La prise en main du marché de rue du crack par des filières ouest-africaines au début des années 1990 reste d’actualité. Le trafic est majoritairement le fait d’hommes, d’origine sénégalaise, appartenant à l’ethnie wolof, habituellement dénommés modous (terme wolof qui désigne un colporteur ou un revendeur ambulant). Le rôle-clé de la confrérie mouride La recherche a permis de confirmer l’hypothèse avancée par des chercheurs spécialistes des économies illégales ou des journalistes quant au rôle capital joué par la confrérie dite des Mourides, sans laquelle on ne peut comprendre la résilience et l’efficacité du marché du crack parisien depuis trente ans. Elle apparaît comme la plus puissante au Sénégal en termes d’influence politique et de moyens. Si elle s’inscrit dans la tradition de l’islam confrérique africain rattachée à la tradition soufie, elle n’en possède pas moins des spécificités qui expliquent la présence de ses membres, au Sénégal comme dans le reste du monde (États-Unis, Italie, Espagne, France...), sur un certain nombre de marchés, licites comme illicites (contrebande de cigarettes, d’objets d’art, contrefaçon, bibelots touristiques ou revente de drogues comme le crack à Paris). La première est la valorisation des parcours migratoires qui invite les membres de la confrérie à partir à l’étranger pour ainsi revivre l’expérience du cheikh fondateur, exilé par le colonisateur français, et du prophète Mahomet exilé à Médine. La seconde est la mise en avant de l’enrichissement personnel et celui de la communauté via d’importants flux d’argent en direction des Marabouts (ou Cheikhs), à travers une véritable valorisation du travail et de l’entrepreneuriat (Sall, 2014). Au fil des ans, ces communautés sénégalaises transnationales ont fini par créer des réseaux économiques formels et informels dans le cadre d’une « mondialisation par le bas » (Tarrius, 2002). L’unité de la confrérie est maintenue par l’entretien de liens puissants des Mourides immigrés avec le pays d’origine ainsi que sur de fortes valeurs de solidarité. Ainsi, les candidats à l’immigration dans la région parisienne peuvent s’appuyer sur une diaspora nombreuse et dynamique.