On en parle de cette prophétesse ?
Yourcenar était une écrivaine féministe mais n’était ni militante dans le sens conventionnel du terme, ni adepte des cercles d’entre-soi féministes.
À son époque, elle rejette la ségrégation des sexes, jugeant stérile la création d’espaces exclusivement féminins. Elle perçoit dans ces initiatives un risque de ghettoïsation, un enfermement qui pourrait, paradoxalement, conforter les structures patriarcales qu’elles cherchent à démanteler.
Elle se méfiait des discours binaires qui opposent systématiquement hommes et femmes, appelant plutôt à une fraternité universelle, une union des forces au-delà des genres.
Yourcenar prophétisait déjà les prémices d’une réaction conservatrice à cette polarisation croissante. Elle dénonce la récupération mercantile du féminisme, illustrée par les magazines qui, tout en vilipendant le patriarcat, promeuvent en parallèle l'objectification des corps féminins par la publicité.
Ce paradoxe, elle le décode comme un symptôme d’une société en perpétuelle contradiction avec ses idéaux proclamés.
Mais c’est dans sa critique des femmes aspirant à embrasser les idéaux masculins que c'est le plus intéressant.
Pour elle, celles qui ambitionnent de vivre selon les codes d’un monde dominé par le succès financier et le pouvoir nient en réalité ce qui pourrait constituer la véritable richesse de la condition féminine. En adoptant les valeurs mêmes qu’elles prétendent subvertir, elles risquent de renforcer les systèmes de domination au lieu de les déstabiliser.
Yourcenar perçoit dans cette quête effrénée d’égalité par la mimésis un glissement subtil vers un ordre plus oppressif encore.
Une fois que le féminisme moderne se transforme en quête de pouvoir selon des critères masculins, il ne fait que préparer le terrain à un retour en force du patriarcat, mais sous une forme plus insidieuse, plus autoritaire, telle que celle incarnée par l'Amérique MAGA.
Jeu set et match la sélection est naturelle.
