Pourtant ce sont les seules teintes que je supporte. Quand on ajoute des couleurs, elles bavent et ne semblent pas réelles.
Comme je sais que le gris n'est lui non plus pas réel. Mais c'est la seule couleur qui reste pourtant, quand on nettoie tout, et qu'il ne reste rien d'autre que deux pauvres jambes, deux pauvres bras, bons à rien, incapables de s'accrocher à quoi que ce soit.
C'est une chute perpétuelle dans laquelle l'univers ne veut pas s'obscurcir définitivement. Ne veut pas se refermer sur nous.
La grisaille est un état de mort somnolente ou la vie chuchote en arrière plan des rêves déçus. Des rêves passés. Des espoirs que l'on n'atteindra plus.
Et je me nourris avec empressement de ces restes frivoles. Des bouts de papiers qui virevoltent. Des yeux tristes posés sur une assiette en carton et ses quelques rognures.
Le gris est la, comme un mascara mouillé qui ne s'assèche pas. Et le blanc de l'œil lui, qui continue de luire dans le noir. De nuire et de choir.
Le temps passe avec effroi. Voila que je me couvre de plus en plus. Avec mes propres contradictions, mes propres vertiges.
J'ai rêvé d'un monde en noir et blanc. Je n'ai toujours regardé le ciel uniquement pour que sa blancheur m'illumine de sa clarté immaculée.
Et j'ai obtenu le gris comme résultat. Sa fadeur. Je me noie dans son indigence.
On nous a balancé des couleurs plein la caboche. Mais moi je n'ai jamais voulu aucun de ces expédients bon marché. Je vis pour la seule et unique. Je vis pour qu'elle me remarque. Et sur sa route, des monceaux de cadavres que j'irai rejoindre.
Sa route vaine. Qui ne mène nulle part. Sa route surement trop orgueilleuse pour son propre bonheur. Sa route terne et grise.
Je l'emprunte encore une fois.
Encore un jour. Mais jamais je n'oublierai les chimères qui peuplent mon cœur. Les seules en qui je crois. Ma seule parcelle d'humanité. Mon regard posé sur cette caisse en bois, et ces rognures foutues en l'air que j'ai balancées. Je me couvre.
Demain encore un autre pas.