Bonsoir,
Chier est un art, et il m'attriste de constater que bien peu de mes semblables le maîtrise comme il se devrait.
Souvent je me rends dans des toilettes publics puis je m'enferme dans une cabine, plusieurs heures durant. Je me concentre pour deviner à quoi ressemblent les personnes qui pénètrent dans les cabines adjacentes, puis j'ouvre les oreilles attentivement et religieusement. À chaque fois que je réitère ce rituel, le désarroi s'empare irrémédiablement de mon être, car il est évident que bien trop peu de gens savourent ce moment tel qu'il le mériterait : je n'entends aucun cri, ni même le moindre murmure, aucun râle de satisfaction s'échapper de la gorge des créatures de Dieu à qui le don de chier a été confié. Imagine-t-on un forgeron rester bouche cousue en martelant son œuvre ? Un chanteur d'opéra ne pas faire trembler sa gorge de vibrations voluptueuses ? Un cavalier retenir les coups de sabots de son destrier galop ? Quand la femme met bas, c'est avec bonheur et délice qu'elle entend sa créature vociférer.
Mais, diable ! il faut crier, hurler, GUEULER quand on chie, car sinon à quoi vaut la vie ? Rendre à la terre ce qu'elle nous a donné est un acte d'amour, et comme tel, il doit se faire dans le bruit et la fureur.
Aussi, mes amis, mes frères, je vous le demande, je vous en conjure : GUEULER EN CHIANT !