[Pandore] Ivan Illich et le mythe de Pandore

Tu connais l'histoire, elle est venue et il y avait deux frères, Prométhée qui regarde en avant le planificateur (le malin, le prévoyant) et Epiméthée qui regarde en arrière (le sot, le naïf)
Ces deux géants avaient reçu l'ordre divin de créer les créatures terrestres, animaux et humains

Prométhée a dit à Epiméthée "Ne la touche pas" (Pandore) mais Epiméthée est tombé amoureux de Pandore, et l'histoire dit qu'il a ouvert son amphore et Hésiode très tard raconte que tous les maux se sont échappés et Epiméthée est resté avec l'unique don qui n'a pas pu s'échapper, l'ESPOIR
Et toute la mythologie classique est dès lors orientée vers l'avenir, vers l'effort de mettre de nouveau dans une boîte que la Pandore originelle a laissé échapper, l'homme-épiméthée se développe en s'étant détourné de Pandore, concentré sur les maux et cherchant de créer un monde dans lequel nous avons des institutions -- je les appelle des asiles -- pour renfermer les différents maux qui se sont échappés

Je crois que l'histoire de Pandore est la meilleure histoire du détournement de l'homme du Delphos, de la terre, de l'interprétation des songes et des images vers l'homme qui planifie; tu sais que Delphi plus tard est devenu le centre de planification parce que toutes les cités grecques ont étés implantées là où les prêtres/oracles disaient qu'elles devaient l'être

Tout le monde venait à Delphi pour demander bon conseil auprès des planificateurs (car ils écoutent ce qui se dit dans le peuple et déterminent/prédisent le futur en se basant sur le présent)

(grand médiéviste Ivan Illich s'est tourné tant vers l'avenir en proposant des remèdes/pharmakon aux maux modernes que le passé pour comprendre le présent, sa critique du système éducatif n'est pas sans rappeler hesse, tandis qu'à sa vision des structures et institutions évoque tant kafka que foucault)

- Cette école que tu attaques ça a été une fonction principale de notre progrès culturel et social, comment peux-tu envisager une société sans école ?

- Mais avant de parler d'une société sans école qui était la société de toutes les périodes historiques et la société dans laquelle vit encore les 3/4 de l'humanité qui ne vont pas à l'école ou en sont exclus après qques années, dans ce cas ils sont dans une condition encore pire car ils ont appris à l'école qu'ils sont inférieurs à ceux qui y vont.....
il va falloir comprendre le MAL que l'école fait, dans ce but il faut distinguer clairement entre ce que l'élève ou l'instituteur personnellement font dans certaines circonstances et ce que l'école structurellement, irrémédiablement fait; qquefois un élève apprend qqchose d'un instituteur et chacun de nous se rappelle que qqfois dans sa jeunesse a eu une journée très illuminante avec un maître
mais c'est chose bien différente de ce que l'école enseigne dans le monde entier, elle enseigne à l'enfant qu'il a besoin de l'institution pour apprendre, elle enseigne à l'enfant qu'il ne peut pas apprendre ce qu'un autre a jugé comme appartenant à une classe supérieure, elle enseigne à l'enfant de se sentir classé par un bureaucrate, l'école enseigne inévitablement à l'enfant que l'enseignement que la société respectera est le produit d'une institution, établie par cette institution et par des experts qui savent comment produire cette marchandise, l'école inévitablement introjecte le capitalisme, la capitalisation du savoir, car c'est le capitaliste du savoir qui peut démontrer avec des certificats ce qu'il a accumulé intérieurement auquel la société reconnaît une valeur sociale supérieure à celui qui a des certificats d'action de niveau inférieur
L'école dès qu'elle est devenue obligatoire (et comme je t'ai dit dans la majorité des pays elle est obligatoire mais insuffisante), dans le monde entier l'école a été établie comme l'organe reproductif de la société; la Russie se reproduit moyennant la même institution qu'utilise les Etats-Unis: l'assistance cependant 1000 heures par année, dans des groupements d'âges spécifiques d'une trentaine d'enfants autour d'un professeur pour des années successives pour accumuler intérieurement le savoir
L'école est à la racine d'une spiritualisation du capitalisme et il n'y a pas de possibilité d'alternative au capitalisme tant qu'on continue de capitaliser les gens en savoir pour une réalité qui devient toujours plus complexe pour pouvoir justifier la nécessité de cette capitalisation

- En France où l'école publique a été liée à toute la lutte pour le progrès quand tu parles de déscolariser les gens se disent mais il veut nous faire retourner à l'époque du moyen-age

- Je sais !
Mais c'est tellement difficile de parler du capitalisme des biens non-tangibles et les gens souvent ne comprennent pas qu'à travers l'école et particulièrement l'école obligatoire on a transformé la croissance, l'apprendre, l'épanouissement en résultat de la consommation d'un produit d'une grande institution de type international...
... l'école, qu'on a traduit croissance personnelle en éducation qui est égale à scolarité et ça devrait être logique qu'une fois qu'on fait cette traduction et on la rend obligatoire, l'éducation, le savoir même devient une marchandise, même si elle est produite comme dans la majorité des pays d'aujourd'hui sous contrôle d'Etat par un ministère, le savoir devient rare dès le moment qu'il devient une marchandise, le vrai problème, le vrai désaxage aujourd'hui pour le socialisme c'est de se rendre compte de la nature de marchandise des traitements sociaux, des thérapies qu'on définit comme produit institutionnel car tout ce bavardage sur la pollution qui a des raisons très sérieuses d'être parce qu'on est en train de détruire la Nature mais ne font pas de sens si on ne se rend pas compte qu'on peut détruire de la même matière la convivence sociale, la texture sociale si on suit l'exemple de la Russie ou des Etats-Unis cherchant de développer le secteur tertiaire (des services) arrivant à transformer tous les besoins interpersonnels, le besoin d'être assisté quand je suis malade ou mourant, le besoin de m'ouvrir au monde et de m'illuminer sur ce qui se passe quand je suis jeune, le besoin de passer d'un endroit à l'autre (le transport) si on transforme tout ça en marchandise
Quand Marx écrivait son fameux premier chapitre, pour lui la marchandise était avant tout un morceau d'étoffe, elle était tangible, mais si tu lis avec attention c'est très clair que ce vieux monsieur voyait quand il parlait de ce qu'un jour pourrait se passer particulièrement dans ce chapitre et dans cette manière là, on pourrait avoir toujours plus de choses utiles et de personnes inutiles
Il se rendait compte que le moment pourrait arriver quand tous les services pour l'homme deviendraient des marchandises, je ne crois pas que le problème de la dégradation du monde présent, la triple dégradation du monde moderne puissent se solutionner si les politiciens et idéologues ne se rendent pas compte de la nature marchandise que nous avons donné au nom bien souvent du socialisme à tous les traitements, maintenant quand je parle de la triple dégradation du monde je pense toujours 1) l'élimination des ressources ultérieures 2) la dévaluation de la marchandise de laquelle on dépend et sommes esclaves 3) la polarisation sociale
Restons dans le cas de l'école, une fois que je traduis éducation (ou savoir) en scolarité, automatiquement il y en aura certains qui pour diverses raisons seront sélectionnés pourraient en avoir (du savoir) bcp plus que les autres et qui justifieront leur privilège économique, social, politique par le fait qu'ils ont accumulé spirituellement une marchandise non-tangible qui s'appelle le savoir