Aide philo
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quelqu'un peut m'aider Ă comprendre svp :
Certains rouges de Matisse, par exemple, provoquent une jouissance sensuelle chez
celui qui les voit. Mais il faut nous entendre : cette jouissance sensuelle, si on la considère
isolément – par exemple si elle est provoquée par un rouge donné en fait dans la nature – n’a
rien d’esthétique. C’est purement et simplement un plaisir des sens. Lorsqu’on saisit, au
contraire, le rouge sur le tableau, on le saisit, malgré tout, comme faisant partie d’un ensemble
irréel et c’est dans cet ensemble qu’il est beau. Par exemple c’est le rouge d’un tapis près d’une
table. Il n’est d’ailleurs jamais couleur pure. L’artiste, même s’il se préoccupe uniquement de
rapports sensibles entre les formes et les couleurs, a précisément choisi un tapis pour redoubler
la valeur sensuelle de ce rouge : des éléments tactiles par exemple doivent être intentionnés1
Ă
travers ce rouge, c’est un rouge laineux parce que le tapis est d’une telle matière laineuse. Sans
ce caractère « laineux » de la couleur quelque chose serait perdu. Et certes le tapis est peint lĂ
pour le rouge qu’il justifie et non le rouge pour le tapis. Mais si précisément Matisse a choisi
un tapis plutôt qu’une feuille de papier sèche et glacée, c’est à cause de l’amalgame voluptueux
que constitueraient la couleur, la densité et la qualité tactile de la laine. Par suite on ne peut
jouir véritablement du rouge qu’en le saisissant comme rouge de tapis, donc comme un irréel.
[..] On a coutume, depuis le cubisme, de déclarer que le tableau ne doit pas représenter ou
imiter le réel mais qu’il doit constituer par lui-même un objet. Cette doctrine, en tant que
programme esthétique est parfaitement défendable et nous lui devons de nombreux chefsd’œuvre. Encore faut-il bien l’entendre. Si l’on veut dire que le tableau, tout dépourvu de
signification qu’il soit, se présente en lui-même comme un objet réel, on commet une grave
erreur. Certes il ne renvoie plus à la Nature. L’objet réel ne fonctionne plus comme analogon2
d’un bouquet de fleurs ou d’une clairière. Mais quand je le « contemple », je ne suis pas, pour
autant, dans l’attitude réalisante. Ce tableau fonctionne encore comme analogon. Simplement
ce qui se manifeste à travers lui c’est un ensemble irréel de choses neuves, d’objets que je n’ai
jamais vus ni ne verrai jamais mais qui n’en sont pas moins des objets irréels, des objets qui
n’existent point dans le tableau, ni nulle part dans le monde, mais qui se manifestent à travers
la toile et qui se sont emparés d’elle par une espèce de possession. Et c’est l’ensemble de ces
objets irréels que je qualifierai de beau.
SARTRE, L’imaginaire (1940
Le 19 mai 2022 Ă 18:38:43 :
Qu'est ce que tu n'as pas compris ?
cette partie la me pose problème :
" Et certes le tapis est peint lĂ
pour le rouge qu’il justifie et non le rouge pour le tapis. Mais si précisément Matisse a choisi
un tapis plutôt qu’une feuille de papier sèche et glacée, c’est à cause de l’amalgame voluptueux
que constitueraient la couleur, la densité et la qualité tactile de la laine. Par suite on ne peut
jouir véritablement du rouge qu’en le saisissant comme rouge de tapis, donc comme un irréel."
Le 19 mai 2022 Ă 18:51:57 Pomme5702 a Ă©crit :
Le 19 mai 2022 Ă 18:38:43 :
Qu'est ce que tu n'as pas compris ?cette partie la me pose problème :
" Et certes le tapis est peint lĂ
pour le rouge qu’il justifie et non le rouge pour le tapis. Mais si précisément Matisse a choisi
un tapis plutôt qu’une feuille de papier sèche et glacée, c’est à cause de l’amalgame voluptueux
que constitueraient la couleur, la densité et la qualité tactile de la laine. Par suite on ne peut
jouir véritablement du rouge qu’en le saisissant comme rouge de tapis, donc comme un irréel."
Je pense qu'il dit que le beau en peinture suppose de saisir les éléments non pas selon la matérialité pure du tableau, ni selon la conception traditionnelle du tableau qui représenterait le réel donc selon le réel représenté, mais de saisir les éléments selon les objets créés par le tableau, c'est ce qu'il appelle les irréels.
Car il veut sauver le tableau comme objet à part entière et non plus seulement comme référence vers autre chose, sans pour autant devoir dire que le sentiment de beau ne vient que de la matérialité du tableau en soi.
Le 19 mai 2022 Ă 19:01:42 :
Le 19 mai 2022 Ă 18:51:57 Pomme5702 a Ă©crit :
Le 19 mai 2022 Ă 18:38:43 :
Qu'est ce que tu n'as pas compris ?cette partie la me pose problème :
" Et certes le tapis est peint lĂ
pour le rouge qu’il justifie et non le rouge pour le tapis. Mais si précisément Matisse a choisi
un tapis plutôt qu’une feuille de papier sèche et glacée, c’est à cause de l’amalgame voluptueux
que constitueraient la couleur, la densité et la qualité tactile de la laine. Par suite on ne peut
jouir véritablement du rouge qu’en le saisissant comme rouge de tapis, donc comme un irréel."Je pense qu'il dit que le beau en peinture suppose de saisir les éléments non pas selon la matérialité pure du tableau, ni selon la conception traditionnelle du tableau qui représenterait le réel donc selon le réel représenté, mais de saisir les éléments selon les objets créés par le tableau, c'est ce qu'il appelle les irréels.
Car il veut sauver le tableau comme objet à part entière et non plus seulement comme référence vers autre chose, sans pour autant devoir dire que le sentiment de beau ne vient que de la matérialité du tableau en soi, de la perception sensible de ses éléments.
merci pour ton aide
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Données du topic
- Auteur
- Pomme5702
- Date de création
- 19 mai 2022 Ă 18:33:22
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