Vous y êtes, voici votre poste, convenablement numéroté, vous avez marché à travers bois, connu les roches et la glaise, l’un après l’autre, en procession, au loin, vous entendez la furie des chiens, ils font déjà le pied, ils sentent, pistent, leur flair suit bien les traces, vos sens indolents, bien sûr, d'un humain trop humain, n’en saisissent rien, vous restez calme, épaule au fusil, vous écoutez, le chant des pies, la chute des feuilles, ah, là-bas, le sol craquèle, là-haut, un talus s’agite, tout vous avive, le moindre bruit est l’aveu d’une vie, et votre ouïe la débusque, mais vous êtes au sanglier, vous, voilà bien ce qui vous intéresse, la meute s’approche, vous entendez l’aboiement singulier des chiens, celui de la traque, il signale le mouvement du gibier, vous repérez bien le chemin qui vous le conduira, ah, vous patientez, et dans cet instant-là, l’adrénaline vous monte, vous vivez ce clair-obscur d’impatience et d’appréhension, si court et délicieux, vous épaulez, fermez votre oeil, respirez, les chiens s’approchent, vous n’entendez bientôt plus que leurs aboiements, ils rabattent votre gibier, mais vous ne le voyez pas, il se dérobe encore à vous, à vos canons, vous êtes à cet instant coulé entier dans vos sens, votre viande est presque inerte, sans pensée, vous ne sentez que la pesanteur de vos pieds et le poids de votre arme, voilà, ils s’éloignent, vous baissez votre crosse, et tout s’éteint, la forêt reprend ses droits, sa musique, ses sons, se précipitent neufs et glorieux, la meute repart, la traque ne passera plus devant vous, quelle battue