Le mythe de Narcisse décrit un homme obsédé par son image reflétée dans un ruisseau et qui aime tellement son reflet qu'il finit par se jeter dans le cours d'eau, dans une tentative désespérée et passionnelle de saisir cet insaisissable.
La symbolique de cette histoire semble coller parfaitement à notre époque où plus personne n'échappe à la tyrannie des écrans et des images, au téléphone devenu 3e main.
Qu'elle soit publicitaire ou utilitaire, l'image s'est imposée à l'Homme du XXIe siècle. Par son travail, par son loisir, l'écran est omniprésent dans sa vie moderne. Dans un cadre historique, cette évolution est très récente dans la longue Histoire de l'Homme. En effet, le numérique ne s'est imposé, de manière progressive et tentaculaire, dans nos vies que depuis l'avènement de la télévision.
De ce "nouveau fascisme" ,que décrit très bien Pasolini dans son essai ''Les Ecrits Corsaires" visionnairement dès 1973. Il y décrit les séquelles de l'envahissement, par la télévision, des "mass medias" dans la vie quotidienne. L'identité et la spécificité de la société italienne embrassent, à marche forcée, la société consumériste et individualiste. Ses valeurs de partage, de collectif et d'union, que n'a jamais réussi à détruire le fascisme aux gros sabots, se voient supplanter par les mythes du Veau d'Or, le culte de l'apparence et des rêves prémâchés.
Malgré des situations matérielles qui se sont améliorées durant le dernier siècle sur toute la planète, il semble que l'Homme n'a paradoxalement jamais été aussi appauvri spirituellement, isolé relationnellement, et égoïste moralement. Sans s'attarder sur les statistiques de santé mentale et de temps d'écran qui prouvent cette description, on peut ressentir cet état de la société où la cupidité et l'obsession narcissique de son image ont atteint des niveaux paroxystiques battant en brèche d'anciennes valeurs de partage et de courage.
Sans caricaturer, on peut dire que cet état de fait, ces écrans, la télévision, l'ordinateur, le téléphone, Internet ne sont le résultat logique de plusieurs millénaires d'évolution technologique où l'Homme a essayé par sa technique d'accroître son confort. Cependant, dans la phrase précédente, l'homme prend une majuscule, il désigne les femmes et les hommes qui ont réussi ensemble, en s'unissant, à créer des inventions, des constructions et des sociétés, par leur empathie et leur travail d'équipe. Et ainsi comme l'obsession de l'image détruit ces valeurs de partage, on peut se demander :
L'Homme abandonnera-t-il son humanité sur l'autel de son confort technologique? Dans ce cas, quelle société adviendra-t-elle?