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"La France, terre d’asile médical… quoi qu’il en coûte"

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https://www.lefigaro.fr/actualite-france/la-france-terre-d-asile-medical-quoi-qu-il-en-coute-20211212

DÉCRYPTAGE - Issus de 127 pays, près de 26.000 étrangers malades ont voulu, l’an dernier, selon l’Ofii, bénéficier du système de santé tricolore, le plus généreux au monde.

L’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) dit tout ou presque sur les étrangers qui réclament un titre de séjour en France pour raisons médicales. Le Figaro a pu accéder à son dernier rapport sur la «Procédure d’admission au séjour pour soins». Un document remis tous les ans au Parlement, comme la loi l’exige, mais qui, curieusement, ne fait jamais l’objet d’un débat en commission des affaires sociales. Truffé de chiffres, d’analyses et de recommandations, il éclaire pourtant utilement les conditions et l’étendue de la prise en charge sur le territoire national des étrangers malades.

Les premiers à frapper au guichet français en 2020 étaient Algériens (2712 demandeurs, soit 10,4% des dossiers), Ivoiriens (1764 demandeurs), Congolais (1603), Camerounais (1476), Guinéens (1442), Géorgiens (1174), Maliens (1131), Comoriens (1084), mais aussi Haïtiens, Marocains, Tunisiens ou Russes. Pas moins de 127 nationalités. Où l’on trouve même quelques ressortissants japonais, saoudiens, émiratis, canadiens et américains. Pas forcément des pays où la médecine laisse à désirer.

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Ce dispositif «reste une exception française dans le monde» et «permet chaque année depuis sa création à des dizaines de milliers de personnes étrangères éligibles de se faire soigner, même dans des secteurs en tension», rappelle l’Ofii, dirigé par le préfet Didier Leschi.Ces personnes sont«prises en charge à travers des cotisations versées par les partenaires sociaux ou par l’impôt, et ce quel qu’en soit le coût», précise le rapport. À le lire, depuis 2017, «77% des avis favorables transmis au préfet indiquent une durée prévisible de soins supérieure ou égale à 12 mois».

Ce filet social totalement gratuit vient en complément du système de l’aide médicale d’État (AME) qui, elle, s’applique aux clandestins et dont la députée (LR) de l’Orne, Véronique Louwagie, a estimé en mai dernier le coût annuel à plus de 1 milliard d’euros.

Il y a, c’est évident, de plus en plus une migration pour soins
L’admission au séjour pour soins est donc réservée, en principe, aux étrangers les plus malades. Ceux qui seraient, d’une part, exposés à «des conséquences d’une exceptionnelle gravité» s’ils n’étaient pas soignés. Et qui, d’autre part, ne pourraient bénéficier d’un traitement approprié dans leur pays d’origine.

En clair, même lorsque le traitement existe dans le pays du demandeur, il suffit que celui-ci ne puisse pas y accéder chez lui pour qu’il soit en droit de le réclamer en France. Un médecin de l’Ofii le dit: «Il y a, c’est évident, de plus en plus une migration pour soins.» Selon ce professionnel, «à l’origine, le système mis en place était surtout destiné aux immigrés résidant habituellement en France mais, au fil du temps, la pression des candidats fraîchement arrivés de l’étranger s’est faite de plus en plus forte. Elle a épousé les immenses besoins de santé de ces populations.» Un haut fonctionnaire de la place Beauvau renchérit: «Le parcours migratoire revient fréquemment à ce que le dépôt d’une demande de titre de séjour pour soins soit formulé quand le candidat s’est vu refuser une demande d’asile.» Comme une solution de la deuxième chance.

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Les Syriens, Érythréens ou Afghans, qui bénéficient facilement d’une protection internationale, déposent rarement des demandes de titre pour soins. En revanche, «les demandeurs des autres nationalités sont le plus souvent déboutés du droit d’asile» et «nombre d’entre eux déposent alors une demande de titre de séjour pour soins», confirme l’Ofii dans son rapport.

Depuis une loi de 2016, c’est le service médical de l’Ofii qui instruit donc les demandes. Son avis cependant ne lie pas les préfets qui accordent ou non les titres de séjour donnant accès aux soins.

L’an dernier, sur 25.987 demandes déposées, 54,5% émanaient d’hommes, âgés en moyenne de 39 ans, 45,5% de femmes, âgées en moyenne de 44 ans, et 8,6% de mineurs
Selon l’Ofii, «entre 2017 et 2020, 26.900 personnes ont effectué une demande pour soins psychiatriques, 17.150 pour le traitement du VIH sida, 16.927 pour le diabète, 14.400 pour le cancer, 4744 pour la dialyse et 2186 pour la greffe d’organes». Des demandes qui ont entraîné un avis favorable des médecins de l’Ofii dans les deux tiers des cas.

L’an dernier, sur 25.987 demandes déposées, 54,5% émanaient d’hommes, âgés en moyenne de 39 ans, 45,5% de femmes, âgées en moyenne de 44 ans, et 8,6% de mineurs. Le taux d’avis favorables des médecins, qui grimpe d’année en année, s’élevait en 2020 à 66,3%, ce qui correspond à plus de 16.000 demandes validées par le corps médical. Par ailleurs, 62,5% des demandes consistaient en des renouvellements et 37,5% correspondaient à des premières demandes, soit environ 6000 nouveaux dossiers.

Oubliés des statistiques
«La redevabilité de cette solidarité nationale particulièrement généreuse et son acceptabilité sociale sur la longue durée exigent rigueur, déontologie et transparence qui engagent la responsabilité de l’Ofii, mais aussi celle de tous les acteurs concernés», estiment les rédacteurs du rapport.

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Combien de titres de séjours véritablement délivrés pour raison de santé? Le rapport de l’Ofii ne le dit pas. Il publie bien un état des «premiers titres de séjour pour soins délivrés à des étrangers majeurs en métropole», où l’on constate que le nombre d’étrangers malades pris en charge dans ces conditions est passé de 6850 en 2016 à 3694 en 2020. Seulement voilà: les étrangers entrant par les départements d’outre-mer sont oubliés de ces statistiques, ainsi que les mineurs. Les renouvellements de titres, pourtant nombreux, y échappent également. Les titres de séjour concernés sont décernés pour «vie privée et familiale» pour un an et peuvent être prolongés le temps des soins. Des «titres pluriannuels» de quatre ans peuvent aussi être attribués.

«Nous n’avons pas de retour exhaustif sur les suites données à nos avis», avoue un cadre de l’Ofii. Impossible de connaître également le panier moyen de soins accordé au titre de la procédure que gère cet organisme. Les professionnels reconnaissent seulement qu’il est forcément plus élevé que celui du bénéficiaire de l’AME, puisque ne sont concernés que les cas plus lourds au plan médical. Rappelons que le «montant moyen» annuel de l’AME par clandestin avoisine les 3000 euros avec, en 2020, pas moins de 380.000 allocataires, selon le rapport Louwagie.

S’il n’existe pas de consensus clair sur la question de l’État au regard duquel l’offre de soins doit être examinée, c’est la question de l’opportunité de demandes de titres de séjour pour soins en France de ressortissants en possession d’un titre de séjour dans un autre État membre de l’Union européenne, ou assimilé, qui se pose

Les rapporteurs de l’Ofii.
La pandémie a-t-elle eu une incidence sur la gestion des titres de séjour pour soins, formule unique en son genre? L’Ofii a constaté une baisse de 11,6 % des demandes l’an dernier, qu’il attribue à «la limitation des déplacements liée au Covid-19». Concernant les maladies infectieuses, il se réjouit que les fraudes aux analyses biologiques soient «devenues dorénavant exceptionnelles». Ce qui était loin d’être le cas en 2017 et 2018.

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Les rapporteurs de l’Ofii attirent l’attention des pouvoirs publics sur un certain nombre de points. «S’il n’existe pas de consensus clair sur la question de l’État au regard duquel l’offre de soins doit être examinée, c’est la question de l’opportunité de demandes de titres de séjour pour soins en France de ressortissants en possession d’un titre de séjour dans un autre État membre de l’Union européenne, ou assimilé, qui se pose», écrivent-ils. Beaucoup de Subsahariens venus d’Italie ou d’Espagne demandent, par exemple, à se faire soigner gratuitement dans l’Hexagone alors que ces pays voisins disposent de traitements adaptés pour ce public dont ils sont censés assurer la prise en charge.

La France a décidément bien des avantages. Elle demeure, pour l’heure, la destination pour soins la plus prisée. Ce qui représente un honneur mais aussi une charge.

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OrangeFibred
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13 décembre 2021 à 00:22:49
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