Imagine, si tu veux, que tu es dans un parc, assise sur l'herbe avec une amie.
Ton ami(e) est en train de parler et de partager avec toi quelque chose de très délicat, d'intime. C'est le genre de chose que tu as envie de tenir si délicatement.
Douchka, dit-il. Je souffre d'une faim terrible, insatiable.
Pendant qu'il dit cela, tu remarques qu'il tient un sandwich.
Je ne sais pas quoi faire de ma faim, dit-il. Je ne rencontrerai probablement plus jamais de nourriture.
Il baisse la tête.
Le sandwich est juste là dans sa main, et tu peux le voir si clairement. Le petit pain bretzel légèrement grillé et les épaisses tranches de jambon. La généreuse tartine de moutarde à l'ancienne. La tranche inattendue de courge musquée d'un orange vif. La roquette fraîche, pour le goût poivré mais aussi pour l'équilibre de la couleur. Ce n'est pas seulement un sandwich. C'est un prix.
À ce stade, ce que je veux faire, avec urgence, avec désespoir, c'est dire "Il y a un sandwich dans tes mains ! Tu tiens déjà tout ce que tu veux ! Que se passe-t-il ? Comment peux-tu ne pas voir ce qui est si clairement en ta possession ?".
Ce que cela fait de moi, c'est un terrible auditeur. Pour lui, sa faim est réelle, et je nie son expérience. Je porte un jugement sur sa perception et sa prise de décision. Je le rabaisse au moment même où il se rend vulnérable en partageant cette faim avec moi.
Si tu veux devenir un meilleur auditeur, ferme-la à propos du sandwich.
