type de moyen est orienté par la totalité inorganique des ressources, les instruments ne seront pas les mêmes pour l’agriculture, la chasse, la pêche etc. Ces instrument vont conduire l'homme à transformer l'inorganique en dessinant le paysage (champ etc.).

L'organique qui était devenu l'inorganique (et inversement) dans l'assouvissement sans instrument se nie lui-même en transformant l'inorganique par le travail instrumental. Il y a une négation intérieure dans l'extériorité (l'instrument). Par conséquent, l'homme redevient organique car si le besoin est toujours éprouvé, le travail instrumental permet de dompter l'inorganique, et ce dépassement est une négation de l'homme qui était devenu inorganique par le besoin non médié. L'homme ne subit plus passivement les lois naturelles du besoin, il prend le contrôle de l'inorganique par le travail, perdant son inertie passive inorganique par cette prise de contrôle.

Critique de la raison dialectique - Partie 1 - Chapitre 2

Après avoir analysé le besoin et le travail individuel, Sartre va attaquer dans ce chapitre les relations binaire et ternaire entre les hommes.

La dialectique du besoin s'achevait sur le travail, où l'homme cesse d'être de l'inertie passive qui subit ses besoin comme des lois naturelles et où il commence à façonner le monde par des outils. Mais le travailleur n'est jamais seul, un travailleur implique tous les travailleurs.

Lorsqu'un homme façonne la matière, il s'extériorise dans cette matière, son travail est un projet visant une fin. Puisque c'est son projet, sa fin, cette réalité échappe à autrui, il hôte à autrui la partie du monde qu'il façonne. Chaque praxis unifie le monde, le travail est un travail de synthèse sur le monde qui est d'abord disparate pour l'homme.

Lorsque deux hommes ne sont pas entrés en communication, ils ne peuvent pas connaître la possibilité d'entrer en communication. Si un jardinier bosse d'un côté du mur et qu'un ouvrier rénove l'autre côté, ils ne peuvent pas se voir, et ignorent mutuellement la présence de l'autre. La possibilité ne se dévoile que par un tiers observateur qui voit les deux hommes qui deux communications potentielles.

Le tiers peut établir la communication, ou les deux hommes peuvent par hasard entrer en communication si l'obstacle disparaît. Dans cette communication, chaque homme reconnait le travail en projet de l'autre, car l'homme devient par son travail. Une certaine gestuelle, des vêtements et d'autres indices peuvent trahir le travail d'un homme avant qu'il le prononce, et les autres hommes le savent.

L'ouvrier porte en lui la marque sociale de l'ouvrier, et les hommes le reconnaissent sur cette base.

Le travailleur intègre les autres hommes dans sa totalisation de l'inertie par son travail, c'est-à-dire qu'autrui est unifié par le travail d'un homme. On en revient à l'idée que chaque homme constitue l'unité du monde tout en étant constitué dans l'unité du monde par les autres hommes. Il faut comprendre que nous sommes tous les moyens des autres hommes.

La fin visée par le travail est la création d'un objet matériel dans lequel le travailleur se reconnait (marchandise, outil, art etc). Dans l'art, l'artiste prend les hommes comme les objets de son travail, le cordonnier fait d'autrui le poteur de ses fabrications etc.

Lorsqu'il y a une reconnaissance mutuelle entre deux hommes, les deux hommes se savent être le moyen de l'autre et ils l'acceptent. Mais Sartre ne fait pas de l'utilitarisme : il ne dit pas qu'il faut se servir d'autrui pour atteindre ses fins, il dit qu'autrui est nécessairement un moyen dans la fin du travail, car les objets matériel nécessitent que l'homme en fasse usage : la machine exige un ouvrier, le marteau exige une main, la voiture exige le conducteur, et l'homme devient dont le moyen pour la fin du travailleur.

L'unité d'une intercommunication n'est possible que par un tiers extérieur qui unifie les deux hommes. Si on admet deux ouvrier qui bossent en équipe, ils n'ont pas conscience de leur unité car chacun d'eux à une fin distinct de l'autre, et ces deux fins sont unifiée en une fin transcendante aux deux ouvriers par le superviseur qui à une vue objective sur le travail des deux hommes. Par exemple, le travailleur 1 fabrique un pneu et sa fin visée est le pneu, il fait équipe et se synchronise avec le travailleur 2 qui vise la jante, et leur travail est coordonné par le superviseur qui lui, par l'unification des deux travaux, vise la roue.

Toutefois, il n'y a pas de dialectique relationnelle à ce stade, mais une simple multitude de rapports entre dialectiques. C'est-à-dire que chaque homme travailleur est une dialectique puisqu'il unifie par son travail la matière inerte disparate, et chaque homme dialectique intègre autrui et se fait intégré par autrui dans le processus synthétique. Mais ce sont encore plusieurs dialectiques qui se rencontrent, mais elles conservent cette multiplicité, de nombreuses dialectiques se croisent sans s'unifier.

La simple rencontre extérieure de quelques hommes dialectiques entre eux permet d'expliquer des rapports intimes / quotidien, mais cela n'explique pas l'existence des classes sociales, des nations ou des sociétés.

Critique de la raison dialectique - Partie 1 - Chapitre 3 (1)
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La rareté est la condition de possibilité de l'histoire humaine, mais elle ne suffit pas à produire l'Histoire. Sans rareté, les hommes n'auraient aucune raison de produire du changement et donc de l'histoire puisque tous les hommes vivraient dans l'abondance. Par ailleurs, on a pu étudier des sociétés sans histoire qui pourtant éprouvaient la rareté. Simplement, ces sociétés restaient figées dans cette condition de rareté. La rareté est donc nécessaire mais insuffisante.

Nous avons vu pourtant que l'homme individuel a des besoins à satisfaire, mais il vit également parmi d'autres hommes, en relation avec eux, comme on l'a vu. En consommant parmi d'autres, il dévoile les autres comme une possibilité de consommation, ce qui implique une possibilité de consommation de ses biens. Autrui devient un danger qui a la possibilité de consommer ce dont il a besoin pour survivre.
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La coexistence entre les individus est compromise par la rareté, et cela se traduit par des guerres de clans ou bien par l'existence d'un excédentaire dans une grande société, c'est-à-dire un groupe d'individus éjecté (par une violence directe qui peut aller jusqu'à l'exécution, ou par une violence indirecte ou on laisse ces gens mourir). Le paradoxe capitaliste que Sartre n'explique pas encore, c'est que la rareté subsiste dans la surproduction, on jette des objets vitaux qui ne trouvent pas de consommateurs, et pourtant un groupe d'individus éprouve ce manque de l'objet rare pour eux qui est surproduit et jeté.

A ce stade, la praxis individuelle fait apparaître l'objet matériel produit comme " autre " dans le sens où il surgit dans la rareté, donc dans la possibilité d'être volé. L'homme est d'ailleurs lui-même un risque pour les autres, puisqu'il peut dérober les objets des autres. Les hommes produisent et subissent la rareté.

L'homme devient donc un non-homme pour l'homme, c'est-à-dire que l'homme ne perçoit pas l'autre homme comme un compère de la même race, mais comme une race étrangère et hostile qui peut possiblement voler les biens crées.

Le contre-homme, c'est donc " l'autre " perçut comme une race étrangère et hostile car il peut dérober l'objet rare. Le contre-homme est le mal absolu, il est l'étranger qui vient dérober ce dont un homme a besoin pour vivre. Puisque le contre-homme est le mal, il doit être détruit, et le recours à la violence est une contre-violence puisqu'elle détruit la violence supposée.
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Naturellement, le contre-homme est un homme, et cet homme me voit comme le contre-homme, le mal violent qui dérobe l'objet rare nécessaire à la survie. L'homme qui méprise le contre-homme ne fait que mépriser l'humanité, puisque l'humanité implique des praxis individuelle, c'est-à-dire la possibilité de travailler pour s'approprier des parties du monde (et mes objets sont dans le monde).

Cette lutte primitive et violente est une réciprocité négative : on reconnait le caractère humain de l'autre, puis on nie son humanité car elle est dangereuse pour notre survie. Ensuite, on pousse la négation de l'autre jusqu'à sa destruction.

La praxis collective se construit dans la rareté, dans la possibilité qu'un autre groupe vienne dérober les biens, nous détruire en tant que contre-homme. Le collectif construit donc sa petite société comme un champ pouvant être utilisé par les autres. Ca se traduit par des défenses adaptées à la type de menace (clôture, rempart, armée etc.) car le rempart porte en lui la possibilité d'être franchit par des " autres " menaçants. L'homme autre ou le collectif autre figure indirectement comme objet dans le champ pratique constitué par un collectif, on ne façonne pas un territoire sans envisager le menace, donc la menace est présente dans l'aménagement.
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Puisque nous sommes les autres pour les autres, nous sommes tous unis par le fait d'habiter un monde où la rareté existe. Chaque homme produit et subit la rareté, donc chaque homme se fait homme ou contre-homme pour des hommes.

On se fait homme par la praxis, travail générateur d'un monde humain où surgit les ressources nécessaires à la vie, mais on se fait contre-homme pour des hommes car les ressources sont insuffisantes pour tous, donc rares.

Le travail est une négation de la rareté pour le travailleur, et plus les outils se développent, plus la rareté est niée POUR le travailleur. Le développement de l'outil peut entraîner une rareté de l'homme par rapport à l'outil : on manquera de main d'oeuvre, ou bien une rareté de l'outil par rapport à l'homme : chômage. On a enfin une rareté du produit par rapport à l'homme : surproduction. Mais dans ces raretés, on est déjà dans de grandes sociétés (puisque la rareté longuement décrite était propre aux tribus primitives et peu nombreuses).

Ensuite, Sartre débat avec Marx et Engels, je ne vais pas développer. On retiendra que le produit de travail de l'homme devient " autre " à l'égard du travailleurs car le produit implique en lui la menace du contre-homme dans un monde soumit à la rareté des objets nécessaire à la survie.

Critique de la raison dialectique - Partie 1 - Chapitre 3 (2)

Ici commence un nouveau développement de Sartre au sein du chapitre : il débute l'analyse du rapport de l'homme à la matière travaillée. Sartre pose en introduction le contexte du développement des outils de travail qui augmentent le rendement du travail, au point de faire passer la rareté de la matière première au stade de la rareté des outils, donc à la rareté du travail. Cela signifie que la rareté du travail découle du perfectionnement des outils de travail. (Puisque les outils sont plus efficace, on a besoin de moins d'hommes, et les hommes deviennent excédants)

Après avoir effectué cette transition, Sartre commence son analyse du rapport de l'homme à la matière travaillée en prenant pour exemple les anciens paysans chinois.

A partie d'une division géographique entre l'humain et l'inhumain (nature sauvage), les paysans chinois vont commencer à déboiser massivement les terres afin d'en faire des champs. Cette transformation du monde par le travail est à la fois positive puisqu'elle fait surgir au monde la fabrication humaine (champs) et négative puisqu'elle engendre l'absence (la forêt).

Or, les forêts étaient une protections contres les inondations, et les inondations se sont répétées en Chine, uniquement car les paysans ont déboisé les forêts. Par conséquent, en se créant de la richesse par le travail, ils se ruinaient simultanément en provoquant les inondations.A tour de rôles, les paysans riches devenaient pauvres et les pauvres riches selon la situation.

A ce stade, la multiplicité des actions paysannes ne participaient pas à un projet commun et consentis par tous les paysans, le déboisement était simplement conditionné par l'environnement géographique : la présence de grandes forêts. On se retrouve pas conséquent dans une unité passive d'une multiplicité de praxis produisant le même résultat sans participer à un projet commun. L'action de déboisement des Autres devient pour chaque paysan sa propre action en tant qu'Autre, c'est l'unité passive de tous les paysans, mais cela ne conduit pas à une cohésion sociale.

Ce qui est intéressant, c'est que la condition géographique conditionne les hommes à la modifier. En modifiant la géographie locale, l'homme humanise le nature. Mais la nature humanisée est une nature changée, et ce changement de la nature nécessite un changement des hommes pour s'adapter. On parvient à une dialectique entre la praxis humaine et la nature.
1. Une nature donnée suppose une certaine praxis humaine pour être exploitée (déboisement = bois + champs)
2. En étant humanisée, la nature change. (Inondations provoquées par l'absence des forêts déboisées.)
3. Le changement de la nature provoqué par la praxis humaine nécessite un changement de l'homme pour s'adapter (devenir une communauté fluviale, développer des transports maritimes, ériger des digues etc.)

Bien sûr, l'adaptation de l'homme aux changements qu'il a provoqué dans la nature impliquera de nouveaux changements dans la nature, ainsi de suite, et la dynamique est créée entre la praxis du travail humain et la nature.

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Eussoudore
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6 septembre 2019 à 22:39:51
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