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Bardella, CNews et la piste des financements occultes de la campagne du RN

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La campagne de propagande pro-Bardella conduite par les médias audiovisuels du groupe Bolloré, qui a déjà joué le marionnettiste d’élections en Afrique, pose un défi inédit aux organes de contrôle.

Quel rapport peut-il y avoir entre un scrutin présidentiel en Guinée en 2010 et les législatives de 2024 ? Entre Alpha Condé, chef d’État pendant onze ans, et Jordan Bardella, premier ministrable de 28 ans ? Entre le renouvellement d’une concession portuaire de Conakry et la privatisation de l’audiovisuel public à Paris ? A priori, aucun.

La façon dont les médias du milliardaire Vincent Bolloré, mis en cause pour la manipulation de plusieurs scrutins présidentiels en Afrique, se sont transformés, de manière assumée ces derniers jours, en agents électoraux du Rassemblement national (RN) pose des questions aussi inédites que vertigineuses aux autorités de contrôle françaises.

Depuis qu’Emmanuel Macron a convoqué de nouvelles élections, la centrifugeuse du conglomérat Bolloré, déjà pleinement à l’œuvre pendant la présidentielle 2022, s’est en effet emballée avec un objectif clair : trois semaines pour conduire l’extrême droite à la tête du pays. Cette opportunité historique a été rappelée par l’éditorialiste maison Geoffroy Lejeune dès le lendemain de l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale. Le directeur du Journal du dimanche a insisté, sur le plateau de CNews, sur cette « occasion de prendre le pouvoir, ce qui n’est pas arrivé depuis très longtemps ».

Depuis, pas une journée ne se passe sans une révélation sur l’ampleur de l’opération montée par le groupe du milliardaire breton, qui a personnellement convié Éric Ciotti à échanger au lendemain des européennes dans le but d’imaginer de concert son ralliement à Jordan Bardella, d’après Le Monde.

CNews, C8, Europe 1, Le Journal du dimanche, Pascal Praud, Christine Kelly, Cyril Hanouna… La TV, la radio, les kiosques, les réseaux sociaux… Partout, tout le temps, les organes de propagande saturent le système de l’information et entraînent les autres médias dans leur dynamique, en suivant à la lettre les recommandations de l’idéologue suprémaciste Steve Bannon, stratège de la victoire de Donald Trump en 2016.

Dans Les Jours, les journalistes Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, qui enquêtent sur la vampirisation du débat public par le milliardaire réactionnaire depuis 2016, racontent chaque développement d’une « croisade » assumée. Dernière offensive : le lancement, en urgence au moment de l’ouverture de la campagne officielle, lundi 17 juin, d’une toute nouvelle émission quotidienne, « On marche sur la tête », sur Europe 1. Exit la présentatrice Sophie Davant, les clés ont été confiées à Cyril Hanouna, chargé de continuer à porter le fer pour les candidats d’extrême droite.

« Actuellement, Cyril Hanouna reçoit Julien Odoul sur Europe 1. Avant-hier, c’était Éric Zemmour, et hier Dupont-Aignan. Le pluralisme à fond les ballons », a commenté mercredi 19 juin l’éditorialiste Jean-Michel Aphatie, sous le regard impuissant de l’Arcom, autorité chargée de réguler l’espace public audiovisuel. En France, les fréquences de radios et télévisions exploitées, qui appartiennent au domaine public, sont concédées à des opérateurs privés et censées être soumises à des obligations (dont une répartition équitable du temps de parole).

Mais, de toute évidence, le gendarme de l’audiovisuel, qui a écrit dès mercredi à la direction d’Europe 1 pour lui rappeler son obligation de « mesure » et « d’honnêteté », va se faire une nouvelle fois rouler dessus. Les amendes infligées aux médias du groupe, la dernière, en mai, était de 50 000 euros pour des propos islamophobes sur CNews, ayant de toute façon toujours été indolores pour les finances du groupe. Au lendemain de l’énième mise en garde de l’Arcom, Europe 1 lui a répondu à sa manière, en programmant ce jeudi 20 juin une interview de Marion Maréchal.

Entre février 2022 à février 2024, les sanctions de l’Arcom avaient coûté plus de 5 millions d’euros au groupe. Une goutte d’eau à l’échelle des capacités financières de Vincent Bolloré : sur la seule année 2023, C8 a enregistré des pertes nettes de 48,5 millions d’euros, d’après L’Informé. En huit ans, période durant laquelle ses revenus ont baissé de plus d’un quart, la chaîne où sévit Cyril Hanouna aura coûté 368 millions d’euros au milliardaire.

Même l’enjeu du renouvellement de l’autorisation d’émettre de C8 paraît aujourd’hui bien secondaire : les auditions menées par l’Arcom, à laquelle appartient la décision finale, doivent se tenir le 9 juillet, deux jours après la possible victoire électorale de l’extrême droite tant voulue par Vincent Bolloré.

Les questionnements liés à l’influence des médias et de leurs riches propriétaires sur les campagnes électorales n’ont rien de nouveau. « Que dire de la collusion presse-argent-politique ? », interrogeait en 1976 l’écrivain Jean-Louis Bory, en préface d’une réédition de Bel-Ami (éditions Gallimard), avant de répondre par cette sentence : « Deux Républiques ont disparu depuis Maupassant : nous sommes toujours gouvernés par des lanceurs d’affaires. »

Les présidences de Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron ont également, chacune à sa manière, renforcé la problématique. Pour autant, sous la Ve République, jamais un groupe de presse ne s’était déployé avec autant de puissance, et si peu de discrétion, au profit d’un camp. Au point de voir le rôle des médias Bolloré associé, dans un récent article du Monde, à celui d’un « véritable parti politique ». La comparaison mérite d’être creusée : le conglomérat a effectivement un projet politique et des candidats (lire aussi notre encadré). Mais, à l’inverse des partis politiques traditionnels, il n’est pas soumis à une contrainte majeure : la limitation de ses capacités financières.

En France, à la suite de lois de régulation nées en 1988 et 1995 de scandales politico-financiers, les ressources des partis ont été encadrées : les dons de particuliers sont plafonnés à 7 500 euros par personne, quand les contributions d’entreprise sont tout simplement interdites. Une commission, aux moyens certes réduits, est censée contrôler ces financements.

C’est l’esprit de cette règle, qui porte l’idéal démocratique de limiter au maximum le poids de l’argent sur la conduite des affaires publiques, que les médias du groupe Bolloré font aujourd’hui voler en éclats. Régulièrement, le milliardaire breton est comparé à Rupert Murdoch, ce magnat des médias ayant mis son argent et ses chaînes de télévision (Fox News, en tête) au service de l’élection de Donald Trump aux États-Unis. À ce détail près qu’en France, le financement des campagnes électorales est censé être régulé.

Inédite en France, l’offensive du groupe Bolloré n’a rien d’exceptionnel pour qui s’est déjà penché sur sa stratégie d’implantation en Afrique de l’Ouest. Le milliardaire breton est aujourd’hui menacé d’un procès, soupçonné d’avoir joué au marionnettiste pour faire élire deux chefs d’État au Togo et en Guinée en 2010, selon les termes du réquisitoire définitif du Parquet national financier (PNF), signé le 3 juin dernier au terme d’une longue procédure judiciaire.

Dans un article décryptant le « protocole Bolloré », Mediapart racontait dans le détail en janvier 2022 comment le groupe français avait mis au service des candidatures de Faure Gnassingbé (Togo) et Alpha Condé (Guinée) ses outils d’influence, y compris médiatiques, dans le but d’obtenir après le scrutin la gestion des infrastructures portuaires de Lomé et de Conakry.

Des années durant, Vincent Bolloré a aussi utilisé ses médias pour valoriser d’autres chefs d’État avec lesquels son groupe entretenait des relations commerciales : il a par exemple consacré une émission spéciale au président sénégalais Abdoulaye Wade sur Direct 8 (devenu C8), et une double une dans ses journaux gratuits Matin Plus et Direct Soir en 2007, mis à la une de Matin Plus le président camerounais Paul Biya en 2007 et 2008, ou ménagé le président ivoirien Laurent Gbagbo en 2011, comme l’a raconté Acrimed.

Pour aider Alpha Condé à conquérir la présidence guinéenne, le groupe Bolloré a pris en charge, en 2010, des prestations de communication réalisées par sa filiale Havas (100 000 euros), ainsi que la publication d’un livre d’entretien avec Alpha Condé, Un Africain engagé, réalisé par Jean Bothorel, ami et biographe de Vincent Bolloré (70 000 euros).

La campagne a été couronnée de succès, Alpha Condé ayant pris le pouvoir le 21 décembre 2010. À la suite de quoi, le 8 mars 2011, le nouveau président a brutalement résilié la concession du port de Conakry, alors détenue par le groupe français Necotrans, pour la confier trois jours plus tard, sans appel d’offres, au groupe Bolloré.

oui oui et tous les autres sont pro Macron ou FP mais ça c'est pas gênant

Replacer cette histoire guinéenne dans l’actualité française implique plusieurs translations. La première : se déplacer de Conakry à Paris, et faire un bond de quatorze ans dans le temps, de 2010 à 2024. Ensuite : substituer à « Alpha Condé » « Jordan Bardella ». Ainsi qu’au livre financé par le groupe Bolloré pour le prétendant à la présidence guinéenne celui, dont le projet a été interrompu en avril en raison de fuites dans la presse, du chef de file du RN avec Fayard (maison d’édition appartenant au milliardaire breton). Et enfin remplacer l’enjeu du changement de concessionnaire du port de Conakry par un autre projet cher à Vincent Bolloré et à son groupe : la privatisation du service public audiovisuel, au cœur du programme du RN.

Cette approche comparative n’enlève rien à la dimension idéologique sous-jacente à la mise en œuvre du « protocole Bolloré ». Au contraire : intérêts financiers et politiques dansent ensemble. Dans une chronique publiée en 2021, l’éditorialiste du Monde Philippe Bernard, spécialiste de l’Afrique et de l’immigration, insistait ainsi sur la cohérence de la stratégie de Vincent Bolloré, catholique traditionaliste ayant prospéré grâce aux figures les plus caricaturales de la « Françafrique » et dont les médias sont engagés, en France, dans une « guerre idéologique » contre l’étude des séquelles du colonialisme, entre autres. S’enrichir grâce au néocolonialisme d’un côté et refuser d’en déconstruire les mécanismes de l’autre.

Dans sa chronique publiée il y a trois ans, Philippe Bernard poursuivait sa réflexion, voyant dans ce « raccourci africain » une forme d’« avertissement » à l’égard de ce qu’il pourrait advenir si l’opération se prolongeait. L’éditorialiste finissait alors par s’interroger à haute voix : « Le capitaine d’industrie “fait” certaines élections en Afrique de l’Ouest. Pourrait-il être tenté de les “faire” en France ? »

FT populaire soutenu par les chaînes publics payés par l'argent des français > a ton monologue

Le 23 juin 2024 à 10:36:17 :
FT populaire soutenu par les chaînes publics payés par l'argent des français > a ton monologue

Bien de voter pour le poulain d'un milliardaire alors que tu peux juste t'abstenir de participer à toute cette mascarade, de gauche comme de droite ?

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LatextileMessie
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23 juin 2024 à 10:29:29
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