Extrait du journal de mon amie, datant d'il y a environ 3 ans, qu'en pensez-vous ? A cette époque c'était une hikikomori dépressive. J'ai une impression bizarre mais j'aimerais que quelqu'un la confirme.
Je suis fatiguée. Il y a quelque chose en moi qui tente de s'exprimer, il y a une seconde chose qui bride cette expression. Je voudrais que quelqu'un me trouve avant que je ne meurre. Que quelqu'un me trouve et s'occupe de moi. Voyez dans quelle misère je suis. Je suis seule, tout autour de moi les choses m'apparaissent étranges. J'ai fui la familiarité, je l'ai haï et à présent me voilà seule et désespérée dans le pire des bourbiers. Il ne me manque pourtant pas grand chose... Tout ce qu'il me faut, c'est un peu de tendresse, d'affection, de considération au quotidien. Toute cette agitation mentale devient de plus en plus absurde, et commence à m'ennuyer. Je m'exprime, cela est un cri de détresse. Mais lorsqu'on adresse au monde un cri de détresse, on le fait parce qu'on croit possible que quelqu'un l'entende et cherche à y répondre. Hors là, personne ne semble l'entendre. Je crie depuis si longtemps, toujours inutilement. Où est-ce que je dois aller, que suis-je censée faire ? Si quelqu'un pouvait m'aider. Mais je suis seule. Comment puis-je être seule dans cette immense ville ? N'y a t-il pas ici d'autres gens qui comme moi désespèrent d'être seuls et demandent quelqu'un ? Je ne sais pas quoi faire. Je suis un animal de laboratoire, je me débats pitoyablement et certainement inutilement, comme un animal de laboratoire qu'on retient captif. Je vais probablement mourir dans cet état lamentable. Si il se prolonge, je vais finir par perdre la raison, perdre la cohérence de la pensée et finalement devenir totalement incapable de me lier à autrui. Que suis-je sensée faire ? Je ne suis pourtant pas méchante. Je suis responsable de mon existence, je suis responsable de cette situation. Mon erreur a été de croire que je ne l'étais pas. Mon erreur a été de croire que je n'avais pas le contrôle, que mes échecs avaient pour origine la volonté d'un être au-dessus demoi. Maintenant que j'y suis bien profondément, dans cette merde, je me rends compte de mon erreur. J'attends qu'on me dise ce que je fois faire, j'ai toujours été comme ça. Personne ne me dira quoi faire puisque je suis seule, je suis la seule à m'inquiéter de mon sort. Ce monde est impitoyable, cette ville est une vraie chienne. J'ai besoin de quelqu'un. J'ai besoin de quelqu'un. Il me faut quelqu'un. Pourquoi personne ne vient ? Pourquoi ? ???? Qu'ai-je de si différent des autres humains ? Je ne veux plus écrire, je ne veux plus penser, je ne veux plus rien faire. Je veux disparaître, je veux m'oublier. Le papier ? Insuffisant. Le bitume ? Rien à faire. Il me faut quelqu'un. Quelqu'un qui me fasse oublier l'horreur de ce monde, quelqu'un qui, par sa tendresse, par sa gentillesse et sa bienveillance, me fasse oublier à quel point ce monde est sans pitié pour la faiblesse, comme il brise les êtres qui habitent en lui lorsque ceux-ci osent tenter d'aller à son encontre et comme nous y sommes coincés. Il n'y a rien à faire. Il n'y a rien à faire et je suis seule. Seule au monde, impuissante, pourquoi suis-je seule ? Je ne veux pas rester seule. Je n'ai jamais eu la force nécessaire pour supporter la solitude, pour parvenir à l'apprécier. Ce que je suis ? Je souhaite que tout s'arrête. Quelle misère. Pourquoi chercher à tout justifier ? Il n'y a rien à justifier.
Vais-je vraiment devoir toute ma vie lutter les dents serrées contre cette solitude ? Ce n'est pas une vie digne. Vais-je devoir, toute ma vie, ramper lamentablement dans la poussière de ce monde, à la recherche d'un autre qui accepte, prenant pitié, de m'accorder un peu de tendresse et d'attention ? Une vie indigne, mieux vaut en finir tout de suite.
