Ma mère est atteinte d'une maladie neuro-dégénérative. On ne sait pas encore exactement laquelle, des examens sont en cours. Cela fait quelques années, qu'elle aillait de moins en moins bien. Je pense que je me voilais un peu la face. Je refusais de la voir lentement décliner. Elle était encore "capable" après tout. Au premier confinement, son état de santé s'est grandement dégradé. Depuis quelques semaines, elle est hospitalisée dans un service de neurologie. C'est de pire en pire : elle ne marche plus, ses crises de démences se rapprochent, elle refuse ses médicaments, elle ne mange plus, elle agresse les para-médicaux, etc. Elle perd complètement pieds avec la réalité.
Cette maladie tue son identité. Elle détruit la personne qu'elle était. L'esprit de ma mère meurt petit à petit. On ne peut rien y faire. Irrémédiablement, elle continuera à sombrer dans les ténèbres. Quelle vie lui reste-t-il ?
Je suis professionnel de santé : "je savais ce que c'était". Mais, en réalité, je ne savais rien. Tant que l'on n'y a pas été confronté personnellement, on ne sait rien. On ne saisit pas l'horreur de ces maladies. On ne voit pas une personne que l'on connaît devenir méconnaissable. On ne voit pas tout ce qui fait d'eux ce qu'ils étaient disparaître : inévitablement, progressivement, insidieusement.
Je ne souhaiterai pas à mon pire ennemi de vivre cette expérience. Je ne suis pas quelqu'un qui montre ses émotions. Souvent, je fais aller et j'essaie de ne pas trop y penser. Mais des fois, comme ce soir, je réalise. Je réalise qu'elle n'ira jamais mieux. Que jamais je ne reverrai ma mère, celle qui m'a élevé. Elle n'est pas morte, elle meurt mille fois au grès des aggravations de sa condition. Des fois, son état s'améliore transitoirement et j'en viens à espérer. La triste réalité me rattrape bien vite.
Si vous êtes dans le même cas, sachez que vous n'êtes pas seul. Moi, ça m'a fait du bien de vous écrire cela.