Les guerres de religion ont FONDE la FRANCE !
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Il faut mesurer la profondeur de la fracture qu’ont représentée les guerres de Religion.
Elles créent une situation apparemment sans issue, puisque les calvinistes ne sont pas assez forts pour l’emporter, et les catholiques pas assez puissants pour éliminer les calvinistes. Le pays est menacé dans son existence, car les divisions religieuses conduisent le parti catholique à faire appel à la grande puissance mondiale de l’époque, qui est l’Espagne, au nom du principe « plutôt espagnol que protestant ».
Les Français se trouvent alors devant une épreuve qui va faire naître le sentiment national : que faire passer en premier, l’identité religieuse ou l’identité politique ? La solution absolutiste va consister à faire de l’État l’arbitre supérieur qui domine les clivages religieux.
Louis XIV est le monarque qui parachève cette construction entamée par ses prédécesseurs et clôt ainsi l’épreuve terrible des guerres de Religion. Il pose une fois pour toutes ce qui va rester la colonne vertébrale de l’identité politique française : l’État central, l’autorité souveraine qui régente d’en haut la vie collective.
Ce sacre de l’État à l’intérieur intervient au moment où l’éclipse de la puissance espagnole et de l’empire des Habsbourg, au terme de la guerre de Trente Ans, fait de la France la puissance dominante en Europe.
Elle est le pays le plus peuplé, le plus puissant militairement. Ce moment hégémonique est aussi celui où la culture française se fixe comme élément de la politique nationale et de son rayonnement international, au titre de la gloire du monarque.
Cela passe par une politique de la langue, avec l’Académie française, et par l’encouragement officiel des lettres, des arts et des sciences. Inutile d’insister sur l’éclat durable qui va entourer la formation du canon esthétique classique et l’œuvre de ses grands exemplificateurs, les Corneille, Racine, Molière et tant d’autres. Sans parler du cortège des réalisations bien connues, de Versailles au canal du Languedoc en passant par les forteresses de Vauban, qui donnent au règne de Louis XIV tout son lustre. C’est alors que sont posées les bases de l’universalisme français, dont la République française a hérité.
Ainsi, il est juste dire que les guerres de religions ont fondé la France.
Nous parlons là du politique et de l'art. Parlons maintenant du social.
L’empreinte la plus profonde et la plus durable qu’a laissé le moment louisquatorzien réside sans doute dans le modèle humain qui s’y est forgé. Il est toujours vivant et il constitue un trait identitaire français : une vision idéale de l’homme accompli – « l’honnête homme » – qui est un homme de culture sans être un pédant, un homme qui sait converser et qui sait se conduire avec les femmes – la galanterie.
L’honnête homme ne vient pas de rien : il procède de l’humanisme renaissant, mais il s’incarne là sous la forme d’un modèle qui va imprégner toute la culture française – la littérature, les arts, la philosophie, les sciences elles-mêmes, dans une certaine capacité des savants à expliquer leurs résultats au public non-spécialiste.
Ce qu’on va appeler « l’intellectuel » à partir de l’affaire Dreyfus est une réincarnation de ce modèle dans un autre contexte où la politique passe au premier plan.
Il vit encore aujourd’hui dans un certain idéal de l’expression publique auquel l’exercice scolaire de la dissertation est supposé former – raison de l’attachement pas toujours très rationnel dont il fait l’objet de la parti des milieux cultivés, mais qui a des racines profondes.
La médaille a son revers : une propension à la superficialité, la primauté abusive du bien-dire et des belles manières sur la solidité du fond – autre débat typiquement de chez nous. Mais quoi qu’on conclue au sujet de l’héritage de ce modèle, force est d’en enregistrer l’enracinement et la fécondité.
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- ShahRukhShah
- Date de création
- 19 septembre 2021 à 12:03:28
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