Bonjour à tous,
en cette période de vacances, et de popularité de Soral sur les réseaux, je propose à la planète Forum une série de pavés qui démontrent l'escroquerie de sa pensée. J'attends, évidemment, les arguments contraires
I : Le mai 68 du père Soral
Contexte :
Résumé : Soral pense Mai 68 comme un événement orchestré par l'Empire (aka la "Communauté des communautés") pour mettre fin à une période de paix, d'amour et d'eau fraîche qu'aurait été les Trente Glorieuses.
Pourquoi ? Parce que De Gaulle avait critiqué la dite communauté lors d'un discours cinq mois avant.
Tout cela est une connerie gigantesque, pour au moins trois raisons :
1. Idéalisation totale des Trente Glorieuses : selon Soral, la période de sa jeunesse était irréprochable et un monde en paix, tant économiquement que politiquement ou culturellement. Il occulte volontairement que les années 1960 furent au contraire une période de remise en question constante et violente du régime gaulliste, tant par les mouvements de jeunesse (situationnisme, pacifisme, ou question du colonialisme) que par les mouvements intellectuels, de gauche ou de droite (existentialisme, maoïsme, renaissance du conservatisme religieux et politique). Rien de nouveau : la France suit en cela les autres pays occidentaux, l'Angleterre en tête.
2. Essentialisation des figures de proue du mouvement étudiant : ce vent de révolte, qui couve donc depuis le milieu des années 1950 en réalité (et n'a pas été décidé 5 mois à l'avance par une Maison mère fantasmée) était au contraire un danger pour le bloc américain, dans le contexte de la guerre Froide, que Soral aborde à peine. Alors que l'Angleterre est passée à gauche, et que la RFA est en pleine crise politique depuis l'éviction d'Adenauer, les Etats-Unis avaient très peur de ces mouvements de jeunesse qui devaient avant tout être repris politiquement par l'URSS. En témoigne ainsi l'ensemble des dirigeants étudiants de cette époque, notamment Rudi Dutschke, qui se positionne clairement contre le bloc de l'Ouest dans son non-alignement. Si un bloc de la guerre froide avait bien tout à perdre (en terme d'influence) lors des années 1968, c'est bien le bloc de l'Ouest.
3. Soral se trompe de "complot" : Les Etats-Unis avaient d'ailleurs bien senti ce vent de contestation depuis les années 1950, et avaient agi EN SENS INVERSE : il a été prouvé que la CIA a subventionné des intellectuels occidentaux (Schlesinger, Croce, Bertrand Russell et surtout Raymond Aron) via le Congrès pour la liberté de la culture. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'ensemble de ces intellectuels sont loin d'avoir été les moteurs des soulèvements de 1968, à contrario de Sartre, Thompson ou Marcuse. Et pourtant ce sont les premiers qui ont été soutenus par la CIA (ce que le New York Times a révélé en 1966).
En clair, l'analyse de ces évènements de 1968 par le dissident de la rue des Canettes (75006) est comme toute les autres : sans nuances, occultant ce qui ne va pas dans son sens, et surtout partant de la fin : l'américanisation de la société sur le long terme ne veut pas dire que, dans le contexte mouvementé de l'époque, Mai 1968 allait à l'encontre totale des intérêts d'un "Empire" de toute façon fantasmé.