Imaginons que je trace un triangle ABC. Je le trace en essayant de le rendre équilatéral.
Plaçons nous alors dans le système d'axiome suivant:
Axiome 1 : Si deux choses sont toutes deux égales à une troisième, alors ces deux choses sont égales l'une à l'autre.
(Autrement dit : Si X=Y et X=Z alors Y=Z).
Axiome 2 : Dans le triangle ABC que je viens de tracer, AB a la même longueur que AC, et AB a la même longueur que BC.
Dans ce système d'axiome, comment est-ce qu'on prouve l'assertion P1: "Le triangle ABC est équilatéral" ?
On peut être tenté de répondre quelque chose du type
"Puisque les axiomes 1 et 2 sont vrais, alors P1 est vraie".
Mais ici notre preuve se reformule donc sous la forme d'une assertion P2: "Si l'on accepte les axiomes 1 et 2, alors P1 est vraie".
Et cette assertion P2, elle n'est pas dans notre système d'axiome. Donc on a le droit de la refuser.
Et finalement pour prouver P1, on a besoin d'ajouter l'assertion P2 à notre système d'axiome.
On se retrouve avec un système de 3 axiomes, et non plus 2, mais évidemment on ne peut toujours pas prouver P1 avec ces axiomes: si on essaie de prouver P1, notre preuve va prendre la forme d'une assertion P3 du type "Si l'on accepte les axiomes 1,2 et 3 alors P1 est vraie.", et cette assertion P3 n'est toujours pas dans notre système d'axiome.
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Bon, c'est un paradoxe qui s'appelle "paradoxe de Lewis Caroll", et la prof de mon petit frère en classe de 5ème lui demande comment on le résout. Concrètement je ne trouve pas ce paradoxe convaincant à 100% (faut dire que je ne le comprends pas non plus à 100%) mais ça me fait quand même beaucoup questionner l'intérêt de rédiger des démonstrations pour des résultats quasi axiomatiques, car j'ai l'impression que de toutes façons n'importe qui qui le souhaiterait pourrait juste nier que la démonstration est correcte en prétendant qu'elle utilise subrepticement des propriétés qui ne font pas partie des axiomes. Je pense par exemple à la famosa preuve apparemment extrêmement longue que 1+1=2.