Mes chers kheys et kheyettes, ne faites jamais confiance aux poètes.
Adulescents vivant souvent chez papa-maman, ils pensent que la dépression et le nihilisme sont des terreaux fertiles. Pourtant, il n'y a rien de grand à tirer d'une une vitalité esthétique du mal et de la souffrance de soi-même et d'autrui.
Vraiment, leur âme a quelque chose de pervers. Comme une vorace plaisanterie qui les secoue et qui les mord, pour leur plus grand plaisir et au détriment de leurs proches qu'ils accusent ironiquement d'être les uniques responsables de tous leurs maux.
Ce n'est pas la peine de se tuer, puisqu'on se tue toujours trop tard.
Ta gueule Cioran, un peu de respect et de simplicité c'est trop demandé ?
Comment peut-on faire confiance à de tels individus ? Pour cette sale race, tout est bon pour noircir la page blanche.
Au lieu de se discipliner pour sortir de leur chambre nauséabonde aux volets fermés, pour trouver un travail ou rencontrer des gens, ils préfèrent se contenter de l'écriture de quelques vers tout en se targuant d'une sorte de productivité ou de grandeur. Ils parasitent leurs proches et s'autodétruisent et n accusant la vilaine vie de s'acharner sur leur sort ; car rien n'est jamais de leur faute. La double ironie étant qu'ils se pensent subversifs en se présentant comme des misanthropes alors qu'ils vivent au crochet d'autrui, qu'ils s'accrochent aux simulacres féminins à cause de leur désir et qu'ils ne subsistent que grâce à l'existence des autres individus.
Le pire, c'est qu'ils semblent toujours écouter avec une honnête compassion le récit de nos malheurs, mais ils ne se posent réellement qu'une seule question : "est-ce que ce que j'écoute me permettra d'écrire un joli poème ?" Et l'instant d'après, le récit de nos galères étudiantes, de notre deuil ou de notre séparation se transforme dans leur poème en une épopée prométhéenne sous fond d'alexandrins maladroitement rythmés.
Un poète écrit sur la mort de sa femme ; il publie son œuvre et se croit grand à célébrer son lyrisme d'un genre nouveau, mais sa conjointe morte passe au second plan et ne devient qu'un prétexte. Comment ne pas y voir une forme de vampirisation de l'être ?
Plus mes interactions avec ces vampires se multiplient, mieux je comprends pourquoi Platon les a chassés de sa Cité ; quel mauvais exemple pour les enfants ! Au lieu de leur apprendre à vivre et à cultiver la vertu, comme le font les gens normaux, ils leur apprennent à se nourrir de fantasmes, transmettant le culte de l'apparence.
Ils considèrent que l'esthétique est plus haute que l'éthique et se croient, à travers cette ridicule vue de l'esprit, dotés d'une vérité les rendant supérieurs. En vérité ce sont des nihilistes ; ils ne croient en rien sinon en la puissance passagère d'impressionnants fantômes, ils cultivent le vide tels des vampires rendant un culte aux ombres. La vie les dégoute, mais ils ne restent en vie que par peur de la mort et de la souffrance. Ils se targuent d'être des misanthropes qui exècrent la vue du bonheur quel qu'il soit, d'où leur misogynie récurrente.
Car comment peut-on ne pas haïr les femmes quand on pense que la vie ne vaut rien ?
Pourtant, ils sont bien loin de la vérité ; les hommes sont des pensifs, des utopistes, d'éternels insatisfaits tandis que les femmes sont plus terrestres et plus aimantes. Ils vont vers la mer, elles les rappellent à la terre en transformant les garçons en hommes et les hommes en père.
Pas étonnant que leurs idoles soient des Malebranche (nihilisme religieux), des Schopenhauer (nihilisme athée) ou d'autres penseurs misogynes.
Non, vraiment les kheys, fuyez cette sale race.
Et pour les poètes qui me lisent ; le cynisme et le nihilisme sont faciles à défaut de cacher une certaine paresse intellectuelle. Je sais bien qu'à l'adolescence, c'est un chemin tout tracé. Je ne m'en fais pas : vous grandirez, gagnerez en maturité et en sagesse et alors vous comprendrez. Du reste, relisez un peu Montaigne et les humanistes en général pour réaliser qu'une vie bonne et morale ne peut se faire sans valeurs et sans amour.
Elevez vous. Apprenez. Sortez. Vivez. Aimez.
