La lutte pour le travail et pour la reconnaissance par le travail ne peut continuer ad vitam aeternam dans un monde qui s’acharne à supprimer le travail et à pousser les surnuméraires vers la décharge. Même au niveau individuel, le plus borné des adorateurs du travail se rend compte qu’il ne suffit pas de traverser la rue pour trouver un vrai travail, c’est-à -dire un travail qui permet d’habiter un logement décent et de vivre bien. Du travail sous-payé, ça oui on en trouve encore. Mais le « vrai travail », c’est une autre paire de manches.
Une lutte persistante, c’est-Ă -dire non dĂ©faite, ne peut que rompre avec le cours habituel du capitalisme, le cours auquel nous avons Ă©tĂ© habituĂ©s et qui n’a menĂ© nulle part : le perpĂ©tuel rattrapage modernisateur, l’embarquement de tous dans la croisière consumĂ©riste qui s’est transformĂ©e ensuite en un rĂ©gime d’exclusion. Les luttes de la classe du travail font maintenant face Ă leur limite et doivent trouver autre chose pour obtenir non pas ce qu’elles voulaient (du travail, des droits, des garanties) mais ce qu’elles se trouvent obligĂ©s de vouloir Ă prĂ©sent (les moyens de vivre sans ĂŞtre contraints au travail, puisque de travail rĂ©munĂ©rateur il n’y en a point). Autrement dit, la virtualitĂ© de la rupture plane au-dessus de la tĂŞte des lutteurs. Et comme tout le monde n’entre pas sous les mĂŞmes conditions dans la lutte, tout le monde n’est pas Ă©galement un lutteur de classe susceptible de rĂ©aliser la rupture. Cette virtualitĂ© intĂ©resse au premier chef les prolĂ©taires, c’est-Ă -dire ceux qui sont le plus durement soumis aux alĂ©as du salariat dans sa forme actuelle. Â