Un homme, un vrai, ne lit pas de livres brochés, et même plus, il n'en détient pas, tout simplement car le livre est un objet bien trop grand, bien trop élevé, pour mériter un support si faible ; il est absolument disproportionné, n'est pas digne de ce format médiocre, fragile, laid, qui se tord et se brise si aisément. De même qu'un texte ne mérite guère des pages trop épaisses, il est criminel de se contenter de l'enfermer dans une pauvre feuille, légèrement cartonnée et plastifiée. Le livre est sacré, au même titre que la Bible, expression qui d'ailleurs, traduite, ne signifie autre chose que « le Livre. » Un homme qui possède des livres brochés ne mérite pas d'être qualifié ainsi, il est un moins que rien.
Le livre broché ne convient en vérité qu'aux petits enfants, incapables de prendre soin de leurs affaires, ou aux femmes, lectrices médiocres, puériles, immatures, incapables de différencier le beau du mauvais si on ne le leur indique pas, ces êtres qui se contentent de romans de gare, de lectures de ménagères, au style pauvre, aux intrigues surannées, déjà vues mille fois, souvent tintées d'érotisme, voire, ce qui est encore plus terrible, de brûlots féministes superficiels se cherchant une consistance par le masque de la sophistique.
Moi, voyez-vous, je suis un homme, un vrai, je lis de la grande littérature, je lis Dostoïevski, Nietzsche, Marc Aurèle, Tolstoï, Gobineau, Épictète, Rousseau, Céline, des auteurs virils, desquels n'émanent autre chose que la volupté de la puissance esthétique, et jamais je n'oserais pénétrer dans leurs pensées au moyen d'un vulgaire livre de poche, car ce serait s'adonner et s'abaisser à un péché inouï, plus bas que la majorité des horreurs commises depuis l'aube de l'humanité. La littérature se respecte, et elle ne mérite point un autre écrin que d'excellentes éditions, voilà pourquoi depuis que je suis sorti de l'adolescence, ma bibliothèque n'est plus composée d'autres choses que de vieilles reliures, de Pléiades, de Jean de Bonnot, de Crémille, de France Loisir ou encore, faute de mieux, le cas échéant, de Crémille.
Enfin, j'ajouterais, qu'au même titre que le contenant du livre se doit d'égaler le contenu, le contenant des livres se doit d'égaler ceux-ci, voilà pourquoi il est indispensable que d'être détenteur d'une belle bibliothèque, et non d'un meuble IKEA. Et cette logique se poursuit jusque dans la salle contenant le meuble du savoir : elle se doit d'être bien décorée, accompagnée de peintures par exemple, ou bien, comme dans mon cas, du buste de grand homme, tel que Napoléon.
Voilà, je n'ai plus rien à vous dire, mais sachez, je le répète à nouveau, que si vous avez des livres brochés, vous me dégoûtez, et que je vous conspue, vous méprise, même si j'ai un peu de compassion envers ceux d'entre vous qui sont des femmes (Je vous méprise à la base, mais... après tout, vous êtes comme les animaux, n'avez pas de conscience), bien que vous ne demeuriez pas excusables.