Topic de Snorer7 :

J'ai vu tes parents

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Ce dimanche, je suis allé voir tes parents comme convenu.
J'ai été très bien reçu, j'ai bu un Schweppes.

Pour commencer, ta mère m'a montré la pièce qui, de ce qu'elle m'a dit et de ce que j'ai compris, te servait de boudoir. Accrochés aux 2 morceaux de bois que tu avais sculpté, elle a pendu comme des guirlandes faites avec des photos de toi. De gauche à droite, des photos allant de toi tout petit, passant par la période de ton enfance où nous nous sommes connus, puis des photos de ton adolescence où on s'est retrouvé, et enfin les photos de toi ces dernières années.
Je t'ai trouvé très changé sur les dernières photos. Je pense que c'est tes substituts qui te faisaient prendre du poids, ou l'alcool je ne sais pas. Toi qui était assez fin voir maigre, tu avais sur ces photos la même corpulence que moi : un peu grassouillet.

J'avais pas revu cette maison de l'intérieur depuis presque 20 ans. Ton boudoir est donc maintenant dans l'ancienne cuisine où on s’arrêtait parfois un temps, et où on esquivait ta mère en rentrant raides pendant un autre temps. Ta mère m'a montré toute fière l'étagère murale que tu as confectionné, et m'a dévoilé qu'elle s'ouvrait sur un petit dessous d'escalier, comme l'endroit où se cache Harry Potter dans le premier film. Seulement, toi tu n'y faisais pas de la magie.

Puis, retourné dans l'ancien couloir, j'ai vu le reste de la maison (sauf l'étage) que ta mère m'a présenté, tout est rénové et elle m'a précisé chaque meuble ou joints de pierre de taille que tu avais fais. Puis nous sommes allés dans la nouvelle véranda pour s'installer et discuter, elle m'a proposé à boire et j'ai choisis un Schweppes donc.

Nous avons de parler de toi, de nous, d'eux et des autres. En long, en large et en travers.
Je retiens surtout, ce que je ne savais pas, que tu étais suivi par un addictologue, sous substituts quand tu ne rechutais pas si je comprend bien. Et surtout, surtout, que tu voulais changer tes fréquentations. Je te savais lucide, et ça, ça n'avais pas changé à cause de ton addiction.
Lucide sur les autres mais, plus difficile, sur toi-même.

Ils m'ont parlé de ma lettre, qu'elle leur avait plu. Je n'en tire pas de fierté, mais je suis simplement content d'avoir partagé des quelques bribes de bons souvenirs avec toi pendant notre enfance. J'avais les larmes aux yeux, et l'émotion m'a empêché de dire ne serait-ce qu'un seul mot, comme quand je leur ai remis la lettre à l'église. J'ai les larmes aux yeux en écrivant cela.
Au début de la conversation, nous avons refait ton parcours, professionnel surtout et j'ai découvert que tu avais eu le même que le mien, mais pas dans le même travail. Avec des similitudes.

Ta mère m'a dit que la troisième fois que tu as perdu ton permis était la goutte de trop, selon tes propres termes. Que c'était un éboulement de plus que tu devais subir pendant l’ascension insurmontable de la montagne qui t'attendais. Tu étais Sisyphe, entravé et surtout, on ne peut pas dire que l'on devait te voir heureux. Puis elle m'a parlé de l'histoire de cette fille, en qui tu avais confiance pour demander à tes parents de l'héberger pendant 2 mois et qui a fini par te trahir, toi et tes parents,droguée de son état.

As-tu sentis que ta volonté n'était pas assez forte face à la puissance de ton addiction ?
Je ne juges mais je comprend. La libération par ce moyen, était justement le seul moyen de te libérer peut être ?
Une chose m'a marqué, c'est la photo que ta mère m'a montré. Ton père ne l'a pas vu car, ne voulait-il pas la voir ? Tu ne t'aimais plus, car te sentais-tu en incapacité de réagir ?

J'ai amené un bouquet de fleurs. Je pensais à un petit endroit chez tes parents pour se recueillir, mais au moment d'accompagner ta mère, j'ai compris que ce n'était pas chez toi en voyant ton urne sur une petite table ronde dans le salon.
Ton père n'a pas voulu venir car ça le remue trop. Ta mère m'a donc emmené en voiture là où tu as tout arrêté. En arrivant à la carrière, elle m'a guidé quelques minutes à l'endroit précis.
Au pied d'un arbre, elle avait déposé quelques roses qui avait passé à cause de la chaleur et des intempéries. Elle m'a dit que tu avais déposé ton vélo, que tu étais venu jusqu'ici avant d'accrocher ta veste à une branche cassée dudit arbre et que tu avais terminé ton chemin.
Elle m'a proposé de me laisser seul quelques minutes, et je lui ai dis que je la rejoindrai à la voiture.

Rien ne m'est venu. Je ne savais ni quoi pensé, ni quoi dire ou exprimer. J'ai forcé une larme mais au fond, je ne ressentais rien. Je trouvais irréel le moment que j'ai vécu à cet instant précis.
J'ai focalisé sur mon bouquet, l'unique à part les roses déposées par ta mère.
Puis je l'ai rejoins et elle m'a déposé sur la place. Elle m'a proposé de me ramener, comme elle faisait souvent avec d'autres disait-elle. Mais j'ai refusé poliment, car je ne veux comme d'habitude, surtout ne pas déranger.
Je n'arrive pas à te dire au revoir. Je ressasse sans arrêt. Ce texte en est la preuve. Je n'ose pas imaginer pour tes parents. Je dois te dire au revoir, alors je pleure. Car je dois dire au revoir, non seulement à toi mais à notre enfance.

Dois-je stopper net, comme on arrête la cigarette du jour au lendemain ? Ou laisser faire le temps ?
Je vais essayer un peu des deux, alors je te dis au revoir mon ami, mon frère semblable.
Je n'oublierai jamais rien, ni toi ni notre vécu, , ni notre enfance.
Ni ces figues, ni cette salamandre, ni nos soirées à la salle.
Notre mémoire commune n'est plus que la mienne maintenant.
Nous nous retrouverons un jour, car sur cette terre emplie de mortels, personne n'échappe à la mort.

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Snorer7
Date de création
19 juillet 2023 à 00:52:33
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