Perclus d’aboulie, le désir s’étiole et s’évanouit d’une âme diaphane dans le néant infini. Sapere aude, ce vaniteux principe animerait la flammèche rousseauiste de la corruption sociale ; la connaissance offre à l’être le moyen d’action, mais ni la cause, ni le but. L’homme qui se complairait dans le savoir, ce lecteur boulimique, quelle serait sa place dans la société, quelle utilité retirerait-on de ce fat marginal ? L’écriture supplée les passeurs, la lecture n’existe qu’en vue de la critique. L’orgueil de l’auteur parviendra-t-il à l’exciter au parachèvement de l’œuvre indétrônable ? L’amour de la raison nous enjoint à répondre positivement : heureux les maitres, le royaume de l’éternel leur appartient ! La perpétuelle évolution des sciences atténue l’optimisme, quand de veules philosophes tentèrent d’approcher l’impénétrable vérité par la corrosive métaphysique, ils durent avouer les mains brûlées qu’ils ne dépasseraient jamais les limites de la réalité. La nature n’a pas peur du vide, voilà un axiome des plus absurdes, c’est l’homme dans la faiblesse de sa raison qui se convainc naïvement du non-vide. Un vertige moral qui l’oblige à croire, croire qu’un sens se dissimule derrière sa pathétique autant qu’éphémère existence. Pourquoi le crédule manque-t-il alors de curiosité ? Le précepte religieux de la lâcheté comble la brèche. Et l’incrédule se rit-il du vieillard stoïcien comme du jeune handicapé, ces ridicules animaux souriant à leur propre humiliation ? Le mépris de sa dignité affecte notre amour de l’humanité, car pour l’observateur de cet outrage, c’est l’intégrité qui se corrode et avec elle l’assurance de notre valeur intrinsèque. Le souffle aboulique chemine jusqu’à l’extinction de l’ardente volonté.