Dans la même maison de retraite que « Le flatulât gériatrique », haut lieu d’expérimentations corporelles séniles, ils ont instauré un rituel hebdomadaire encore plus audacieux que l’atelier pet : le défi du défécât flatulique. Tous les jeudis, à 14 heures précises, les résidents les plus téméraires se rassemblent dans une salle carrelée au sol légèrement incliné, équipée de petits trônes en plastique adaptés à leur morphologie déclinante.
Le but ? Allier l’art subtil du lâcher gazeux à celui, bien plus exigeant, de l’expulsion solide. Roger, 92 ans, figure de proue incontestée de cette discipline, s’installe en position stratégique. Son visage se crispe, un mélange de concentration et d’effort héroïque. L’air devient électrique. D’un premier souffle intestinal sonore, il prépare le terrain. Ensuite, d’un grondement venu des tréfonds de son tube digestif, il amorce ce que tous appellent “le double effet vintage” : une synchronisation quasi-parfaite entre l’explosion gazeuse et l’arrivée lente mais triomphale d’un excrément aux contours imprévisibles.
Ce jeudi-là, pourtant, Roger dépasse les attentes. Sa performance est monumentale. Le bruit de ses entrailles, comparable à un orage lointain, s’accompagne d’une boule fécale fossilisée, reliquat de décennies de déséquilibres alimentaires. Lorsqu’elle heurte le carrelage, un éclat brunâtre se répand, provoquant des hurlements mêlés d’admiration et de dégoût.
Madeleine, 89 ans, applaudissant du bout de ses mains tremblantes, résume l’instant mieux que quiconque :
« C’est beau, c’est puissant, et ça sent les souvenirs. »