La journée passe relativement vite, alors que j’enchaîne les longueurs dans la piscine olympique, je pense à cette fille que je vois dans une heure. Je ne suis plus stressé par les dates. J’ai appris le fonctionnement systémique de ces rendez-vous. Le premier regard est le plus important, il sonne dans le trois quart des cas la fin prématurée de la relation. Elle était mieux en photo... Elle a triché sur sa taille ou son nombre de kilos et rien ne saurait la sauver de son mensonge, pas même la grandeur de son esprit ou le poids de ses mots. Les applications de rencontres sont responsables du plus grand génocide de notre époque, celui des amours avortés trop tôt. Dans de rares cas, ceux où la personne en face de nous ne fait pas honte au fantasme par lequel on se l’était représenté, le rendez-vous se déroule de manière plutôt agréable, puis se conclut éventuellement par un baiser ou des ébats de qualité variables. Puis chacun rentre chez soi et retourne à ses propres occupations. Parfois, on se revoit et on recommence, jusqu’à ce que l’un des deux se lasse, souvent la femme. Elle a en effet plus de pression, le temps qu’elle passe avec son amant de fortune doit justifier le coût des aventures qu’elle manque ailleurs. L’homme moyen, lui, jouit de ce miracle du mieux qu’il peut, se rassasie de cette tendresse et de cette volupté, se désaltère dans cet oasis au milieu du désert affectif. Il consomme la relation, plus qu’il ne l’alimente, il se réchauffe auprès du feu en oubliant que celui-ci doit être entretenu. On se consomme, on se consume, entre deux pauses clopes, on s’aime en chute libre.