[RISITAS] Ma vie de professeur de français en Espagne

L'histoire que je vais vous raconter est totalement véridique et est toujours d'actualité aujourd'hui.

Il y a un mois et demi j'arrivais dans un petit village espagnol pour donner des cours de français dans un lycée. C'est un petit village charmant et très authentique, je me suis d'ailleurs rendu compte assez rapidement que j'étais le seul étranger du village, c'était assez déroutant au début puisque les villageois me fixaient parfois avec étonnement et insistance.

Concrètement, dans mon travail j'ai très peu d'heures de cours, environ 15 heures par semaine, ce qui fait que j'ai du temps pour raconter à mes clés préférés mes petites aventures. Avant cela, j'avais déjà vécu 6 mois en Espagne pour un stage de fin d'études, j'ai donc désormais un niveau d'espagnol correct me permettant de me débrouiller au quotidien.

Qui dit petit village, dit recherche de logement compliquée.
La première semaine, j'arrive non sans mal à obtenir une visite dans un appartement situé à 5 minutes de mon lycée. Je visite l'appartement et honnêtement je ne suis pas emballé. C'est un appartement relativement vétuste, un mélange d'odeur de cigarette et de transpiration émane de la cuisine. Tout semble un peu vieillot dans cet appartement. Le bois est très abîmé, certains murs sont en mauvais état et les portes font un bruit monstre.

Néanmoins, je tiens à souligner qu'il est éminemment propre, rien ne traîne par terre, tout est à sa place dans la cuisine et dans la salle de bain.

En plus, c'est pas comme si j'avais vraiment le choix, j'ai dû suer pour ne dénicher ne serait-ce qu'une seule visite dans ce trou pommé. C'est pas comme si je pouvais faire le difficile.
D'autre part, je dois dire que le loyer est vraiment très abordable et ce malgré mon petit salaire d'assistant prof.

C'était décidé, j'allais recontacter le propriétaire et l'informer que je souhaite louer une chambre dans son appartement, pour une durée approximative de 8 mois. À partir de ce moment je ne le savais pas encore, mais les choses allaient drastiquement changer dans ma vie.

Le jeudi, j'installais mes affaires dans l'appartement et découvrais avec stupeur que le propriétaire ne fournit que très peu de choses dans son logement: trois verres, deux assiettes, une poêle, une casserole et une mini-passoire. Le logement ne dispose pas d'internet, n'a pas de cintres, n'a pas de four et n'a pas de radiateurs, alors que les hivers sont rudes dans cette partie de l'Espagne.

Bon c'est dommage pensais-je, il va falloir passer à la caisse pour meubler un peu le logement.

Jusque-là je rappelle, je n'avais pas encore vu mes colocataires. Tout ce que je savais d'eux, c'était uniquement ce qu'avait bien voulu me raconter le propriétaire.
Il m'avait simplement dit que deux hommes vivent déjà dans l'appartement depuis 1 mois. D'après lui, l'un est professeur d'histoire géographie dans le même lycée que moi, nous l'appellerons Juan.

L'autre est professeur de musique, il donne des cours particuliers et se dédie également à la réparation de deux maisons qu'il souhaite vendre par la suite, nous l'appellerons Francisco.

Dès le début, la description de ce professeur de musique/maçon m'avait intrigué. Je me demandais comment le type trouvait le temps pour s'adonner à la fois à la musique et à la réparation. Mais bon, la réparation de maisons ça doit être un passe-temps qui lui permait de gagner plus d'argent, me disais-je.

Le premier contact que j'ai avec le professeur de musique ne me rassure pas.

Je comprends tout de suite que ce Francisco est un personnage bien particulier, avec un code de conduite assez déroutant.

Tout d'abord, c'est un type bavard qui a beaucoup de conversation, ça me plaît car je cherche à améliorer mon espagnol et un type que te conte sans arrêt des choses c'est très pratique pour développer du vocabulaire. Je sens que le type a du vécu et qu'il prend plaisir à partager ses aventures.

Par contre, à côté de ça lorsque moi j'essaie de lui raconter des choses, ou même de rebondir sur ce qu'il vient de dire, j'ai l'impression de m'adresser à un mur, voir à une machine qui ne serait pas programmée pour réagir à mes interactions.

Je le vois décrocher à chaque fois que je lui raconte un truc, je peux instantanément déceler son regard qui se perd, comme si les circuits se mettaient en repos. Et c'est même pas parce-que mon histoire est ennuyeuse, puisque le gars décroche à peine ai-je prononcé deux mots.

Je sais pas, ça doit être une sorte d'humain programmé pour raconter mais pas pour écouter. Autre trait de caractère que je détecte assez rapidement: c'est un rapace de la plus grande espèce.

Entendons-nous bien, quand je dis rapace, je veux dire que ce type serait prêt à manger entièrement ses propres burnes si ça lui permettait d'économiser le prix d'un dessert au restaurant.

Il me raconte qu'il a déjà évité des vacances à Cuba avec ses amis car il préférait garder son argent, que lorsqu'il sort il fait une longue sieste avant afin d'arriver vers 2-3 heures du matin lorsque tout le monde est bourré et ainsi économiser quelques euros de boissons, qu'il se prépare des sandwiches avant d'aller manger avec ses amis pour manger le moins possible une fois avec eux, qu'il récupère le jus de cuisson de ses légumes pour se faire des cocktails.

En bref, c'est un type assez déroutant de prime abord, mais qui ne paraît pas spécialement avoir un mauvais fond.

Il me raconte également les activités qui lui permettent de vivre. Premièrement, il rénove deux maisons qu'il a acheté avant la crise de 2008. Selon lui, ses maisons sont des gouffres à pognon et il aimerait bien s'en débarrasser le plus vite possible, mais il doit d'abord terminer les travaux.

Deuxièmement, il donne des cours particuliers de musique. Il joue du violon et de l'harmonica depuis ses 10 ans et donne des cours individuels depuis de nombreuses années. À savoir que pour garder son niveau, il s'entraîne plus ou moins 2 heures par jour soit avec le violon, soit avec l'harmonica.

Il a des horaires décalées par rapport à moi et au professeur d'histoire-géographie puisqu'il se lève à 10-11 heures pour aller réparer ses maisons, puis revient jouer de la musique à l'appartement vers 15-16 heures. Ce qui fait que nous ne le croisons pas beaucoup.

En parallèle de la découverte de mon colocataire, je faisais également ma rentrée dans mon lycée.

J'arrivais au lycée un lundi matin vers 11 heures, afin de faire une visite des lieux avec deux professeurs de français que je ne connaissais pas encore.

L'une que nous appellerons Lucia, est une jeune professeure d'à peine 30 ans qui donne des cours de français depuis seulement 2 ans. Elle m'apparaît tout de suite très sympathique et surtout très accueillante.

L'autre est une professeure plus expérimentée, nous l'appellerons Carmen. Elle travaille depuis plus de 10 ans dans cet établissement et doit avoir 45 ans. Je remarque assez rapidement qu'elle est plus stressée que la normale. C'est la chef de département, je devrais donc souvent me référer à elle.

Les deux me font visiter le lycée et m'expliquent quel va être le programme au cours de cette année scolaire. Je suis un peu étonné par une réflexion, elles m'expliquent que je vais devoir faire en sorte que les élèves ne m'entendent jamais parler espagnol. Car d'après elles, ils ne feront plus l'effort de communiquer en français avec moi s'ils se rendent compte que je parle leur langue.

Je me disais que ça n'allait pas être une mince affaire puisque pour communiquer avec les autres professeurs, j'allais forcément devoir m'exprimer en espagnol. J'imaginais que tôt ou tard les élèves se rendraient compte que je parle espagnol. Mais bon pas grave, ça me faisait marrer de jouer le rôle du français qui va dans un autre pays sans en parler la langue.

Puis, elles m'expliquent que je vais donner mes premiers cours l'après-midi même. Rien d'incroyable, juste une petite présentation pour expliquer aux élèves d'où je viens, mon parcours et répondre à d'éventuelles questions.

Je prépare donc rapidement une petite présentation PowerPoint bien cliché. Dans celle-ci, je parle de mon parcours scolaire, de ma région, de ma famille et des spécialités culinaires, bref un truc bien niais.

Sauf que comme un idiot, lors de ma première présentation j'ai pas pensé à adapter mon débit de parole à mon audience. J'ai littéralement parlé comme si je m'adressais à des amis. Le problème, c'est que j'avais face à moi des élèves espagnols de 15 ans qui font du français depuis seulement 2 années. Évidemment, je me rends compte à la fin de la présentation qu'ils n'ont pas compris un mot et que je suis bon pour tout recommencer plus lentement. Quel tocard, je commence bien pensais-je.

Au final, pour les présentations suivantes, j'ai modulé mon débit de parole et je me suis rendu compte que les élèves sont intéressés et ont un meilleur niveau de français que ce que j'avais pû imaginer. L'année scolaire était donc lancée de mon côté.

La première semaine dans le lycée je commence timidement à prendre mes marques.

Je donne principalement des cours dans le bâtiment A. Autour de moi, je vois surtout des professeurs âgés, proches de la fin de carrière. De plus, l'ambiance n'est franchement pas bonne dans ce bâtiment, les gens parlent peu et l'atmosphère est relativement froide.

Néanmoins, certains professeurs sont tout de même sympathiques et viennent me voir pour me demander si je me plais dans le village ou encore si j'ai réussi à trouver un logement.

Naturellement, étant un pur forumeur du 18-25, je ne suis pas à l'aise immédiatement avec ces personnes, la plupart du temps je bredouille des réponses courtes du type: "Oui merci tout va bien pour l'instant je me plais beaucoup."

Mais à ce moment précis, je n'avais pas encore découvert l'Eldorado de mon lycée. Un mercredi matin, je devais donner un cours d'arts plastiques en collaboration avec un autre professeur. La chose ne m'enchantais pas, j'ai toujours détesté cette matière au collège.

Pour donner ce cours, je devais me rendre pour la première fois dans le bâtiment C, que je n'avais jusqu'alors jamais visité. Il est quelque peu éloigné du bâtiment où j'ai l'habitude de donner des cours. En arrivant dans la salle des professeurs pour préparer le cours, la surprise fût totale.

Je cherchais à l'étage le professeur avec lequel je devais collaborer et je tombe sur Pedro, jeune professeur d'arts plastiques, fan de métal et de football.

Je m'entends tout de suite bien avec Pedro, c'est un type sympathique, qui ne se prend pas au sérieux et surtout avec lui, nul besoin de préparer le cours puisqu'il improvise absolument tout face à ses élèves.

Mais au-delà de cela, le bâtiment C m'ouvre les portes d'une chose jusqu'alors insoupçonnée dans ce lycée : des jeunes professeurs. Sans rire, la moyenne d'âge de ce bâtiment ne devait pas dépasser les 30 ans.

Je vous explique, dans les villages paumés il y a beaucoup de changements dans les effectifs d'une année scolaire à l'autre. En général, une moitié des professeurs est titulaire et ne change pas de lycée chaque année. Ce sont les professeurs âgés que je vois souvent dans le bâtiment A. Mais il existe également des interinos, ce sont des jeunes professeurs qui ne sont pas titulaires et qui sont susceptibles d'être mutés vers un autre lycée très régulièrement.

En fait, ces jeunes professeurs donnent principalement des cours aux élèves les plus jeunes du lycée, les 1°ESO et 2°ESO qui ont entre 11 et 13 ans.

Et il se trouve que dans ce lycée, le bâtiment C est celui des plus jeunes. Forcément il s'y dégage une ambiance toute autre là-dedans, les professeurs sont plus enjoués, blagueurs et s'entraident sensiblement plus. Et puis surtout ils m'ajoutent très vite à leur groupe WhatsApp pour organiser des soirées.

C'est par ailleurs dans ce même bâtiment C, que je rencontrais peu de temps après cette jeune professeur qui m'avait fait immédiatement tomber sous son charme.

Mais je vous raconterai plus tard et de manière détaillée cette rencontre et surtout l'évolution de notre relation.

Sweet

Je fav

Tiens un Risitas.
Je m'installe c'est bien écrit