Parmi les derniers actes signés par le président de Gaulle, ce traité visait à régler les conditions de circulation, de séjour et de travail des Algériens en France, mettant fin au régime de libre circulation entre les deux pays prévu par les accords d'Évian de 1962. À l'époque, la France a besoin de main-d'oeuvre : un régime particulier ultra-favorable est accordé aux ressortissants de l'ancienne colonie française. Près de soixante ans plus tard, il demeure, exonérant les Algériens, de loin première communauté étrangère en France (900 000 personnes), de toutes les réformes sur l'immigration successives, comme du respect des dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda).
Renouvellement automatique du titre de séjour. Ce régime spécial propre aux ressortissants algériens prévoit, par exemple, une admission au séjour facilitée, un regroupement familial élargi et ouvert aux simples détenteurs de visas touristiques. Une inscription au registre du commerce ou à la chambre des métiers permet la délivrance d'un titre de séjour permanent, sans que soit évaluée la viabilité économique du projet. L'accord de 1968 est par ailleurs le seul texte français qui prévoit le renouvellement automatique du titre de séjour délivré à un étranger, aucune possibilité de retrait n'étant prévue, sinon par décision du juge en cas de fraude. Le trouble à l'ordre public ne leur est pas opposable.
Les conditions d'intégration, de connaissance de la langue française comme le respect des valeurs de la République ne s'imposent pas aux Algériens... En dépit d'indicateurs alarmants : selon l'Insee, 41,6 % des ressortissants algériens en France en âge de travailler sont inactifs, c'est-à-dire ni en formation, ni en emploi, ni à la retraite. Un ménage algérien sur deux réside en logement social. 20 % de la population carcérale étrangère en France est algérienne, selon les chiffres du ministère de la Justice.
« Le prix à payer ». Dans sa note, l'ancien ambassadeur de France en Algérie rapporte un propos que lui a tenu l'ancien président algérien Bouteflika en 2012 : « L'Histoire a créé des droits au profit des Algériens reconnus par l'accord du 27 décembre 1968. [...] Le visa est dans ce contexte le prix à payer par la France pour la colonisation de l'Algérie cent trente-deux années durant. » Dans des termes analogues, son successeur, Abdelmadjid Tebboune, lâchait dans un entretien au Figaro en décembre dernier : « Les Algériens devraient avoir des visas d'une durée de 132 ans. » Davantage qu'un droit, ce régime spécial est considéré de l'autre côté de la Méditerranée comme un dû n'obligeant à aucune réciprocité. La Fondapol souligne ainsi le respect parcellaire des accords d'Évian puis de l'accord de 1968 par l'Algérie. Jusqu'au refus de délivrer les laissez-passer consulaires sans lesquels il est impossible à la France d'exécuter les obligations de quitter le territoire français (OQTF) prononcés contre des ressortissants algériens.
Les Français sont, à l'inverse, considérés en Algérie comme des étrangers comme les autres. Moins que les autres, s'ils sont journalistes, enseignants ou religieux.