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Louise Morel: “Une fois qu’on a goûté au bonheur lesbien, il n’y a aucune raison d’y renoncer”

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"Dans un essai brillant et drôle au titre provocateur, “Comment devenir lesbienne en 10 étapes”, Louise Morel
raconte son parcours d’“hétéra” devenue lesbienne sur le tard. Elle défend l’idée d’un choix et invite toutes les femmes à interroger leur hétérosexualité.

Son livre, au titre si provocateur, est une pépite. Si le projet est né d’une plaisanterie entre elle et son éditrice, il est vite devenu un essai à la fois brillant et joyeux. Dans Comment devenir lesbienne en 10 étapes (Éd. Hors d’atteinte), Louise Morel revient sur son parcours d’hétéra (Ndlr: la féminisation du mot “hétéro”) devenue lesbienne à presque 30 ans.

Il y a un peu plus d’un an, l’autrice de 31 ans, bientôt 32, a quitté la région parisienne pour s’installer à Berlin avec sa compagne et y travaille désormais comme analyste financière. Dans ce premier essai, Louise Morel fustige l’hétérosexualité comme régime politique et clé de voûte du patriarcat, défend l’idée du choix de son orientation sexuelle et invoque le droit au changement, même si aujourd’hui elle dit: “Une fois qu’on a goûté au bonheur lesbien, il n’y a aucune raison d’y renoncer.” Elle encourage aussi les femmes à interroger leur hétérosexualité avant de leur livrer des conseils concrets sur l’entrée en lesbianisme avec un prosélytisme allègre et décomplexé.

Comment est née l’idée de ce livre?

Il y a eu deux déclencheurs. Le premier, c’est la création, il y a plus de deux ans, de mon compte Instagram @jesuisgouine, qui s’appelle maintenant @jesuislouisemorel. J’ai commencé à publier des textes sur le fait d’être devenue lesbienne après avoir été longtemps hétéra. J’étais frustrée d’avoir si peu de ressources sur des parcours similaires au mien et je voulais voir si mes écrits allaient trouver de l’écho. Ça a été le cas, j’ai reçu beaucoup de messages de femmes qui, comme moi, étaient devenues lesbiennes sur le tard. Le second déclencheur, c’est une discussion avec mon éditrice lors de la publication de mon premier roman, Ressource humaine: on a engagé un débat sur l’hétérosexualité, je lui ai dit que j’étais soulagée d’être devenue lesbienne et on a blagué sur le fait d’écrire un guide pour devenir lesbienne. Et finalement ça a donné lieu à cet essai.

Tu as le sentiment d’avoir fait un choix en devenant lesbienne, cette notion de choix fait souvent partie de l’argumentaire des homophobes, que réponds-tu à cette critique?

Je comprends totalement que cette notion de choix crispe certaines personnes et pourtant, c’est comme ça que je le ressens. C’est un choix au sens fort, intime, on est loin du caprice: ce n’est pas une décision prise sur un coup de tête, une lubie. Et puis je trouve dangereux de dire qu’on ne choisit jamais son orientation sexuelle pour se défendre face aux homophobes car ça revient à dire que les sexualités non-hétéros sont acceptables seulement si elles ne sont pas éradicables et que sinon, ce serait OK de les supprimer. Je reconnais évidemment que certaines personnes n’ont pas eu le sentiment de faire un choix, qu’elles l’ont toujours su et que ça a été parfois douloureux mais il n’existe pas un seul parcours de lesbienne, il faut accepter qu’il en existe d’autres.

Tu écris que l’hétérosexualité n’est pas qu’une préférence sexuelle, mais aussi un “régime politique”, est-ce une façon d’inviter les femmes à interroger davantage leur hétérosexualité?

Oui complètement, c’est même l’objectif du livre! Ça peut paraître provocateur ou choquant mais je souhaite que les personnes qui lisent mon livre se posent deux minutes et s’interrogent sur leur orientation sexuelle. La question du choix me semble cruciale car elle permet de dénaturaliser l’hétérosexualité. On peut la remettre en cause à tout moment: même si vous êtes hétéro aujourd’hui, ça ne signifie pas que vous le serez demain. L’hétérosexualité est une notion construite et ce serait intéressant que les personnes sexisées se demandent ce qui relève de leur désir profond et ce qui relève de la sociabilisation et de la soumission aux normes.

Tu te revendiques lesbienne politique, c’est bien plus qu’une orientation sexuelle, non?

Il y a souvent un malentendu quand je dis que je suis une lesbienne politique. Beaucoup pensent que je suis féministe et que donc je vais coucher avec des femmes. Non, je ne suis pas en couple par adhésion à une idéologie féministe, c’est plutôt que je donne un sens politique et militant à mon lesbianisme. Ce dernier est nourri par mon engagement politique et féministe et en retour, mon lesbianisme nourrit mon engagement politique et féministe.

Ce livre est construit comme un guide de développement personnel avec des conseils pratiques, c’était important pour toi de donner des outils qui t’ont peut-être manqué à l’époque?

Oui, c’était très important car je trouve que la majorité des livres sur le lesbianisme proposent une approche théorique. C’est bien mais il y a aussi des questions pratiques qui se posent. Comment rencontrer d’autres femmes? Comment faire pour être reconnue en tant que lesbienne? Quels sont les codes? Beaucoup de femmes sont freinées dans leur exploration lesbienne par ce genre de questionnements donc il me semblait nécessaire d’essayer d’y répondre. La sexualité aussi est un sujet concret que je trouvais intéressant d’aborder dans le livre: j’ai souvent entendu dire qu’entre femmes, les choses se faisaient naturellement, que j’allais savoir quoi faire mais ça n’a pas du tout été mon cas. Je ne savais pas m’y prendre, ça faisait partie des points qui m’interrogeaient et je ne savais pas par où commencer à chercher pour avoir des infos.

Tu évoques dans ton essai la dévalorisation du féminin dans la société en général mais aussi la rivalité féminine qui est encouragée dès le plus jeune âge, est-ce qu’elles peuvent parfois constituer des freins au lesbianisme?

Oui, tout à fait! Je pense que ce n’est pas évident de construire un désir pour les femmes quand le féminin est sans cesse dévalorisé. Dans la société patriarcale dans laquelle on vit, seul le masculin a de la valeur. On peut ressentir le besoin d’être validé par le désir masculin alors que le désir féminin, lui, ne présente aucun intérêt. Quant à la rivalité féminine, elle crée une ambiance de compétition qui peut tuer le désir dans l’oeuf. Lorsqu’une femme trouve une autre femme belle, elle peut se sentir insécurisée et ce n’est pas propice à laisser s’épanouir le désir. Au lieu d’être tout simplement touchée par son intelligence, sa beauté, on se dit qu’on doit être au niveau.

Tu écris qu’il n’est pas nécessaire “de détester le sexe hétéro pour devenir lesbienne”, c’était important pour toi de le préciser?

Oui, car à part Virginie Despentes qui le dit en creux, je ne l’ai jamais vu écrit nulle part. Quand j’ai commencé à lire certaines autrices lesbiennes qui parlaient de leur expérience de l’hétérosexualité comme quelque chose d’horrible, je ne me suis pas reconnue et j’ai eu l’impression de ne pas être une vraie lesbienne. Pour ma part, je garde un bon souvenir de mes relations sexuelles avec des hommes et je pense que si on le disait plus souvent, davantage de femmes se sentiraient concernées par le lesbianisme.

Ressentez-vous un certain soulagement de ne plus être hétéra?

Oui, je suis soulagée de ne plus avoir l’exclusivité de la charge émotionnelle de la relation car désormais je suis avec une personne qui peut me parler de ses émotions, idem pour la charge mentale et les tâches domestiques. Et puis les hommes cis hétéros peuvent souvent se comporter comme des enfants et là, j’ai une adulte en face de moi, et de cette façon j’économise énormément d’énergie! Et au-delà du soulagement, je ressens aussi beaucoup de joie! J’ai l’impression de pouvoir être moi-même, de nouer une relation plus forte, plus intime, plus joyeuse. La sexualité est géniale, beaucoup plus libre et plus jouissive. Enfin, j’ai découvert la culture lesbienne qui est un régal d’inventivité, d’humour et d’intelligence.

En 2019, comme tu le rappelles dans ton livre, Virginie Despentes disait “à mon avis, dans 20 ans, la plupart des meufs sont lesbiennes.” Qu’en penses-tu?

Je n’y crois pas car l’hétérosexualité est la clé de voûte du patriarcat, c’est elle qui fait tenir tout l’édifice. Si les femmes deviennent lesbiennes, elles le feront exploser mais 20 ans, c’est un poil court!

Comment devenir lesbienne en 10 étapes, Louise Morel, Éd. Hors d’atteinte

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Auteur
puceauvage
Date de création
4 juillet 2022 à 22:05:39
Date de suppression
4 juillet 2022 à 23:36:57
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