Topic de GollumRSA :

[PILL] Avez-vous pris la ELLULPILL ?

  • 1

dans le monde moderne la technique ne repose plus sur la tradition au sens strict. Et ceci d'ailleurs
différencie profondément la technique actuelle de celle que nous pouvons constater dans les
civilisations antérieures. Il est vrai que dans toutes les civilisations la technique a vécu comme la
tradition, c'est-à-dire par une transmission de procédés hérités, lentement mûris, et plus
lentement encore modifiés ; évoluant sous la pression des circonstances, en même temps que
tout le corps social ; créant des automatismes devenus héréditaires, qui s'intégrèrent
progressivement dans chaque nouvelle forme de la technique.

Mais qui ne voit le bouleversement de toutes ces notions aujourd'hui ? La technique est
devenue autonome, et forme un monde dévorant qui obéit à ses lois propres, reniant toute tradi-
tion. La technique ne repose plus sur une tradition, mais sur la combinaison de procédés
techniques antérieurs, et son évolution est trop rapide, trop bouleversante pour intégrer les traditions antérieures.

*

Nous avons déjà vu à propos de l'auto-accroissement de la technique que celle-ci poursuit
son cours de plus en plus indépendamment de l'homme, c'est-à-dire que l'homme participe de
moins en moins activement à la création technique, qui devient une sorte de fatalité, par
combinaison automatique d'éléments antérieurs. L'homme est réduit, dans ce processus, au rang
de catalyseur ou encore de jeton que l'on place dans la fente de l'appareil automatique et qui
déclenche le mouvement sans y participer.

*

Ne dramatisons pas, car tout le mouvement technique n'a point pour but et conséquence
d'acculer l'homme à la peine de mort. Il est heureusement plus subtil. La peine de mort n'est
qu'un pis-aller attestant une phase de transition, une paille dans la technique. La transformation
de la loi naturelle en loi technique s'accompagne du modelage de l'homme, de son adaptation,
de sa cohérence à l'évolution. Au libéralisme économique répond l'individualisme social. Au
planisme répond l'homme économique.

*

L'homme économique, schéma réduit de l'activité économique, nous le voyons déjà se
formuler dans la deuxième moitié du XIXe siècle, par un double mouvement : celui qui insère de
plus en plus l'homme tout entier dans le réseau économique, et celui qui dévalue les autres
activités, les autres tendances de l'homme. Ainsi la mise en valeur de cette partie de l'homme
s'effectue progressivement cependant que d'autres s'effacent. C'est ici le premier mouvement qui
s'effectue sous le règne de la bourgeoisie triomphante. Il n'est pas nécessaire, pour l'expliquer, de
rappeler à ce moment l'importance prépondérante prise par l'argent : que ce soit dans la
structure économique et sociale, le monde des affaires ou dans la vie privée de chacun, plus rien
ne se fait sans argent, tout se fait par l'argent. Il devient une sorte de primat psychique. Toutes
les valeurs sont ramenées à l'argent, non point par des théoriciens, mais dans la pratique
courante, en même temps que l'occupation importante de l'homme semblait être la nécessité de
gagner cet argent. Et ce signe devient en fait le signe de la soumission de l'homme à
l'économique, soumission intérieure qui est plus grave que l'extérieure.

*

Pour le prolétariat s'est produit le fait de l'aliénation, qui est lui aussi une prise de
l'économie sur l'homme. Nous sommes, avec le prolétaire, en présence d'un homme vidé de son
contenu d'homme, de sa substance réelle et possédé par la puissance économique. Il est aliéné
non seulement en ce qu'il sert la bourgeoisie, mais en ce qu'il est étranger à la condition
humaine, sorte d'automate rempli par les rouages économiques et fonctionnant par le courant
économique. Or ceci, la nature humaine ne peut le tolérer. En créant cette condition, le
bourgeois signe l'arrêt de mort de son système. La situation spirituelle de l'homme aliéné
suppose la révolution. Sa subordination sans espoir exige la création du mythe révolutionnaire.
On peut penser que ce primat de l'économique ou plus exactement cette possession de l'homme
par l'économique va être remise en question ; hélas ! très tôt l'on s'aperçoit que chez le prolétaire
concret (et non idéalisé) toute la préoccupation est de prendre la place du bourgeois et d'avoir de
l'argent, et que les moyens pour opérer cette révolution sont les syndicats qui subordonnent un
peu plus étroitement leurs membres à la fonction économique. Un peu plus étroitement ? Oui,
en satisfaisant leur volonté révolutionnaire et en l'épuisant pour des objets purement
économiques.

*

L'homme n'a pas de besoins ? Il faut lui en créer ; car ce qui compte ce n'est pas la
structure psychique et mentale de l'homme, c'est l'écoulement des produits, quels qu'ils soient,
que l'invention permet à l'économie de produire.

*

Enfin la technique conduit l'État à se faire totalitaire, c'est-à-dire à tout absorber de la vie.
Nous avons noté qu'il en est ainsi par suite de l'accumulation des techniques entre les mains de
l'État ; que les techniques se relient les unes aux autres en même temps qu'elles s'engendrent
mutuellement et que cela forme un réseau qui enserre toutes nos activités ; et lorsque l'État saisit
un fil de ce réseau, il amène progressivement à lui (« volens nolens ») toute la matière avec la
méthode. Ainsi, même lorsque l'État est résolument libéral et démocratique, il ne peut faire
autrement que devenir totalitaire. Il le devient d'ailleurs, soit directement, soit, comme aux
États-Unis, par personnes interposées ; mais le système arrive finalement, malgré sa diversité, au
même résultat.

*

Jamais encore on n'avait autant demandé à l'homme. Par hasard, incidemment, l'homme
au cours de l'histoire avait eu à fournir un travail accablant ou s'était trouvé dans un danger
mortel. Mais il s'agissait des esclaves, il s'agissait des guerriers. Jamais encore l'ensemble des
hommes n'avait eu autant d'efforts en tous genres à fournir. Efforts de toutes sortes en effet :
effort du travail quotidien, absorption dans l'énorme machine indifférenciée mais complexe qui
ne peut tourner que par le travail soutenu, persévérant, intensif des millions d'ouvriers et
d'employés. Et le rythme de ce travail n'est pas le rythme traditionnel, ancestral, pas plus que son
objet n'est l'objet qui sort, orgueilleusement, des mains de l'homme, œuvre où il se contemple et
se reconnaît.
Je n'écrirai point après tant d'autres sur la différence du travail moderne et du travail
d'autrefois, sur la moindre fatigue et la moindre durée, d'une part, mais d'autre part sur la vanité
de ce travail sans œuvre, sur la dureté de ce travail étroitement lié à l'horloge, sur l'absurdité
ressentie profondément par le travailleur de ce travail qui n'a plus rien de commun avec ce que
l'humanité avait toujours appelé travail.
Cela devient vrai aujourd'hui, même pour le paysan.

*

Il n'est plus question ici du prolétaire. Tout homme est dans cette impasse. Nous n'y
pouvons plus rien. Ce qui était parfaitement anormal est devenu maintenant le quotidien, la
condition courante. Mais l'homme n'est pas encore à l'aise dans cet étrange milieu, et la tension
qui lui est ici demandée pèse lourdement sur son être et sa vie. Il cherche à fuir, et tombe dans
les pièges du rêve. Il cherche à répondre et tombe dans les organisations. Il se sent inadapté et
devient hypocondre : mais ce monde prévoyant et habile a prévu aussi toutes ces réactions de
l'homme. Et l'on entreprend par les moyens techniques de tous ordres de rendre vivable à
l'homme ce qui ne l'est pas ; non certes en modifiant quoi que ce soit, mais en agissant sur
l'homme. De plus en plus la psychologie est prise en considération, car on sait ce que signifie le
moral ! L'homme peut supporter les conditions de vie les plus dures, les plus inhumaines à
condition que le moral tienne. Les exemples et les expériences fournies par les psychologues sont
innombrables.

*

La technique a déjà pénétré profondément dans l'homme. Non seulement la machine
tend à créer un nouvel environnement de l'homme, mais encore elle modifie déjà son être
même. Le milieu dans lequel vit cet homme n'est plus son milieu. Il doit s'adapter comme aux
premiers temps du monde à un univers pour lequel il n'est pas fait. L'homme est fait pour six
kilomètres à l'heure et il en fait mille. Il est fait pour manger quand il a faim et dormir quand il
a sommeil, et il obéit au chronomètre. Il est fait pour le contact avec les choses vivantes et il vit
dans un monde de pierre. Il est fait pour l'unité de son être et il se trouve écartelé par toutes les
forces de ce temps.
La machine en même temps l'enrichit et le change. Ses sens et ses organes ont multiplié
les sens et les organes de l'homme, le faisant pénétrer dans un milieu nouveau, lui révélant des
spectacles inconnus, des libertés et des servitudes qui n'étaient pas celles, traditionnelles, à quoi
il était accoutumé. Libéré peu à peu des contraintes physiques, il est plus esclave des contraintes
abstraites. Agissant sur toutes choses par des intermédiaires, il perd le contact avec la réalité.

*

La vie même sera mesurée par la machine. Les fonctions organiques lui obéissent : on
mange, on travaille, on dort à l'ordre de la machine. Le temps des successions organiques est
rompu, dissocié, dispersé. La vie de l'homme cesse d'être un ensemble, un tout, - pour devenir
une série fractionnée d'opérations qui n'ont d'autre lien entre elles que d'être effectuées par le
même individu.

*

Dès lors il n'est laissé à l'homme dans cette situation que deux possibilités : ou bien il
reste ce qu'il est, mais il est de plus en plus inadapté, de plus en plus névrosé, de moins en moins
efficace : il perd ses chances de subsister et forme, quelles que soient ses qualités personnelles,
une humanité de rebut ; ou bien il s'adapte à ce nouvel organisme sociologique qui devient son
monde. Il l'utilise en s'intégrant à lui, il devient homme des usasses parce qu'il ne peut vivre
autrement dans une société de masse, et cela revient au même que l'homme des cavernes. Mais
cela suppose alors un énorme effort de mutation psychique. Les techniques de l'homme ont
encore là pour l'aider, pour lui faire trouver la voie la plus rapide, calmer ses inquiétudes,
remanier son cœur et son cerveau.

*

L'homme formé intellectuellement ne doit plus être un modèle, une conscience, une lucidité en mouvement qui animent le groupe, fût-ce en le combattant. Il est le servant le plus conformiste possible des instruments techniques : le cerveau de l'homme doit se conformer au cerveau tellement plus perfectionné de la machine, explique M. Couffignal. Et l'enseignement ne doit plus être une imprévisible aventure dans l'édification d'un homme, mais une conformisation et
l'apprentissage d'un certain nombre de « trucs » utiles dans un monde technique.

*

La rage du cinéma s'explique uniquement par cette volonté ; de même que le rythme du
travail ou l'autorité de l'État supposent l'adhésion du cœur, et par conséquent la propagande, de
même la condition faite à l'homme par la technique suppose cette évasion spéciale que la
technique lui offre : merveilleuse organisation qui prévoit le contre-poison là où elle distille le
poison.

*

Le sport prend ainsi l'exacte suite du travail mécanisé, il assure la relève lorsque l'homme
quitte son travail, de façon qu'à aucun moment cet homme n'est indépendant des techniques. Il
retrouve dans le sport le même esprit, les mêmes critères, la même morale, les mêmes gestes, les
mêmes objectifs - toutes les lois et les habitudes de la technique - qu'il avait à peine quittées
en sortant de l'usine ou du bureau.

*

Le bourgeois commencera par valoriser le travail en ce qui le concerne lui-même. C'est d'abord chez lui qu'il applique une stricte et rigoureuse morale du travail, il crée un enseignement orienté vers le travail, il donne un sens à la vie par le travail, et le plus grand reproche qu'il puisse adresser à ses enfants est celui de paresse. Inversement, à l'homme qui travaille, tout est permis, tout devient péché mineur. Il peut tromper sa femme, exploiter les autres, être dur, égoïste, orgueilleux, qu'importe : c'est un grand travailleur ! Tout est ainsi purifié.

La rage du cinéma, poison absolu

Le 04 mai 2024 à 01:05:30 :
La rage du cinéma, poison absolu

Oui et non, tu peux transformer le poison en remède

Le cinéma , c'est fait pour vendre du pop corn
g comencé mais pa lu en fait
  • 1

Données du topic

Auteur
GollumRSA
Date de création
4 mai 2024 à 01:02:08
Nb. messages archivés
6
Nb. messages JVC
6
En ligne sur JvArchive 367