Topic de Diacosme340 :

La GRANDEUR de la musique populaire

Supprimé
  • 1

https://youtu.be/2WCDREx8Jtw

Voilà ce qui est noble, et grand. C’est cette petite musique là, ce tas de fumier ensanglanté auréolé de la noblesse toute simple de l’âme gueuse.

Cette chanson, n’est-ce pas une de ces braves bêtes de somme qui vous regardent avec leur œil pur et idiot pendant qu’elles montent au front se faire dévider les tripes ? De celles qui se meuvent jusqu’au feu, qui avancent indolemment dans l’air sulfuré jusqu’à la première ligne avec son tonnerre mécanique et sa pluie d’acier, veinant le minerai du ciel.

Oui, c’est ça, une brave bête de somme qui avance en somnolant, autour ça saigne, ça ampute, ça hurle, ça crie à Dieu, mais elle, elle couvre pudiquement tout ça de ses paupières, et en dessous, un soleil de midi, dans un écrin d’azur mortuaire.

Et elle d’ailleurs, on le sait, un obus de 75 va bientôt l’écraser, la pauvre bête, et là voilà qui se met à crever, pour sûr, c’est que ça tire bien un canon français, et là voilà qui s’effondre, et son œil tout jaune vrille le nôtre, et l’on voit son ventre se répandre en ragoût sur le sol, et l’on entend un hurlement briser le roulement grandiloquent de la guerre industrielle, et la voilà déjà crevée, et les hommes le voient, et ils en pleurent, et ils disent que c’est pas juste, qu’elle aurait pas du être là disent-ils, il demandent au Cap’taine, lui que ça ne devrait pas, et le Cap’taine répond que, il répond lui aussi que ça ne devrait pas, et les larmes coulent, et pendant qu’ils rempilent les cadavres de leurs camarades sur le bord de la tranchée, les larmes coulent, mille larmes.

Et le jour passe, le sang coule en rivières, le courant charrie boue et cadavres, ça part en morceaux, et maintenant ça fait un bras autour de la pauvre bête, la pauvre bête est toute recouverte de sang, et ses paupières couvrent ses yeux jaunes tout vrillés, et derrière une nuit de jais, juste le noir, plus rien, juste le noir, crient les hommes, ils voient comme elle rougit, et l’un d’eux se saisit d’une pelle, il jette sur la pauvre bête des pelletées de terre, et elle s’enfonce dans l’humus, la rivière change de sens, la pauvre bête disparaît, la terre l’absorbe, et une balle française fauche le gars, et il tombe, les hommes le voient, et ils se détournent, et maintenant, il n’y a plus qu’un mamelon maternel posé sur le champ de bataille, érigé plus haut que les arbres brûlés et les collines rasées, dans l’œil de la tempête d’un bleu éclatant, cerné du brasier universel.

Et la pauvre bête repose dans ce sein lourd, sous ce voile blanc, juste une paupière de porcelaine, pudiquement jetée sur ce qui crève au dehors, et au dedans, une nuit de lait, rien, juste une nuit de lait, constellée de myriades d’étoiles de jais, juste rien, une voûte lactée, et mille âmes noires, et c’est mieux m’Cap’taine, c’est bien, ce qu’il a fait, elle est sous une voûte lactée, et la Madone elle doit sourire, m’Cap’taine, juste une nuit de lait, et milles yeux noirs, c’est mieux m’Cap’taine, milles yeux noirs …

Le jour décroit, et tandis que le soleil passe au dessous de l’Occident, un nouveau crucifié émerge du sein vierge. Il monte vers le ciel, d’apparence indistincte, caché aux yeux par la nuit. En bas ça bombarde, ça crève, et le sang monte jusqu’aux pieds cloués. Mais ce qui est fait est fait.

Une lumière cristalline embrase les braves yeux jaunes, vrillés, grand ouverts. Une clarté s’épanche de son regard, la nuit devient de lait, et les hommes ne voient plus que la pauvre bête en majesté, et ils ne voient plus que son cou, et à son cou, le collier éclatant de milles larmes, rosées par le crépuscule défunt.

Cette brave bête vaut plus que les poètes faméliques qui dédient leurs existences à méditer leur science fausse et peu profonde.

  • 1

Données du topic

Auteur
Diacosme340
Date de création
4 août 2022 à 20:59:17
Date de suppression
4 août 2022 à 22:33:00
Supprimé par
Auteur
Nb. messages archivés
2
Nb. messages JVC
2
En ligne sur JvArchive 128