[Risitas] From Human to Légume
SuppriméCHAPITRE 40
Jeudi 29/08/19 : Dans l’ambulance : « On dirait qu’il s’endort… » « Raphaël ne t’endort pas ! Parlez-lui Madame ! »
Je fixe son regard en ne cessant de lui parler, de secouer sa main. Je vois la lueur dans ses yeux disparaître petit à petit. J’élève la voix pour qu’il réagisse, j’insiste. Je comprends de suite qu’il est dans le coma, trop de CO2 dans le sang. Il respire seul sous oxygène. Il a les yeux ouverts mais je sais qu’il n’est pas là. Aucune réaction à mes pincements.
Les Urgences confirment un coma profond, ils veulent connaître ses directives anticipées. En 2017, il disait accepter la trachéotomie s’il est inconscient et voir le moment venu s’il est conscient. J’insiste sur le fait qu’il va se réveiller, je le sais, je le sens. Je dis que je lui demanderai à ce moment là ce qu’il veut ou pas.
Il est sous VNI et O2, pas d’infection aux poumons, mais le staff médical est pessimiste. Je le touche, le stimule, lui parle et la lumière dans ses yeux revient, il bouge les yeux. Il est bien là, conscient et comprend tout. Nous avons repris notre contact physique. Il s’endort, je soulève régulièrement ses paupières pour vérifier qu’il est là.
Lors du transfert dans une chambre des urgences, il est mis sous O2 mais sans ventilation. Ils lui mettront celle que j’ai apportée quand il sera installé en chambre. Je le vois alors sombrer de nouveau dans le coma. Tout le monde pense qu’il dort, sauf moi, son père comprend que j’ai raison lorsque je lui montre ce qui se passe quand je lui gratte la plante des pieds. Aucune réaction contrairement à d’habitude. Coma confirmé par le médecin qui déclare : « Il est dépendant de la Ventilation Non Invasive. » Il lui installe notre VNI branchée à l’oxygène.
Je recommence mes stimulations et il revient. Il est conscient, a bien toute sa tête, à la surprise des médecins qui passeront le voir dans la nuit. Et surtout Raphaël ne veut plus qu’on lui retire son masque, même pour aspirer la salive. C’est bien la première fois.
Je lui explique tout ce qui s’est passé, lui donne l’avis des médecins. Il faut qu’il se batte, qu’on se batte! Il a confiance en moi et en ce que je peux faire pour lui. Il a réalisé que nous sommes connectés lui et moi.
Vendredi 30/08/19 : On me fait croire qu’il peut rentrer à la maison, alors j’appelle le prestataire des VNI pour en avoir une de secours puisque désormais c’est 24/24. Le technicien me dit que la machine actuelle n’est pas faite pour ça, il en faut 2 autres plus grosses et une ordonnance pour nous les livrer. Je téléphone à la Pitié pour avoir une prescription, mais la demande de transfert chez nous ou vers la Pitié est refusée, à cause de son état il doit rester en pneumologie.
Le point est fait avec Raphaël et les médecins sur ses directives anticipées: intubation NON, trachéotomie OUI, réanimation NON, acharnement thérapeutique NON.
On organise les visites pour le lendemain, c’est là qu’il contacte Patou pour un message aux Kheys. Nous discutons de ses comas, des expériences de mort imminente…je veux savoir s’il est sorti de son corps, parti quelque part, ce qu’il a vu… rien, aucune expérience de ce type pour lui.
Une nouvelle grosse machine est livrée par notre prestataire. Une seule … J’en demande une deuxième pour remplacer la nôtre car je crains la panne, elle tourne depuis la veille au soir. Mais bon comme dit le pneumologue « on en a plein ici ».
Samedi 31/08/19 : Raphaël est souriant, il va bien mais les sangles du masque lui ont blessé le crâne. Avec l’infirmière on lui met la nouvelle machine qui a un masque prenant juste le nez et la bouche.
On nous dit que comme il va beaucoup mieux, la trachéotomie est envisagée, décision collégiale à prendre ce lundi. Ses visiteurs sont là, la famille, son et sa meilleur(e)s ami(e)s. Il y a une bonne ambiance, Raphaël est content et rigole bien.
Plus tard il me semble inquiet. A vrai dire moi aussi je le suis un peu car depuis ce matin je n’ai plus aucun flash, ni de guérison ni de mort, plus aucun pressentiment, mais je ne lui dis rien.
Lors des contrôles de l’infirmière, son taux d’oxygène est bas. On constate que la nouvelle machine n’est pas reliée à l’oxygène et personne ne sait comment brancher l’O2 dessus. On décide de changer pour la petite machine mais elle ne veut pas fonctionner. On lui remet la grosse en attendant d’en ramener une autre.
Je fixe le regard de Raphaël et je le vois sombrer. Je sais que là ce qui se passe est différent. Mes cris et mes pleurs pour le réveiller alertent tout le monde. Son père a la main posé sur sa poitrine, il me regarde et se fige, il vient de sentir le cœur de notre fils s’arrêter. On nous extirpe de la chambre. Les pleurs, les cris… ils ont tué mon bébé! Il était sans oxygène depuis des heures dans un service pneumo, une machine en panne et personne sachant bien utiliser la nouvelle…
Il est réanimé mais il est dans le coma. On nous embarque dans un bureau pour nous parler. Je claque la porte sans les écouter plus longtemps car je viens de sentir que mon fils a besoin de moi! Son père me suit juste après, il a ressenti la même chose.
Raphaël est sous VNI et O2, toujours dans le coma. Je continue comme à mes habitudes et il revient parmi nous. Il est conscient, il comprend tout. Heureusement qu’ils l’ont réanimé contrairement à ses directives.
Je lui explique ce qu’il a eu. Il essaye de me parler. Il veut à tout prix me dire quelque chose, je devine quoi et lui demande s’il est « parti » ? L’expérience de mort imminente? C’est ça ? Il bouge les lèvres, son père et moi lisons sur ses lèvres et comprenons. Il est en train de dire : « C’est vrai ». Il nous le confirme avec un oui de la tête.
Il a mal aux cotes. Le massage cardiaque a dû lui en briser une. On lui administre un antidouleur et Raphaël me dit qu’il veut mourir, c’est mieux là où il était. Le médecin vient le voir et discute avec lui, il prend acte que Raphaël veut une sédation terminale.
Son père et moi demandons à être seuls avec lui. Puis Raphaël a autour de son lit toute sa famille, son meilleur ami D et sa meilleure amie K. Nous lui faisons tous un câlin. La sédation commence. Nous échangeons des anecdotes le concernant, il sourit. Il nous fixe chacun, l’un après l’autre, avec son fameux regard qui veut dire « je t’aime ». Et il part tout doucement, en paix, entouré de ceux qu’il aimait et qui l’aimaient.
Données du topic
- Auteur
- Link-Kenedy
- Date de création
- 1 novembre 2016 à 16:13:29
- Date de suppression
- 29 août 2024 à 01:28:00
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