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Une journée de plus pour Nordahl Lelandais, bon vivant

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Le rêve est analeptique, réitératif. C'est une vie chimérique, un demiurge omnipotent maître de l'éternel retour et de tous les fantômes qui s'y sont inféodés.
La rupture solaire se révélant d'abord sur le petit cône drapé n'est pourtant pas trop agressive pour Nordahl Lelandais, qui se réveille une fois de plus avec le sentiment tout militaire du devoir fait.
Il n'en reste que des traces, mais le stimuli des exactions l'incitent à se lever promptement. C'est le premier caca de la journée, et le meilleur. L'efficacité de son transit est assurée par un apport en fibre quotidien optimal. Le premier plouf déjà sonne le glas d'une libération, d'une plénitude fluide et aérienne. Le soleil zebré prospère et les premières caresses du renouveau printanier parviennent à traverser la vitre. Le toucher ardent chatouille tièdement la peau de Nordahl, en hérissant les poils, en nourrissant le corps. Nordahl est décidément bien vivant, Maëlys, quant à elle, est morte.

Avant d'être dédié et objectivé, le petit déjeuner, trop souvent oublié par les bonnes gens à la pulsion de vie entravée, est d'abord chez le nouvellement papa un moment, un épisode d'intensité, d'évanescence prolongée. Il accueille aujourd'hui une nouvelle maîtresse, un nouveau réceptacle de son essence vitale. Nordahl n'a pas seulement pris la vie de Maëlys, il l'a inversée, recréée, à son image.

Viens le déjeuner, que la prison d'Ensisheim se fait un point d'honneur de servir, tous les jours et à la même heure, à d'abstraits (mais passionnément étudiés) humains affamés. Nordahl est de ceux-là, tourné vers le positif, dans la volonté potente d'accumulation énergétique. C'est dans cette même veine qu'il accueille chaque bouchée. Sa mastication, cyclique, réitérée, laisse la place à des déglutitions d'abord inspirées puis satisfaites : Nordahl se régale, chaque bouchée en attirant une autre pour mieux calibrer ce sentiment de complétude sapide, que les morts (comme Maëlys) et les dépressifs ne connaissent pas.

Nordahl sourit : il est repu, bien nourri, et la perspective d'une marche digestive s'ouvre à lui. L'aveuglant immaculé bientôt disparaît, tout désormais s'éclaire. Soudain il s’arrête : il y a un point à sa promenade comme à une phrase que l’on a finie. Le parcours est tracé, mais n'est-ce pas dans la borne que le sublime transgresse tragiquement ? Ce ne serait pas un crime si la loi n'existait pas ; par ailleurs, on ne le connaissait pas avant qu'elle ne l'invente pour l'interdire, c'est donc bien elle la coupable. Ces litanies de l'esprit s'achèveront brillamment dans des lignes dont les plus audacieuses auront l'honneur de s'imprégner, pour mieux accompagner leur extase. Nordahl prend, mais également rend - démiurge - à son image. La puissance veut d'abord posséder, la destruction n'est que collatérale.

De retour en ((cellule)), un café bien revigorant accompagne la diligence avec laquelle Nordahl répond à ses très nombreuses admiratrices tout en luttant contre les conséquences du déjeuner, jusqu'à ce qu'un nouveau plouf sonore scelle le fructueux labeur digestif de la journée. "On se croirait à l'usine, tah, sah" a-t-il pu glisser à son gardien-confident qui l'emmènera bientôt vers l'intimité d'une chambre nuptiale toute réservée pour l'arrivée du nouvel esprit libre et autonome, dont la possession charnelle ne sera finalement que symbolique. Nordahl fera l'amour, donnera peut-être encore la vie. Maëlys est morte.

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Foromeur121
Date de création
11 novembre 2024 à 17:49:37
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