Je reviens de la plage. Sitôt assis, je découvre à ma droite deux sexagénaires dont la poitrine fatiguée pend jusqu'aux cuisses. Qu'ai-je fait pour souffrir ces impudentes mamelles qui me toisent publiquement ? Pourquoi me ciblent-ils, ces canons émoussés par la vie dont le vaisseau, jadis resplendissant sur les flots, est désormais dévoré par l'écume ? N'y a-t-il pas assez de butin par toute la terre sans devoir s'arrêter à ma personne ? Quoique périmées, n'y a-t-il pas assez d'affamés en ce siècle pour engloutir ces ballantes brioches, plutôt que de les jeter en pâture aux rassasiés ? Je n'ignore pas que du haut de ces tétons, six décennies de féminisme me contemplent, moi le badaud qui ne voulais que me gorger de soleil. Ah, mais il fallait évidemment ces ballons crevés du diable pour m'en empêcher, pour me soustraire à mon plaisir d'esclave !
Pour sûr, je détourne le regard et vaque à mon occupation, mais ils sont là, je le sais, ils m'observent ! Ces délétères étendards se hissent jusqu'au ciel, ou plutôt plongent jusqu'aux enfers et m'environnent de toutes parts. J'ai la lippe tremblante, le coeur lourd, les tripes nouées et je sens tout le poids du monde s'abattre sur mon dos. Combien ces roublardes protubérances peuvent-elles bien peser ? Plût au ciel que ces sources taries eussent trouvé un bassin autrement plus fertile que mes pauvres yeux et mon humble carcasse pour y déverser leur fiel lacté ! Accablé par tant de misère, je me retourne et zieute en leur direction comme un damné regarde à travers ses barreaux, moins par espoir que par lassitude, bien déterminé à regarder la méduse bicéphale droit dans les pis. Miracle ! Les gâteuses, parties barboter dans la flotte, n'étaient plus là. Venu à bout de la bête, je me gonfle d'une enivrante bouffée d'air au parfum salé et lorgne le calme plat de l'eau.
C'est alors que je vois, cette fois à douze heures, une jeunette qui s'adonne aussi à l'exhibition et découvre au ciel le biberon des dieux. MAIS C'EST PAS VRAI ÇA S'ARRÊTE JAMAIS
ELLES PEUVENT PAS ALLER SE FOUTRE À POIL AILLEURS, MOI ÇA ME GÊNE