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"Ben ouais, j’ai baisé ma vie c’est la vérité (…). Dis-toi, ça a fait sept morts, même moi je suis choqué frérot ! » L’adolescent qui s’exprime s’appelle Rudy (le prénom a été changé)"
"À son ami, il adresse une série de messages vocaux sur Snapchat. Il se dit dévoré par les regrets : « J’arrive pas à manger, j’arrive pas à dormir. Essaye de prier pour moi le sang, Wallah »
Sacré Rudy
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« On est morts, les petits ont fait n’importe quoi » : sur les traces des adolescents de l’incendie meurtrier à Nice
Par Jérémie Pham-Lê et Ronan Folgoas Le 3 novembre 2024 à 06h00, modifié le 4 novembre 2024 à 08h36
12 - 16 minutes
« Ben ouais, j’ai baisé ma vie c’est la vérité (…). Dis-toi, ça a fait sept morts, même moi je suis choqué frérot ! » L’adolescent qui s’exprime s’appelle Rudy (le prénom a été changé). Il a 17 ans. Ce 29 juillet 2024, il est en cavale, recherché par toutes les polices françaises pour son implication dans l’effroyable incendie criminel qui a ravagé onze jours plus tôt un immeuble, rue de la Santoline, à Nice (Alpes-Maritimes).
À son ami, il adresse une série de messages vocaux sur Snapchat. Il se dit dévoré par les regrets : « J’arrive pas à manger, j’arrive pas à dormir. Essaye de prier pour moi le sang, Wallah », se lamente-t-il. Ce qui ne l’empêche pas, durant sa fuite, de se filmer insouciant en train d’essayer des vêtements ou de flirter avec une jeune fille rencontrée en Espagne. Le 30 juillet, Rudy a fini par être interpellé dans un bus au péage du Perthus (Pyrénées-Orientales), à la frontière franco-espagnole. Sur son bras droit, une estafilade à peine cicatrisée, stigmate du drame qui a décimé une famille innocente et a profondément indigné la France.
Un trio de « Parisiens » hameçonné sur les réseaux sociaux et logé dans un Airbnb
Trois mois après l’incendie meurtrier, quatre suspects sont mis en examen et écroués pour « destruction volontaire par incendie ayant entraîné la mort et en bande organisée ». Un crime passible de la prison à perpétuité. Les investigations de la police judiciaire de Nice ont révélé l’existence d’une organisation criminelle composée d’adolescents de la région parisienne, hameçonnés sur les réseaux sociaux, ainsi que de multiples recruteurs et commanditaires planqués en prison ou à l’étranger.
À l’évidence, l’incendie était une opération commando visant à intimider, ou tuer à son domicile, une cible dans le milieu du narcotrafic niçois. Une mission sous-traitée à travers la France, révélatrice de l’ubérisation de la criminalité organisée. Mais en raison de l’amateurisme des exécutants, elle n’a fait que des victimes collatérales. Sept membres d’une famille recomposée, sans lien avec le trafic de drogue, piégés dans leur HLM, ont péri dans les flammes ou en se défenestrant.
VidéoAprès l’incendie mortel de Nice, le quartier des Moulins sous le choc
En cet été 2024, Rudy cherche à se faire de l’argent comme vendeur de stupéfiants. Originaire de la Seine-Saint-Denis, cet adolescent aux cheveux décolorés blonds est visé par une interdiction de sortie la nuit, depuis son placement sous contrôle judiciaire pour un refus d’obtempérer à Bagnolet. Il avait alors blessé un policier. À l’en croire, tout bascule lorsqu’il reçoit un message, sur Snapchat, d’un homme se faisant appeler Hervé et utilisant « un émoji en forme de tête de démon rouge ».
Ce dernier a été identifié comme un puissant narcotrafiquant niçois qui recrute des petites mains en provenance d’autres régions françaises. « Il a vu que j’étais un Parisien et m’a dit : Avec moi tu vas te faire de l’argent, relate Rudy lors de sa garde à vue. Une semaine avant l’incendie, il m’a dit : Demain, il y a une mission. »
Il s’agit de « reprendre un terrain de stup », un point de transaction de drogue, dans le quartier des Moulins, à Nice. Pour cette première opération, Rudy sera épaulé par deux autres « Parisiens » qu’il ne connaît pas : Jessy, 21 ans, gabarit fluet et cheveux mi-longs frisés, et Adel, 18 ans, grand et enveloppé. Tous deux domiciliés à Argenteuil (Val-d’Oise), ils ont eux aussi été engagés par Hervé et sont descendus par appât du gain à Nice, où ils logent dans un Airbnb mis à leur disposition.
Une première opération le 12 juillet
Le 12 juillet, en matinée, Rudy, Jessy et Adel débarquent dans le quartier à conquérir. Mais les dealers locaux reviennent armés et tirent en l’air pour les chasser. La police intervient, le trio de « Parisiens » finit en garde à vue avant d’être remis en liberté. L’opération est un lamentable échec. Hervé refuse de rémunérer ses trois sbires. Mais il leur propose une nouvelle mission pour se rattraper, encore plus sombre que la première : « Mettre le feu aux Moulins ». La somme promise semble dérisoire : 700 euros par personne.
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Rudy raconte que le commanditaire lui adresse un vocal sur Snapchat avec des précisions sur l’objectif. « L’instruction, c’était de brûler la porte 108, du 38, rue de la Santoline, se souvient l’adolescent. Il disait que tout était déjà prêt. Il m’a dit dans le vocal qu’il ne voulait pas brûler de base mais qu’il n’avait pas le choix (…). Il m’a dit, vous (non plus) n’avez pas le choix, vous avez déjà tout perdu. » Hervé répartit les rôles. « Il avait besoin de quelqu’un qui savait mettre le feu, quelqu’un pour filmer et quelqu’un pour aider à faire tout ça », détaille Rudy.
Un rendez-vous nocturne lui est fixé ainsi qu’à Jessy et Adel au Five Palm, un bar à chicha de Cagnes-sur-Mer. Là, deux chauffeurs doivent les récupérer et les conduire jusqu’à l’immeuble ciblé, en lisière de l’aéroport de Nice. Il s’agit de deux jeunes de la région, vivant au Cannet : Youssef, 25 ans, et Eden, 23 ans. Ils ont été engagés par un autre recruteur, un complice d’Hervé qui opère depuis… la prison.
Ce funeste 18 juillet, le rendez-vous a été donné aux trois complices au bar à chicha le Five Palm, à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes).
Ce funeste 18 juillet, le rendez-vous a été donné aux trois complices au bar à chicha le Five Palm, à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes). DR
Se faisant appeler Microbe, ce dernier est incarcéré à la maison d’arrêt de Strasbourg depuis sa mise en examen pour le meurtre d’un jeune de 22 ans en Seine-et-Marne, tué froidement d’une balle dans la tête. « [Microbe] m’a appelé par Snap, raconte Eden en garde à vue. Je savais qu’il était en prison car on le voit sur ses storys, il se filme en prison. Il m’a dit : Est-ce que tu peux déposer trois jeunes aux Moulins ? J’ai répondu : Oui, mais ils vont faire quoi ? Il m’a dit qu’ils allaient mettre le feu à la cité, sans autre précision. »
Deux bouteilles d’Oasis remplies d’essence
Peu avant 2 heures du matin, cette nuit fatidique du 18 juillet, Eden et Youssef roulent à bord d’une Clio jusque devant ce bar à chicha en bordure de mer. Ils se souviennent d’avoir vu apparaître les trois « Parisiens » : « deux Blacks » et « un Maghrébin », dont deux dissimulent leur visage avec un masque chirurgical. Le troisième a relevé la capuche de sa veste sur la tête. Rudy, Jessy et Adel montent à l’arrière du véhicule sans dire un mot. Sur le trajet jusqu’à Nice, Microbe appelle via Snapchat pour savoir si « tout est carré ». Confirmation de l’un des passagers.
Quinze minutes plus tard, le commando de cinq jeunes hommes se gare devant le 38, rue de la Santoline, un grand bâtiment circulaire blanc de sept étages, géré par un bailleur social. Les « Parisiens » descendent de la voiture, munis de gants en latex et de deux bouteilles d’Oasis de 1,5 litre, remplies d’essence, pendant que les deux convoyeurs locaux restent dans la Clio. Ils sonnent à l’appartement 108, au nom d’une mère vivant seule avec huit enfants. Pas de réponse.
Ils tentent alors de pénétrer dans le hall de l’immeuble mais la porte est verrouillée et résiste à leurs coups de pied. Rudy se saisit d’un gros caillou. « Au bout du troisième coup, ça pète », explique le mineur. Peu prudents, les trois adolescents sont filmés durant cette séquence par les caméras de surveillance de la ville.
« J’ai fait le boulot, le reste, je sais pas »
Sur les indications d’Hervé, le trio grimpe jusqu’à l’appartement ciblé, au deuxième étage. Une première bouteille d’hydrocarbure est déversée sur le palier. À travers le judas, un voisin observe la scène. « C’était dans le noir, j’ai vu trois silhouettes, témoigne-t-il devant les policiers. Ils avaient l’air très jeunes. Ils parlaient français sans accent, j’entendais des chuchotements. Le feu a pris tout de suite. »
L’incendie se propage à une vitesse folle. Si bien que les flammes dévorent les jambes de Jessy, vêtu d’un simple bermuda. Rudy, lui, se blesse au bras en battant en retraite et saigne abondamment. Les trois incendiaires regagnent la voiture dans la panique. « Le boulot, il est fait », dit avoir entendu Eden. Le conducteur constate que le trio est dans un sale état. « Les deux Blacks criaient de douleur. Celui avec la veste Lacoste avait des cloques, des brûlures, des chevilles jusqu’en bas des cuisses. »
De retour à Cagnes-sur-Mer, le commando se disperse. Le commanditaire, Hervé, vient aux nouvelles. « J’ai fait le boulot, le reste je sais pas », rétorque Rudy, qui doit lui envoyer une photo de sa carte d’identité pour recevoir l’argent promis à lui et ses complices - 700 euros fois trois. Mais la nuit va révéler les conséquences dramatiques de leur action. Les flammes et les fumées provoquées par l’incendie se sont concentrées dans la cage d’escalier et, par un effet cheminée, se sont retrouvées bloquées au septième.
La grande famille qui vivait dans l’un des appartements de ce dernier étage a ouvert la porte, ce qui a créé un appel d’air et fourni de l’oxygène au feu. Redoublant de puissance, l’incendie s’est introduit de manière violente à l’intérieur de ce logement social de 107 m2 et a tout ravagé sur son passage.
« Je sais que je vais aller en prison. J’y pense tous les jours aux victimes »
Lorsqu’ils pénètrent dans le F 6, les sapeurs-pompiers découvrent six cadavres. Notamment celui d’un enfant calciné sur le sol du salon et dont on ne peut déterminer le sexe. Un garçon de 7 ans est aussi retrouvé recroquevillé contre le corps d’un adulte dans la cabine de douche, comme une dernière étreinte avant la mort. Deux des occupants ont sauté par la fenêtre par désespoir. Sur les neuf locataires, seuls deux ont survécu. Quatre enfants âgés de 5 à 17 ans figurent parmi les sept victimes décédées.
Les portraits des victimes, parmi lesquelles figurent quatre enfants âgés de 5 à 17 ans, ont été affichés lors d'une cérémonie d'hommage à Nice, le 27 juillet 2024.
Les portraits des victimes, parmi lesquelles figurent quatre enfants âgés de 5 à 17 ans, ont été affichés lors d'une cérémonie d'hommage à Nice, le 27 juillet 2024. AFP/Valéry Hache
Eden découvre le lendemain dans le journal local le terrible bilan humain. « On est morts, les petits ont fait n’importe quoi, quitte ton travail et rejoins-moi », écrit-il à Youssef, employé comme commis de cuisine dans un palace niçois. Mais ce dernier refuse de se mettre en cavale et préfère se rendre à la police. Il est mis en examen et incarcéré. Eden, lui, entame un périple pour gagner la Belgique. Sur le trajet, un détenu se présentant comme un voisin de cellule de Microbe le contacte pour lui donner l’ordre d’exfiltrer les trois « Parisiens » en Espagne.
Il refuse, pensant qu’il s’agit là d’un piège pour le faire tuer par l’organisation criminelle. Eden est finalement intercepté par la PJ de Nice gare du Nord, à Paris. Conduit devant le juge d’instruction à Nice pour être mis en examen, le jeune homme se lamente : « Je sais que je vais aller en prison. J’y pense tous les jours aux victimes, c’est horrible. » Sollicités, les avocats d’Eden et Youssef, Mes Marie Seguin et Chehid Selmi, n’ont pas souhaité s’exprimer.
Le troisième complice toujours introuvable
S’agissant des trois incendiaires, les enquêteurs interpellent dans un premier temps Jessy le 21 juillet, à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), où il s’est réfugié chez sa sœur. Sa garde à vue est vite interrompue : le jeune homme souffre de nausées et de douleurs liées à ses graves brûlures aux jambes. « Mon client a conscience de la gravité des faits et de ce qu’il a participé à une organisation qui le dépasse de très loin et dont il ignorait les tenants et aboutissants. Le résultat de ce qui s’est passé horrifie tout le monde et lui le premier, mais ce n’était pas son intention de départ », réagit son avocat, Me Nabil El Ouchikli.
Neuf jours plus tard, Rudy est à son tour arrêté alors qu’il rentre d’Espagne. « Je voulais me rendre pour les victimes parce que je pouvais plus supporter de vivre avec ça sur la conscience », assure-t-il au magistrat instructeur qui le met en examen. « Ce jeune homme est dévasté par la situation. Nous sommes clairement en présence d’une situation d’exploitation d’un mineur fragilisé », insiste son avocat, Me Ouadie Elhamamouchi. Quant à Adel, le troisième complice, il est introuvable. Il serait parvenu à fuir à l’étranger, au Maghreb.
Le détenu recruteur Microbe a été identifié et sa cellule à Strasbourg, à la prison de l'Elsau (ici en 2022) a fait l’objet d’une perquisition.
Le détenu recruteur Microbe a été identifié et sa cellule à Strasbourg, à la prison de l'Elsau (ici en 2022) a fait l’objet d’une perquisition. Hans Lucas/Abdesslam Mirdass
Depuis l’incarcération des exécutants, la justice tente de remonter la chaîne de commandement. Le fameux commanditaire Hervé serait hors de portée, caché au Sénégal. Quant au détenu recruteur Microbe, il a été identifié et sa cellule à Strasbourg a fait l’objet d’une perquisition dans le but de rechercher un éventuel téléphone. Sans succès.
Quant à la cible de l’opération, et le mobile, les enquêteurs disposent de pistes : plusieurs familles habitant au 38, rue Santoline ont des fils connus pour leur implication dans le trafic de drogue. Un narcotrafiquant, particulièrement connu dans le milieu niçois, avait par ailleurs déménagé quatre mois plus tôt. À moins que le but de l’action était de viser plusieurs cibles, voire de semer la terreur aveuglément. Trois départs de feu ont finalement été détectés par les experts : au premier, au deuxième et au troisième étage…
Ah oui quand même!
Ils nous ont pondu un sacré pavé!
Je te remercie
Incompréhensible l’article, c’est écrit par un segpa
Et pourquoi ne pas donner le nom, comme si les gens avaient pas compris de quelle ethnie il appartient
Le 04 novembre 2024 à 18:57:01 :
Incompréhensible l’article, c’est écrit par un segpaEt pourquoi ne pas donner le nom, comme si les gens avaient pas compris de quelle ethnie il appartient
C'est d'autant plus cocasse qu'ils surnomment l'un des protagonistes Rudy et que 2 secondes plus tard ils le citent entrain de dire Wallah
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Données du topic
- Auteur
- Thelonetraveler
- Date de création
- 4 novembre 2024 à 18:45:05
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