Explication du "Garçon et du Héron".

J'ai observé beaucoup de critiques sur ce film, mais à mon avis, c'est la plus grande œuvre de Miyazaki. Pourquoi tant de désaffection ? Je pense que cela vient des attentes et d'un malentendu quant à son essence. La déception vient peut-être du fait qu'on espérait tous un Miyazaki dans sa forme classique, et l'incompréhension parce que le film est énigmatique. Je vais tenter de montrer pourquoi ce film est en réalité un trésor.

Nous structurerons notre explication en deux axes principaux.

Premièrement, le parcours du personnage principal s'inscrit dans une démarche contre-initiatique. Prenons le Garçon : il est un personnage très complexe. Il est essentiel de comprendre qu'il ne traverse pas une aventure le menant à l'âge adulte, mais plutôt à retrouver son enfance perdue. C'est là toute la symbolique de sa cicatrice qui s'estompe au fur et à mesure du film.

Une clé pour comprendre le film est de saisir le traumatisme profond du Garçon. Après avoir assisté à la mort tragique de sa mère, il apprend que son père s'est remarié avec sa tante, signifiant ainsi que sa mère a été rapidement oubliée. Ensuite, une autre blessure lui est infligée au début du film : la nouvelle d'un demi-frère imminent. Sa mère appartient désormais au passé, et lui-même n'est plus au centre de l'attention.

Une scène clé pour comprendre le personnage est celle où il se blesse avec une pierre et ne verse pas une larme. Cela révèle un enfant devenu insensible, potentiellement sur le chemin de l'auto-destruction, porteur d'une rage qui pourrait se retourner contre lui ou les autres. Cette dimension est renforcée lorsqu'il rencontre le Héron. Ce dernier révèle ses véritables intentions malveillantes seulement bien plus tard, mais dès leur premier échange, ignorant de la nature du Héron, le Garçon réagit en sortant son couteau. Cette réaction est atypique pour une rencontre avec le merveilleux qui est habituellement dépeinte comme onirique et joyeuse, pas comme une confrontation. Cette scène illustre la relation violente et méfiante que le Garçon entretient avec son monde.

Le Garçon entre en confrontation avec le héron, qui l'emmène dans un autre monde à la recherche de sa mère. Là-bas, son vrai voyage commence : un périple pour retrouver son enfance perdue, qui implique paradoxalement de comprendre l'essence même de la vie : la mort.

Dans cet autre monde, le Garçon est accueilli par une femme, un reflet des anciennes du monde réel. Sa remarque initiale à son égard, « Tu pues la mort, tu es un homme », résume l'état du Garçon : un enfant précipité dans l'âge adulte à travers l'exposition à la mort.

Tout au long de son séjour dans ce monde, il découvre que la mort est inévitable et c'est cette prise de conscience qui lui permet d'accepter la disparition de sa mère et de régresser à l'état d'enfant.

Cette acceptation se déroule en trois moments clés :

Le premier concerne les âmes en route pour s'incarner dans le monde réel, qui, loin d'être des entités éthérées, nécessitent la vie d'une autre créature, les entrailles d'un poisson, pour exister. Cela démontre que la mort est une constante, indépendamment de la nature de l'être.

Le deuxième moment est l'attaque des pélicans sur ces âmes. Même eux doivent se battre pour survivre dans ce monde mort, suivant ainsi les règles d'un univers impitoyable.

La troisième et plus importante leçon est celle d'un pélican mourant. Le Garçon, armé d'une pelle et sans l'ombre d'une émotion dans le regard, n'est pas là pour pleurer mais pour enterrer. Le pélican lui explique qu'ils essaient tous juste de survivre, prisonniers du cycle de la vie. Le Garçon réalise alors que la mort est une partie intégrante de l'existence et, plus cruciallement, qu'elle est nécessaire à la vie. Chaque existence entraîne la disparition d'une autre. En enterrant le pélican, il marque un tournant dans son voyage, prenant pleinement conscience de cette réalité.