Jamais lu Houellebecq. Je ne perds pas mon temps à lire des livres, je préfère me déguiser en cadre respectable, pour être accepté par eux. Il suffit pour cela que je m’achète un costume, une cravate et une chemise – le tout, 120 euros chez Celio en période de soldes. Il suffit en réalité pratiquement que j’apprenne à faire un nœud de cravate. Il y a, c’est vrai, le problème de la voiture – c’est au fond la seule difficulté dans la vie du cadre moyen ; mais on peut y arriver, on prend un crédit, on travaille quelques années et on y arrive. À l’opposé, il ne me servirait à rien de me déguiser en marginal : je ne suis ni assez jeune, ni assez beau, ni assez cool. Je perds mes cheveux, j’ai tendance à grossir ; et plus je vieillis plus je deviens angoissé et sensible, plus les signes de rejet et de mépris me font souffrir. En un mot je ne suis pas assez naturel, c’est à-dire pas assez animal – et il s’agit là d’une tare irrémédiable : quoi que je dise, quoi que je fasse, quoi que j’achète, je ne parviendrai jamais à surmonter ce handicap, car il a toute la violence d’un handicap naturel.