Dupont-Moretti s'était interrompu en plein plaidoyer.
Le troisième dessert de ce midi était peut-être de trop. L'ogre de la justice a le prisonnier aux portes du pénitencier. Il sait que chaque mouvement compte, chaque mouvement relâche quelque peu son sphincter et entrouvre les portes que même Hadès n'ose plus garder.
Dupont-Moretti transpire, ses veines se gonflent. Toute la cour ne connait que trop bien ces signes, portant encore le deuil de leurs camarades qui n'ont pris la fuite que trop tard par le passé.
Le ténor du barreau tape du poing brutalement sur la table, les derniers hommes fuient en courant pour espérer sauver leur vie. Car, oui, c'est la mort qui va hanter ce tribunal. Une mort douloureuse, une mort sale, une mort inouïe par sa violence.
Un greffier s'est pris les pieds dans la robe du colosse gardien des sceaux et tombe à la renverse, aux pieds de la machine infernale, du destrier allumant le brasier le crépuscule des dieux.
Dupont-Moretti soulève sa robe et se soulage avec un grognement. Le bruit atteint les oreilles des passants encore aux alentours, les pauvres âmes n'ayant pas encore rejoint leur abri le plus proche. Ils savent qu'une immolation par le feu serait une délivrance face aux conséquences d'une inhalation de ces effluves.
Tout cela n'aura duré qu'une paire de minutes pour le garde des sceaux. L'affaire est close. Il remonte sa robe, utilise le cadavre du greffier pour s'essuyer avec un grognement de satisfaction.
Aucun combat n'arrête Dupont-Moretti. Il aura toutefois le temps de savourer quelques douceurs de la pâtisserie adjacente avant de retourner défendre la veuve et l'orphelin.