3Ainsi, restés depuis des siècles à l’écart des grandes évolutions du monde, façonnés par un enseignement religieux formaliste et autoritaire, habitués à considérer certaines valeurs simplistes comme des dogmes intouchables, les Nord-Africains étaient considérés comme des primitifs : ils réagissaient souvent de manière fruste et ils conservaient une psychologie infantile. Dans un article empreint de sympathie pour les Maghrébins, Le Peuple, quotidien de la CGT, soulignait pourtant le manque de mesure de ces « âmes primitives » et leur « sauvagerie naturelle »2. Le juriste Norbert Gomar comparait les Algériens à de « grands enfants sans défense »3. Le communiste Georges Altmann observait qu’ils formaient une « main-d’œuvre docile et fruste »4. Il semblait donc que les immigrés traversant la Méditerranée étaient condamnés à ne pas comprendre la vie française et à rester en marge. S’ils restaient fidèles à leur culture ancestrale, ils perdaient toute chance de s’adapter ; s’ils se dégageaient de leur carcan, ils n’étaient pas prêts à assumer cette liberté nouvelle et ils se trouvaient « brûlés par une civilisation encore trop compliquée pour eux »5. Les romanciers mettaient en scène des immigrés nord-africains incapables de s’accoutumer au milieu français et, de ce fait, victimes de nombreuses misères sociales.