Une fois j'ai aimé une fille

Je ne savais pas ce qu'on faisait ensemble. Elle m'appelait quand elle le voulait.
Moi j'attendais juste qu'elle prenne contact.
Et puis on partait on ne sait ou pour faire on ne sait quoi. Ca pouvait durer deux heures comme deux semaines. On ne savait jamais comment ça se finirait.
Moi ça me dérangeait pas, j'ai toujours été un loser de toute manière, si je devais laisser en plan un vieux job je le faisais, pourquoi tout ça devait compter ?
Parfois elle recevait un coup de fil, et elle partait de suite après, me laissant seul au milieu de nulle part.
Parfois elle se mettait à pleurer comme ça, d'un coup, pour rien.
Je la prenais dans mes bras, elle me souriait avec son visage tout mouillé, puis on repartait comme si de rien n'était.
Elle m'avait juste demandé une chose. C'était de ne pas lui poser de question.
Ca me dérangeait, et en même temps ça m'attirait. Je me disais qu'elle finirait bien par me parler un jour.
Elle me faisait confiance, donc je n'ai jamais insisté.
Cependant.... même sans parler, on se comprenait. Je ne connaissais peut-être rien des détails, mais je comprenais tout à ses gestes, ses intonations, ses regards... tout était si intense.
C'était comme si chaque détail avait sa propre histoire.
Elle savait que j'y faisais attention. Je crois que ça l'amusait et qu'en même temps ça la fascinait parce que je suis parfois assez perspicace. Perspicace et assez naïf, ça produisait un drôle de mélange qui semblait lui donner confiance. Je ne calculais rien. C'était purement instinctif.

Quoi qu'il en soit, un jour elle m'a appelé, comme d'habitude. J'allais préparer mon sac et mes vêtements mais le ton de sa voix lui n'était pas comme d'habitude.
J'ai fais comme si de rien n'était, et je lui demandais ou on se donnait rdv. Elle m'a dit qu'il n'y aurait plus de rdv, qu'elle devait partir loin d'ici.
C'est pas grave, on ira ensemble, répondis-je. Tu ne comprends pas ? C'est fini. Pour moi. Pour toi et moi. Tu ne peux rien faire. Sa voix tressaillait.
J'allais lui demander pourquoi, mais à peine la première syllabe prononcée, je me ravisais, me rappelant ma promesse.
M....

D'accord, d'accord ******* répondis-je gravement. Sentant ma peine, elle essaya de remonter le moral. On se sera quand même bien amusé non ?
Ou.. oui, c'était super. Maintenant, c'était moi qui ne pouvait réfréner les tremblements dans ma voix et les larmes qui remontaient.
Quelques secondes de silence passèrent, parsemées de reniflements de part et d'autre.
Puis d'un ton étrangement assuré et bienveillant, elle me confia que j'étais la personne la plus incroyable qu'elle avait jamais rencontré. J'ai aimé chacun des moments passé avec toi. Je ne n'en jetterais pas un seul. Je ne t'oublierai jamais, alors ne m'oublies pas s'il te plait.
Et puis elle raccrocha subitement.
J'ai beaucoup pleuré. Je me doutais que quelque chose de ce style se produirait. Pourtant, lorsque ça arrive, on n'est jamais vraiment prêt.
J'ai quelques soupçons sur ce qui lui est arrivé. Mais je ne le partagerai pas avec vous.
Ses dernières paroles tournent en boucle dans ma tête.
Je ne sais pas trop si ce qu'il y avait entre nous était de l'amour, de l'amitié, ou quelque chose d'autre...
Quoi qu'il en soit, depuis, il m'arrive de sortir seul, comme ça, n'importe quand, n'importe ou.
Et de divaguer ci et la. Sans ressasser le passé, sans réfléchir. Il remonte cependant à moi par une succession de flashs colorant la réalité d'un filtre étrange.
Je marche, perdu quelque part, comme un zombi des heures durant. Je marche, et je me sens bien, je me sens mieux, je me retrouve et surtout je m'éloigne du reste du monde.
Qui ne comprend pas. Les images défilent, les sentiments amers se boivent saouls. Les regards de travers s'émeuvent vertement. La foule est une mer que l'on avale. Les lumières des mémoires qui bavent sur un autre part. Et une fois arrivé au quais de gare, le train s'en va, et on se voit sans se dire au revoir.
C'est alors qu'on s'assoit, puis saisit par le froid et la solitude, on rentre chez soi tout lucide et tout peinard.
Avec un gros trou dans le ventre.