Le phénomène Incel est particulièrement succulent, parce qu’il place la gauche face à elle-même. Les Incels sont la classe ouvrière du monde des relations sentimentales et sexuelles.
Les années 60/70 furent une période de transition des formes socialement admises de sexualité et de relations, marquée par un « néo-libéralisme » (pour reprendre le vocable gauchiste) forcené : une dérégulation totale du « marché » sexuel et sentimental.
La loi Neuwirth de 1967 qui autorise l’usage de contraceptifs est à bien des égards l’équivalent de la loi le Chapelier qui détruisait les corporations pendant la révolution : on dérégule, on autorise le sexe récréatif, on libéralise totalement le marché sexuel.
Cette libéralisation, c’est-à-dire cette absence ou quasi-absence de normes a les mêmes conséquences que n’importe quelle autre libéralisation : elle « étend le domaine de la lutte » pour reprendre le titre du bouquin de Houellebecq.
Les meilleurs, ceux qui disposent du plus gros capital séduction accumulent et gagnent, les moins bons sont relégués à la dernière place, ils n’ont rien, ou presque rien, ils sont condamnés à la branlette et au porno.
Je ne vais pas refaire du Houellebecq en moins bien et si vous avez lu l’extension du domaine de la lutte vous savez de quoi je parle.
Maintenant, ce qui est particulièrement intéressant, c’est que ce « prolétariat » sexuel et sentimental est totalement rejeté par la gauche. Plus intéressante encore est la manière dont ce rejet a lieu les gauchistes utilisent exactement les mêmes arguments que les libéraux qu’ils prétendent combattre lorsqu’il s’agit du champ économique.
Le principal argument, c’est la mise en cause des qualités individuelles et de la responsabilité de l’individu dans son propre échec : « si tu ne trouves pas de femmes c’est parce que tu n’es pas assez bien », « remet toi en question et travaille sur toi-même » « tu as quoi à apporter à une femme ? Pose-toi la question avant de vouloir en séduire une ».
On a probablement tous déjà vu un de ces arguments ou une de ses déclinaisons dans un débat sur le sujet.
La gauche se refuse soudain à toute analyse systémique, dans ce champ particulier ou la classe d’exclus est composée d’individus appartenant à une sociologie ou à des catégories qu’elle combat dans d’autres champs sociaux (principalement des hommes jeunes hétérosexuels). elle abandonne totalement le discours déresponsabilisant qui sert d’ordinaire à justifier les inégalités sans mettre en cause ceux qui en sont les victimes.
« Si personne ne veut te prêter un transat, remets toi et ta communauté en question» est à leurs yeux inacceptable ; "si personne ne veut de toi remets toi en question" leur semble en revanche parfaitement valable comme réponse.
Personne ne veut baiser les incels, Personne ne veut recruter des africains, on dit la première affirmation avec un ton moqueur et condescendant, on prononce la deuxième comme un terrible pêché.
Les plus « téméraires » se risqueront à un « tu n’es pas victime des femmes mais victimes des incels eux-mêmes et de ceux qui t’ont mis dans la tête qu’elles t’étaient interdites », un petit peu l’équivalent du « Tu n’es pas victime d’un système raciste mais des gauchistes qui te poussent à te victimiser et à te sentir oppressé pour rien » dont se moquent en permanence les gauchistes d’ailleurs.
Ce que je vais dire est un truisme pour des gens de droite, mais cet exemple nous prouve bien que toutes ces histoires de justice sociale, d’égalité et que sais-je encore ne sont qu’une excuse pour prendre le pouvoir.
Il a toujours été question de cela et il sera toujours question de cela, la souffrance que génère la mise en place de leur système ils n’en ont rien à faire, parce que l’objectif n’a jamais été d’abolir la souffrance mais de faire en sorte que d’autres la subissent.
N'importe quel gauchiste qui vous parle d’oppression systémique des pauvres ou des minorités ethno-sexuelles devient un libéral patenté quand il s’agit du marché sexuelo-sentimental.
Il vous parle de responsabilité individuelle et vous explique que si vous êtes en bas du marché sexuel, c’est votre faute et de celle de votre inadaptation totale et qu’il ne vous reste que vos yeux pour pleurer.
La cohérence voudrait qu’ils défendent ce que certains, à une époque, appelaient à juste titre le « communisme sexuel », parce que c’était effectivement cela (ça n’a ici aucune connotation péjorative, ni méliorative d’ailleurs).
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