Le président demande à Jordan Garde de se lever, pour répondre aux questions sur les faits qui lui sont reprochés.
"Je reconnais la séquestration mais la tentative d’assassinat non."
Le président Philippe Piquet : "Comment Betty est-elle arrivée ?"
"On avait prévu tous les deux de vivre ensemble, vu comment ça se passait chez elle je voulais qu'elle vienne à la maison et que ça se passe mieux."
"Les premiers mois ça se passait bien mais je suis quelqu’un qui est très jaloux et c’est comme ça que ça a commencé. Il y a eu des engueulades fréquentes, on essayait de parler et quand on y arrivait pas on se calculait pas".
"Pourquoi la séquestrer ?"
"Je pense que c’est la jalousie l’abandon j’avais peur de me retrouver seul j’étais perturbé dans ma tête et j’étais un peu désorienté j’étais pas dans la réalité avec le cannabis que je fumais."
"C’était vraiment très compliqué entre nous, un coup elle voulait partir un coup elle voulait pas".
"Quand commence la séquestration ? Après le 13 septembre on n’a plus de trace de messages téléphoniques?"
"Je ne sais pas."
"Vous l'enfermez où ?"
"Elle est enfermée dans une chambre avec la poignée, enlevée et après elle a été enfermée dans un placard."
"Qui enlève la poignée ?"
L'accusé : "Il se prononcera lui-même s’il assume les actes".
"Si c’est pas vous c’est votre frère. Il le fait pourquoi ?"
"Pour éviter qu’elle sorte de la chambre, elle était crade, elle se lavait pas, elle sentait la pisse ça l’énervait."
"Le placard, c'est quand ?"
"Je sais pas ça s’est enchaîné très vite".
"Qui a fourni la chaîne et le cadenas ?" "Mon frère".
"Dans ce placard il y a quoi il est totalement vide ?" "Oui."
"Quelle hauteur ?" Je sais pas mais il était petit".
"Vous la laissez sortir faire ses besoins, vous lui donnez à manger ou à boire ?"
"Non."
"Vous faites ça pourquoi ?"
L'accusé est debout, tête baissée, prostré, la tête dans les mains. Parce qu'elle n'avait plus d'argent ?" "Je m’en fous de l’argent. Parce qu’elle faisait pas le ménage ?" "Non". "Les chats échappés ?"
"Vous aviez plaisir à la voir souffrir ?"
Il gémit. Le silence est terrible.
"C’est quoi la réalité ?"
"Elle était attachée dans le placard ?"
"Oui".
"Les mains."
"Qui l’attachait?"
"C’était mon frère."
"Il n’y avait pas la place pour qu’elle puisse s’allonger ?" "Oui" "Elle était en permanence debout ou accroupie".
"Vous pensiez que ça pouvait durer combien de temps ?" "Je sais pas".
"Vous l'avez frappée. Pourquoi ?"
Silence. Long silence.
"Je lui ai fait du mal je m’en veux énormément je n’arriverai pas à répondre à vos questions, je suis bloqué, je n’arrive pas à parler."
"On vous reproche que pendant qu’elle était enfermée dans ce placard vous lui avez fait manger des excréments de chat. C’est vrai ou pas vrai ? Pourquoi en arriver à de tels agissements ? O a du mal à comprendre."
Il ne répond rien. "Je l’ai séquestrée, je l’ai frappée" dit-il d'un coup.
Le président hausse le ton. "Nous allons parler de la tentative d'assassinat. Et il faut voir de quoi on parle. M. le greffier, pouvez-vous nous faire voir les photos de la cote D2?"
L'image qui apparaît sur les écrans est terrible. La jeune fille est sur le dos, dans une robe noire, les bras croisés sur la poitrine, la tête tuméfiée, à moitié écarlate, les jambes, blanches, d’une maigreur extrême. Cadavérique. On pense à une suppliciée. À un corps photographié dans un camp de concentration.
Le président : "Vous comprenez qu’on vous reproche d’avoir amené Betty dans l’état où nous l’avons vue une nuit de novembre où la température va descendre à 13 °, dans l’intention qu’elle meure en la laissant en contrebas de la route dans un endroit où elle ne pouvait être secourue. Quelle était votre intention ce soir-là ?"
Jordan Garde se retourne dans le box, offrant son dos à la cour et aux jurés, la tête enfouie dans ses bras.
Il pleure.
"Vous avez dit que vous pensiez qu’elle allait mourir ?"
"Qui a pris la décision de l’amener là ?"
"Ma mère".
"Qui prend la décision d’aller chercher votre mère ?" "Mon frère."
Qui a pris la décision de faire disparaître tous les traces ? C’est moi.
"Vous comprenez qu’on est amenés à penser que sa mort vous arrange bien. Si elle meurt, elle ne pourra pas parler. Si elle meurt c’est un cadavre anonyme qu’on aurait retrouvé et on n’aurait pas pu faire le lien avec la séquestration".
L'une des conseillères revient sur la question de l'hygiène. "Elle voulait jamais se laver, elle avait un problème au niveau de ça, mon frère lui disait d’aller prendre sa douche et elle voulait pas, le contexte était de plus en plus tendu, entre elle et mon frère, mon frère et moi."
"Les coups les plus violents c’était quand ? Il y a un traumatisme crânien sévère."
"C’était juste avant qu’elle soit enfermée. Elle était pas vraiment comme sur la photo mais elle avait des bleus ça commençait vraiment à ce voir".
"Il y a eu des moments où elle était inconsciente ?"
"J’ai pas fait attention à ça, sauf au dernier moment".
"Il y avait des moments où elle criait, où elle faisait des crises".
"Elle a réclamé à boire ou à manger ?"
"Non je sais plus trop pourquoi elle criait. Elle disait qu'elle entendait des voix dans le cagibi."
"Elle a pleuré ? Non".
"Pourquoi l’avoir sortie souillée pour votre anniversaire ?"
"Je voulais montrer que ça n’allait plus c’était invivable".
"Pourquoi l’avoir laissée déshabillée, il faisait froid et il pleuvait. Qui lui a enlevé la couverture ?"
"Je sais pas du tout mais c’est pas moi".
Me Carré
"Dans le cagibi, elle était dans le noir. Elle était accroupie, elle y passait des journées entières ?" "Oui".
Sur la dépose du corps à Vias : "Je voulais vraiment qu’elle soit sauvée".
"Pourquoi ne pas l’avoir abandonnée près d’un hôpital ?"
"Parce que j’étais pas le seul à avoir choisi ce qu’on allait faire ce jour-là. Elle était sur la banquette arrière avec moi, on a été deux à avoir déposé la victime sur le sol. On a fait deux trois pas on l’a posée direct."
Me Benjamin Jégou, l'un de ses avocats, interroge à son tour Jordan Garde.
"Comment c'est possible d’avoir un projet de vie sans l’avoir rencontrée ?"
"Je sais pas je me suis dit pourquoi pas ? On parlait souvent de nos passés et ça nous a beaucoup rapprochés et mis en confiance, je me suis retrouvé en elle".
"Il a même été envisagé de faire venir sa petite fille ?"
"Oui on a essayé de voir sur internet pour trouver un numéro d'éducateur pour que Betty ait pu parler de sa situation."
"Après je réfléchissais pas vraiment à ce que je faisais, je laissais parler mon coeur, je me suis vraiment vu faire ma vie avec elle, j’ai jamais pensé que ça puisse dégénérer comme ça. Ca va durer trois ou quatre mois."
"Un mois après son arrivée, le 21 août 2019 la mère de Betty revoit un sms où elle explique que vous refusez qu’elle parte ?"
"C’est possible. Parce que je la calculais plus elle croyait que je l’aimais pas elle a essayé de me faire réagir. Elle était pas enfermée".
"Je l’ai engueulée et j’ai mis au courant ma mère, qui est venue directement le soir en parler avec elle."
"Les violences, c’était quoi ?"
"Des claques. Que des claques."
"C’est vous le premier ?" "Oui".
"D’autres violences ?" "Des coups de pied et de poing. C’était mon frère." "Vous étiez témoin ?" "Oui j’étais à coté." "Il y en a eu d'autres ?" "Oui ça a été répétitif".
"Le placard on l’a ouvert deux ou trois fois pour voir si elle était encore là. On lui a donné un peu d’eau et de nourriture."
"Le 1er novembre elle est contre le bord du placard elle respirait presque plus elle avait pas les yeux ouverts je sentais son pouls qui était très faible Je l’ai mis sur une chaise pour moi c’était comme si elle était morte il fallait qu’on fasse quelque chose."
"Je suis allé le chercher en courant lui dire il y a un problème."
"On a dit si on va à l h'ôpital on va se faire griller tous."
"On l'a habillée avec le premier habit qu’on a trouvé sous la main, je crois que c'était une robe à ma mère."
"Elle n’avait plus de vêtements ?" "Non, tous ses vêtements étaient morts à cause des excréments d’animaux."
